par karatejapon » Lun Sep 11, 2006 5:48 pm
Le Père Noël est aussi passé pour votre webmestre et lui a apporté un DVD dont nous souhaitons vous parler.
"Fighter in the wind" est supposé être une biographie romancée d'Oyama Masutatsu Sôsai, fondateur du k
Kyokushin karate. Si l'idée est bonne - mais pas nouvelle - le film appelle, selon nous, de nombreuses remarques dont certaines négatives.
Plutôt encensé - du moins sur la toile - par une critique peu au fait de la chose martiale et de l'Histoire, ce film se laisse malgré tout regarder avec plaisir.
Très "coréen" dans son style, il propose des images plutôt violentes, en dehors même des scènes de combat. Ces dernières sont fort correctement réalisées et filmées dans ce qu'elles sont relativement proches de la réalité du combat de karate "véritable".
Pour les historiens amateurs, par contre, il s'agit d'une vaste plaisanterie au vu du manque total de précisions historiques. Cela vaut autant pour le contexte de l'époque que pour l'histoire véridique du célèbre karateka.
On pourrait même se laisser aller à parler d'un certain révisionnisme tant les caractères de certains groupes ethniques et personnages sont outrés et caricaturés à l'extrême.
Le postulat de base, présentant le futur Oyama Masutatsu comme un ardent défenseur de la communauté coréenne au Japon dans l'après guerre, ne repose sur aucun témoignage ni aucun engagement affirmé du personnage.
Le Sôsai du Kyokushin karate quitta sa Corée natale de son plein gré. Il ne fit pas partie des malheureux déportés au Japon.
Il choisit lui même son nom japonais et s'intégra parfaitement à son nouveau milieu en tant qu'adolescent élevé dans le culte des samurai. Son rêve de l'époque - tel qu'évoqué dans ses mémoires - était de devenir kamikaze ("pilote suicide") d'où son inscription dans une école militaire de l'aviation impériale. Heureusement, la reddition du Japon le sauva d'un sort funeste.
Le film le présente en sauveur de la vertu des jeunes filles Coréennes du Japon, systématiquement pourchassées par des militaires américains imbibés ne rêvant que viols, plaies et bosses.
Les coupes de cheveux et les uniformes fantaisistes des pseudo soldats tiennent de la franche pitrerie.
Cela étant dit, les combats que cette situation occasionne sont un puissant moteur de l'action.
La suite du film s'éloigne encore plus franchement de la réalité bien que celle-ci refasse surface de temps à autre.
C'est notamment le cas lorsque le jeune homme part en retraite dans la montagne et se rase un sourcil afin de s'empêcher d'abandonner et rentrer en ville sous cette apparence ridicule.
La quête du futur fondateur de l'organisation Kyokushinkaikan, parsemée de nombreux défis à d'autres Maîtres en Arts Martiaux, donne lieu à de "beaux" combats.
Leur intérêt réside surtout dans la variété des oppositions. On voit des aikidôka, des kendôka, des karateka bien entendu et même un ninja!
Par contre, la scène où le héros encaisse - sans broncher - un coup de shinai (sabre en bambou en pleine tête) prête franchement à rire.
Les scènes sont courtes mais intenses et Jeong Doo Hong, la vedette coréenne du film, s'en tire très bien.
Toutefois, Yang Yoon Ho, le réalisateur, nous présente un jeune pratiquant éclairé se battant seul contre une sorte d'establishment japonais des budô. Cette vision ne fut que partiellement avérée et s'en trouve largement exagérée.
De nombreux Maîtres (Japonais de souche) en Arts Martiaux furent confrontés à des problèmes de crédibilité et durent batailler ferme pour établir leur réputation. Il ne s'agissait donc pas d'un supposé ostracisme anti coréen.
A ce propos, le film passe totalement sous silence le fait qu'Oyama Masutatsu Sôsai fut l'élève du célèbre karateka purement Japonais Yamaguchi Gogen Sensei du Gôjû ryû karate et du Maître Okinawaïen Funakoshi Gichin Sensei.
La réalité ne fut donc pas celle présentée dans le film. A savoir de gentils Coréens systématiquement martyrisés par d'affreux Nippons refusant l'élévation d'un "étranger" dans le milieu des budô au nom d'une certaine pureté.
Dès lors il n'est guère étonnant que le film n'ait connu qu'un succès modéré au Japon alors même qu'Oyama Masutatsu Sôsai jouit toujours d'une grande popularité dans l'archipel, longtemps après sa disparition.
L'idée d'un rassemblement de Maîtres Japonais d'Arts Martiaux se regroupant pour décider du sort du jeune Coréen est, là encore, un pur produit de l'imagination des scénaristes. Rien ne vient corroborer cette idée.
Il en va, bien entendu, de même pour la tentative d'assassinat dont le héros sortira physiquement blessé et psychologiquement transformé.
Par contre, l'épisode où l'ont voit le jeune karateka se mettre au service de la famille d'un homme tué au cours d'une rixe serait authentique, selon plusieurs sources au Japon.
Ce douloureux souvenir aurait modifié le cours de la vie d'Oyama Masutatsu Sôsai.
Il n'en reste pas moins que les images sont belles et que le film reste agréable. A condition toutefois de bien comprendre que les faits réels sont très largement romancés.
Avec 2,5 millions d'entrées en Corée du sud, ce succès cinématographique aura eu le mérite de réhabiliter quelque peu la mémoire de cet émigrant, souvent dénigré par ses ex compatriotes après guerre. Oyama Masutatsu Sôsai fut un temps considéré comme un "traître à la patrie" par de nombreux Coréens lui reprochant d'être devenu "plus Japonais que les Japonais".
Baser le film sur le plan de la confrontation ethnique et éluder quelque peu la "querelle des anciens et des modernes" est regrettable. C'est plutôt à cet aspect des choses que fut confronté le créateur de cette Ecole majeure.
Nous avons également relevé deux grossières distorsions historiques à la fin du film.
Le jeune Oyama Masutatsu aurait défié et vaincu plus de cent "maîtres" de divers Arts Martiaux japonais avant d'être reconnu. Lesquels? Personne ne le sait. Il s'agit plutôt de l'idée du hyakunin kumite, ici reprise et adaptée.
Par ailleurs, la Kyokushinkai a été officiellement fondée en 1964 mais en fait son fondateur enseignait déjà depuis 1955. Il s'agissait d'Oyama karate dans des dôjô de fortune, parfois en plein air.
Nous vous présenterons un autre jour le premier film basé sur la vie du fameux karateka. Celui n'était pas le premier. Le précurseur mettait en scène Chiba Shinichi (alias Sonny Chiba), le Hattori Hanzô de Kill Bill, dans les années 70.
D'ici là, bon film à toutes et à tous.
Fighter in the wind
Réalisé par Yang Yoon Ho
2004
Corée du sud
Avec Jeaong Doo Hong dans le rôle de Choi Bae Dal ( futur Oyama Masutatsu) et Katô Masaya.
Distribué par Europacorp (société de production/distribution de Luc Besson)
Disponible sur le Web en V.O. et V.F.
1H56'.
Dernière édition par
karatejapon le Jeu Mai 08, 2008 8:39 pm, édité 2 fois.