Revenons aujourd'hui sur un sujet simple mais qui vous fera, peut être, réagir en donnant votre opinion.
Qu'est ce que la ceinture noire au Japon? Que représente-t-elle? Comment les pratiquants Japonais conçoivent ce "graal"?
Nous nous sommes attachés, ces derniers mois, à recueillir les avis de pratiquants venant d'horizons divers. Principalement des Nippons mais aussi des étrangers ayant obtenu le shôdan au Japon. La question était simple: "Que représente pour vous la ceinture noire?"
- François, Français, nidan JKA:
- "Je pratique depuis plus de trente ans alors j'ai pris du recul mais je n'oublie combien c'était important pour moi. J'avais déjà eu la ceinture noire à la FFKAMA mais la repasser au Japon c'était le summum. Je voulais vraiment l'avoir et je me suis entraîné dur pour ça. Ca avait plus de valeur que le passage en France et c'était bien plus dur. Passer devant les Maîtres Japonais c'était exceptionnel et, pour moi, c'est comme si je passais pour la première fois.
Maintenant j'encourage les jeunes dans mon dôjô car c'est un passage obligé. A partir de là on découvre autre chose. En tout cas il ne faut pas s'arrêter là mais transmettre et continuer aussi pour soi."
- Kenji, 16 ans, vient d'obtenir le shôdan du Kyokushinkaikan:
- "Je suis très heureux. Depuis que j'ai commencé le karate j'y pensais, c'était mon rêve le plus cher. Mes parents m'ont aidé et je remercie aussi les Sensei du dôjô.
Je crois que c'est très important parce que maintenant je peux travailler à un autre niveau avec les senpai.
Si j'avais échoué j'aurais été très déçu parce que c'est vraiment important. Tout le monde veut être ceinture noire et il faut travailler dur pour réussir. Les Sensei me demandent de m'occuper des enfants, j'aime bien ça et je suis très sérieux car on me fait confiance. Je sens la confiance et je m'en montre digne."
- M. Miyake, nidan Wadôkai:
- "Je m'en souviens bien. L'examen était difficile mais ça s'est fait naturellement. J'ai mis cinq ans pour passer le test et j'ai réussi dès la première fois. J'étais vraiment content et j'y repense avec plaisir. Bon, maintenant, c'est différent avec le temps qui passe mais je crois que c'est important. Ca ne fait pas tout mais ça donne envie de progresser. Un peu comme le jeu de go dont je suis shôdan. C'est le résultat d'un travail régulier et d'un investissement.
Ca reste un grand moment pour moi. Je me souviens de toutes les félicitations. Néanmoins, au bout de quelques semaines, c'est devenu normal, je n'y pensais plus. On regarde devant pour les autres grades. J'essaye d'aider les autres, surtout avant les examens, c'est important de travailler ensemble. Il faut se mettre à la disposition des autres quand on est ceinture noire."
- M. Nakata, shôdan Shukokai:
- "Je m'en souviens comme si c'était hier, pourtant ça fait déjà cinq ans. Un grand moment pour moi. Je m'étais préparé avec beaucoup d'attention et de précision. J'étais ému au moment de commencer. Je passais après beaucoup d'autres personnes qui avaient transpiré et souffert au Honbu dôjô, j'étais plein de respect et d'humilité.
Quand le Chef Instructeur a lu les résultats je n'ai pas bougé car ça ne se fait pas mais j'étais fou de joie.
Vous savez, c'est important la ceinture noire car on débute vraiment à ce moment là. On fait partie d'un groupe qui doit travailler au développement de notre Ecole. Nous avons la responsabilité de poursuivre l'oeuvre du fondateur. C'est une grande responsabilité que j'accepte. Un grand changement personnel et au dôjô."
- Honda Senpai, shôdan IKO:
- "J'ai beaucoup souffert avant de réussir. C'était très dur et parfois j'en voulais aux senpai qui me traitaient durement mais je comprends. Je dois faire pareil maintenant car je suis yûdansha et j'ai donc des responsabilités. Je m'investis dans la vie du dôjô comme tout le monde. On passe tous par là et c'est normal.
En tout cas je suis plutôt fier mais je me rends compte qu'au delà de mon plaisir personnel, il faut continuer et rendre ce que qu'on m'a donné. C'est venu simplement mais j'ai compris qu'il faut maintenant progresser et aider au dôjô quand on me le demande. Je me sens comme investi de responsabilités, comme tous les yûdansha de notre groupe."
- Mme Kohara, shôdan SKI:
- "Je suis consciente de tout ce que la ceinture noire représente. Pour moi c'est une joie et je continuerai. Aussi, je crois que c'est important de travailler au développement du karate. Il n'y a pas beaucoup de dôjô dans ma région alors je dois travailler à montrer ce que c'est. En fait, ça se joue sur deux niveaux: personnel et pour Kanazawa Sensei. J'étais très honorée quand il m'a remis personnellement mon diplôme et je dois donc apporter mon aide à notre groupe. Si vous connaissez le Japon et comprenez les Japonais, vous savez ce que je veux dire."
- M. Isobe, shôdan Gôjû ryû:
- "C'est très important dans la vie d'un pratiquant mais ce n'est qu'une étape. Il faut continuer à s'entraîner pour soi et pour aider les plus jeunes qui doivent aussi y arriver. Quand on est ceinture noire, on est responsable de plus de choses. C'est comme ça au Japon, vous savez...Nous suivons la Voie Yamaguchi à base d'entraide mutuelle et de travail en groupe."
- M. David Tam, Américain de 32 ans, shôdan Shotokan ryû:
- "J'étais très fier quand mon Maître m'a envoyé au Japon avec deux autres élèves pour passer l'examen. Et j'étais encore plus fier quand j'ai réussi. En fait nous avons tous les trois réussi le test. C'était super de passer au Japon!
Maintenant mon Maître me confie certains cours et je participe encore plus à la vie de notre groupe. C'est normal quand est ceinture noire, nous travaillons tous de la même façon ici. Je compte m'occuper surtout des enfants ainsi que des élèves préparant le test de ceinture noire.
Je m'entraîne pour progresser car l'erreur consisterait à ne plus rien faire. Je crois vraiment que trop de gens se reposent psychologiquement après le premier dan mais nos Maîtres au Japon nous ont bien expliqué cela.
J'enseigne à mi-temps depuis que j'ai obtenu la ceinture noire et j'espère encore progresser et retourner au Japon. C'est cher mais nous faisons tous des efforts au sein de la communauté. De toute façon Sensei Harris nous pousse à partir au Japon pour la ceinture noire. Lui aussi l'a obtenue à Tôkyô et nos liens avec le Japon restent forts."
- M. Charles Habbach, Libanais, nidan JKA:
- "C'est très important d'être ceinture noire, vous comprenez...Pour beaucoup de raisons. D'abord c'est le début de tout. J'ai eu la chance de partir au Japon quand je travaillais aux Etats Unis. Quand on m'a proposé un poste à Tôkyô je n'ai pas hésité. J'ai saisi cette chance pour continuer l'entraînement au Japon où je suis resté plus de deux ans.
J'étais déjà ceinture noire en France mais j'en ai remis une blanche et, avant de rentrer aux Etats Unis, j'ai passé l'examen. C'était très bon pour moi. J'ai compris beaucoup de choses au Japon et maintenant je voudrais développer le karate dans mon pays avec l'aide des Français qui ont un niveau élevé.
Etre ceinture noire, pour en revenir à votre question...Bon, en gros ça induit des responsabilités, de l'honnêteté, de la volonté et beaucoup de travail. Vous savez, comme je me rends régulièrement au Liban, j'aide à l'organisation des stages et je dois donc être un exemple pour les participants. Mon ami Laoud - qui est professeur à Beyrouth - et moi même sommes passés par les stages de grands professeurs comme Lavorato et Plée. Maître Kase aussi. C'était un vrai Maître que nous avons beaucoup écouté et que nous admirons sans réserve. Donc nous devons suivre la même Voie. Au Japon on vous apprend cela. Devenir ceinture noire n'est pas un acte sans signification et dénué de sens, bien au contraire. Vous avez reçu des anciens et vous donnez aux jeunes. Sinon ça ne marche pas."
- Iwane Senpai, shôdan Shinkyokushinkai:
- "...C'est important de savoir tout ce que veut dire le fait d'être yûdansha...Vous comprenez ce que je veux dire, je pense. Disons que pour un groupe comme le nôtre, il est essentiel de se montrer à la hauteur car nous ne sommes pas encore très nombreux. Nous, yûdansha, devons montrer l'exemple. Je crois que c'est aussi simple que ça.
Je ne suis pas instructeur mais lors des entraînements il faut être strict avec soi même et aider les kohai. Si on ne la fait pas on n'a pas l'esprit requis pour porter une ceinture noire."
Nous espérons que ces témoignages vous auront intéressés.
Les erreurs d'interprétations et/ou de traduction, à partir du japonais et de l'anglais sont de notre seule responsabilité et nous remercions sincèrement les pratiquants qui ont pris le temps de nous répondre.
Comme généralement sur le site, les threads font suite à des articles. A vous donc, si vous le souhaitez, de réagir à celui ci, selon vos idées et expériences.
Merci.