Nombreux sont les pratiquants de karatedô non Japonais qui rêvent d'aller s'entraîner dans l'archipel. Malheureusement, bien souvent, l'argent - ou plutôt son manque - reste un écueil incontournable. Néanmoins on trouve au Japon quelques centaines de privilégiés, pas tous Nippons d'ailleurs, qui s'entraînent et combattent tout en étant financièrement aidés.
La tradition du mécénat dans le monde des Arts Martiaux japonais remonte à plusieurs siècles. A l'époque classique des samurai certains seigneurs assuraient les besoins de sabreurs renommés lors de longs périples à travers le pays, appelés shugyôsha, et destinés à affiner leur technique, souvent par le biais de défis.
Cette tradition trouve son prolongement dès le début du vingtième siècle dans le sumô avec des mécènes généreux pour les rikishi de la division la plus élevée (makuuchi) ou de jeunes lutteurs prometteurs.
Aujourd'hui encore ce système de sponsor perdure et reste visible avec la remise d'enveloppe contenant de l'argent liquide (kensho) et la présentation de bannières aux couleurs de grandes société, Coca Cola ou des entreprises d'électronique par exemple, lors des six tournois annuels (basho).
Le karatedô est lui aussi touché par ce phénomène, surtout depuis les années 1970. Il en va de même pour les sports de combat au Japon, avec l'avènement de champions de kickboxing tels Fujiwara ou Kurosaki Kenji. Ces derniers ont été sponsorisés pour aller s'entraîner et combattre en Thaïlande.
Des mécènes privés, généralement chefs d'entreprise ou cadres dirigeants de groupes industriels ont, dès les années 1960, offert des soutiens financiers ponctuels à des champions de karate issus d'Ecoles diverses.
Notre enquête pour cet article (des mois de recherches au Japon) met en évidence qu'à cette époque, il s'agissait, pour partie du moins, de montrer une certaine fierté de la jeunesse nippone et aider au rayonnement international du pays, alors de retour dans le concert des nations après sa mise au ban des pays développés suite à la défaite militaire (et psychologique induite) de 1945.
D'autres motifs, moins avouables ceux là, ont aussi poussé au développement du sponsoring. Nos membres qui connaissent bien la ligne éditoriale du site savent déjà que le politiquement correct est ici sans objet.
Ainsi donc, plusieurs groupes d'extrême droite ont collecté des fonds pour aider des pratiquants, souvent utilisés comme gardes du corps ou "gros bras", pour faire le coup de poing lors des troubles étudiants de la fin des années 1960.
Feu Sasakawa Ryôichi, capitaine d'industrie, fasciste reconnu et avoué ainsi que criminel de guerre de classe A (destiné à être exécuté) est connu pour avoir sponsorisé des combattants de l'Ecole Shotokan. Ce fait reste de notoriété publique au Japon. Pour être tout à fait honnête, ce sponsoring a perduré bien après cette période, au moins jusqu'à la fin des années 1990, sans pour autant y voir des raisons cachées ou troubles. On peut certainement accorder à ce personnage controversé l'idée d'un sincère intérêt pour le karatedô.
Dans le même ordre d'idée, des groupes yakuza (syndicat du crime japonais) sponsorisent toujours des pratiquants dans des buts, là encore, peu avouables. Les Ecoles concernés sont principalement, selon nos informations, les Byakurenkai, Shotokan et Kyokushin (divers groupes impactés).
Mais revenons en maintenant à un sponsoring plus "sain", dépourvu de buts douteux.
Dès les années 1980 le système s'est développé, essentiellement pour des élèves de groupes Shotokan et pour la Kyokushinkai. Il s'agissait de permettre à de jeunes pratiquants de pouvoir s'entraîner et se déplacer pour participer à différents tournois.
Dans le cas de l'Ecole fondée par Oyama Masutatsu Sôsai, cette facilité concernait des uchideshi (élèves internes) mais aussi des sotodeshi (externes). Pour les premiers, fréquemment totalement désargentés, ce mécénat a permis de se rendre à divers tournois, les frais afférents n'étant pas pris en charge par le honbu dôjô.
Suzuki Sensei, responsable d'un dôjô au coeur de Tôkyô, nous a décrit ce système bien rôdé et nécessaire. Il a lui même bénéficié des largesses d'un sponsor qui l'a soutenu financièrement jusqu'à l'ouverture de son propre dôjô et lui fournit encore, à ce jour, un travail à temps partiel.
Un des derniers uchideshi Japonais embarqué, voici quelques années, pour le "sacerdoce" des mille jours au honbu dôjô a été officiellement sponsorisé lors d'une cérémonie. Son mécène, patron d'une entreprise de taille moyenne a eu droit aux honneurs de la presse nippone. Selon ses dires, l'investissement se monterait aux alentours de 9000€ pour les trois années d'entraînement, incluant le logement, les déplacements divers, les soins médicaux éventuels et un peu d'argent de poche.
Il est à noter que ces sponsors se sont généralement montrés fidèles, même si les résultats en compétition n'étaient pas toujours au rendez vous. L'Esprit japonais de devoir (giri) et de fidélité n'est certainement pas étranger à ce constat. De même ce mécénat a couvert et couvre encore plusieurs années et non pas un évènement ponctuel.
Au Japon, ce sont les familles des pratiquants qui généralement cherchent et trouvent ces sponsors via les relations de travail. Les patrons ou supérieurs hiérarchiques, surtout dans les grandes sociétés, sont sollicités et des garants de moralité sont recherchés pour plaider la cause de jeunes pratiquants voulant réaliser leur rêve. De nos jours, ce type de mécénat, même si moins répandu que dans les années 80 et 90, reste encore d'actualité.
Et les étrangers vous demandez vous...?
Au honbu dôjô IKO, un de nos interlocuteurs nous a parlé d'un uchideshi Français, au tout début des années 1990, originaire de la région niçoise et sponsorisé par un compatriote aux moyens financiers importants. Egalement quelques étrangers se sont vus soutenus par des mécènes locaux, jusque dans les années 2000 semble-t-il. Seule obligation, s'entraîner et combattre, en engrangeant les bons résultats si possible, bien entendu.
Nous avons par ailleurs croisé récemment un membre Américain de la JKA (groupe Shotokan le plus important), sponsorisé par un mécène Japonais, ami de sa famille. Son voyage jusqu'à Tôkyô et ses frais d'entraînement ont été intégralement pris en charge par cette personne en contrepartie d'une pratique sans relâche, conclue par l'obtention du shôdan avant son retour aux Etats Unis. Une période d'un an lui avait été impartie pour atteindre son objectif, réalisé au début de l'année.
En résumé, la tradition du sponsoring, bien ancrée au Japon, pas uniquement dans le milieu des Arts Martiaux d'ailleurs, existe toujours même si plus marginale qu'elle ne l'a été à certaines époques. Pour y accéder il faudra s'employer et faire jouer de multiples contacts mais rien n'est impossible.
Le calcul des frais à envisager dépendra de vos buts et, bien entendu, de la durée prévue du séjour. Les sommes requises seront donc très variables selon les cas.
Nous espérons que cet article vous intéressera et souhaitons remercier l'ensemble des personnes qui ont pris le temps de nous répondre pour cette enquête au Japon.