Le réveil est plutôt dur pour cette dernière journée du kangeiko (les jambes aussi d'ailleurs...).
Comme la veille, le rassemblement est prévu à 6:20 devant le ryôkan. Le froid semble moins vif avec -3° mais heureusement sans vent.
Enfilant mes chaussures dans le hall de l'hôtel, nous note avec un certain étonnement que plusieurs stagiaires sortent torse nu, leur veste de dôgi sous le bras.
Renseignements pris, il s'agit de l'équipe des combattants du Honbu dôjô dont certains ont eu hier la mauvaise idée d'enfiler un T-shirt pour se protéger du froid matinal. Grosse erreur car le Kanchô a tout vu et donc décidé d'endurcir ces jeunes gens. Goda Yûzo Shihan, comme à son habitude ne mâche pas ses mots et on se demande si ces combattants craignent plus le froid ou le Shihan qui les admoneste sévèrement pour avoir montré une telle faiblesse.
A cette occasion, le Sensei en charge du groupe où se trouvent les Français nous félicite car nous avons couru le semi marathon sans gants ni bonnet ou sous vêtement pour le torse. Il note encore avec plaisir que, comme hier, nous ne portons que le karategi. Mais il est vrai que nous sommes à bonne école sous la férule de Jacques Legrée Shihan.
Rien de nouveau par rapport à la veille pour l'entraînement du matin mais, aujourd'hui, notre petit groupe se concentrera sur le kata Bassai dai, répété près d'une trentaine de fois et corrigé par notre Sensei principal.
A nouveau, il est agréable de voir le soleil se lever sur les temples, une autre belle journée ensoleillée s'annonce. Le plaisir est bien là et surpasse la sensation de froid et la fatigue dûe aux efforts de la veille. Nous oublions vite les douleurs et nous concentrons sur notre travail.
Le cours achevé, nous avons droit à la seconde cérémonie dans le temple, au moins aussi délicate que la première. Les Japonais n'en peuvent plus et nous non plus. Romain Anselmo Senpai ne refusera pas la coupe de sake que lui tend l'assistante des religieux à la sortie. Un peu d'antigel ne fait pas de mal...
Après le petit déjeuner nous nous attaquons au ménage car c'est tout le groupe qui doit laisser l'auberge en parfait état avant que les employés ne reconditionnent les chambres pour les clients suivants.
Etant tous trois ceintures noires nous sommes plutôt cantonnés dans des tâches de supervision et de pliage des futon. Les kyû ("porteurs de ceintures de couleur") doivent, pour certains d'entre eux assurer le nettoyage des toilettes et vider les poubelles. Pour peu gratifiantes qu'elles soient, ces corvées sont effectuées avec beaucoup de soin et de bonne volonté. Il est vrai que nous sommes au Japon.
Nous quittons le ryôkan pour une courte cérémonie devant le monument érigé à la mémoire d'Oyama Masutatsu Sôsai et saluer Matsui Shokei Kanchô qui nous quitte ici.
Et c'est une longue procession qui emprunte un petit chemin de montagne très escarpé, passant de 1100 à 500 mètres d'altitude en un peu moins de quatre kilomètres. Importante déclivité donc qui demande une attention soutenue afin de ne pas chuter. Quelques participants tomberont quand même mais sans gravité.
Nous arrivons finalement au point culminant du kangeiko, le taki shugyô. Il s'agit de l'épreuve de la cascade, attendue par tous les pratiquants.
Ce lieu magique a vu des milliers de karateka se plonger, torse nu, sous l'eau glacée. L'émulation du groupe prend là tout son sens et la motivation est palpable.
Le premier groupe, celui des Shihan, dirigé par le premier d'entre eux, Goda Yûzo, se plonge sous la cascade et se met en position pour une série de trente tsuki accompagnés de kiai qui résonnent sur les pentes enneigées du Mitsumine. Les applaudissements et les encouragements fusent.
Le groupe des femmes se lance à l'assaut de la cascade. Une partie d'entre elles resteront dans le bassin car la place est comptée sur les rochers glissants. Ces dames effectueront une série de cent tsuki, très applaudie par l'ensemble des stagiaires.
Les enfants entreront eux aussi dans la bassin, au pied de la cascade pour une trentaine de techniques.
Arrive enfin notre tour. J'ai fait en sorte de passer avec mes camarades Français. Je me positionne le premier et note le grand sourire de Romain Anselmo Senpai...Vite effacé quand il passe sous l'eau glacée.
Une fois installés nous entamons une série de cinquante tsuki, sous la direction de Julien Porterie Sensei.
Le fracas de l'eau est assourdissant, elle frappe sur le sommet du crâne et nous ne sentons même plus le froid. Les kiai sont puissants et rythmés par les encouragements des autres stagiaires qui applaudissent le choix de cinquante techniques décidées par le Sensei.
A mi-série un bloc de glace se détache et vient s'écraser sur mon dos, me faisant perdre l'équilibre. Je me relève bien vite et fini l'exercice. C'est seulement au pied de la cascade que Romain Anselmo Senpai constatera les dégâts et épongera le sang qui coule des diverses abrasions qui me zèbrent le dos et dont je garde aujourd'hui encore des traces bien présentes. Mais tout cela a peu d'importance. L'essentiel est que nous avons réalisé tous les exercices de ce kangeiko, solidaires et avec un esprit de combattants, le Kyokushin Spirit.
Nous en sommes repartis avec des images plein les yeux, la tête et le coeur. Nous avons commencé ensemble et fini ensemble, comme il est demandé en Kyokushinkai karatedô. Et nous le referons, j'en suis certain.
Nous tenons à remercier l'ensemble des participants au kangeiko ainsi que Matsui Shokei Kanchô pour sa bienveillance à notre égard et toutes les personnes ayant organisé et encadré ce camp d'hiver.
Je remercie sincèrement Julien Porterie Sensei et mon kohai Romain Anselmo Senpai pour ces moments partagés.
OSU