Les questions abondent sur la possibilité de vivre et pratiquer au Japon.
Les idées reçues, erreurs en tout genre, rêves irréalisables sont monnaie courante; le cinéma étant une des causes de cet état de fait.
Nous avons donc réalisé une recherche en ce mois d'août 2006 afin de déterminer les possibilités réelles d'un hébergement dans l'archipel afin de s'y entraîner.
Autant vous le dire tout de suite, trouver du matériel pour écrire cet article fut plutôt difficile. En effet, peu d'Ecoles de
karate proposent des places en tant que
uchi deshi (traduction la plus proche pour "élève interne"). Celles qui organisent ce système le font de façon discrète. Si les demandes sont nombreuses, les élus restent, quand à eux, limités en nombre.
Mais avant d'entrer plus avant dans notre sujet, il serait bon de rétablir quelques vérités et gommer certains fantasmes perturbant des esprits (trop) jeunes ou obnubilés par leurs lectures ou des films. Nous nous référons ici à des demandes et questions, lues ces derniers mois sur le forum "Arts Martiaux" de l'incontournable site
http://www.lejapon.org Quelques membres cherchaient un "Maître" au Japon afin d'y vivre et étudier le
karate (ou tout autre Art Martial) à ses côtés sur une base quotidienne.
Votre webmestre aurait tendance à croire que certains films peuvent influencer les candidats potentiels. Le Maître
Pei Mei de "
Kill Bill II" qui prend
Uma Thurman sous sa coupe ne court pas les rues au Japon. Idem pour les "Maîtres Shaolin" des films kung fu des années 70.
Les
manga traitant d'Arts Martiaux vont d'ailleurs dans le même sens.
Eliminons donc les fantasmes divers et autres idées reçues à ce propos. Se retrouver le seul
uchi deshi d'un "Grand
Sensei" et hériter de ses connaissances martiales relève de la littérature destinée à faire rêver mais ne repose pas (ou plus) sur une réalité concrète de nos jours.
Les Ecoles de sabre ont, jusqu'au 19ème siècle, produit des pratiquants qui ont ensuite poursuivi seuls leurs recherches. Ils ont de temps en temps choisi un élève en particulier pour les assister dans leur tâches quotidiennes voire préserver un héritage martial. Néanmoins, les professeurs célèbres ont souvent formé de nombreux élèves. Idem pour les
budô modernes. Les grands sensei ont toujours eu des secrétaires pour les suppléer au quotidien. Parfois ces personnes ont reçu une éducation martiale privilégiée mais ce n'est pas toujours le cas.
Certains groupes de
karate ont mis en place un système d'hébergement pour leurs
uchi deshi mais, là encore, les élus sont rares.
Il y a de cela quelques années, nous avons pu visiter le
Honbu dôjô de la
Nihon Karate Kyôkai à
Tôkyô.
Ce groupe mondialement connue représente le
Shotokan ryû karatedô sous l'acronyme
J.K.A.Lors de notre conversation avec des
senpai ("anciens"), les
uchi deshi ont été évoqués. La formule d'élève interne a eu cours de façon systématisée, dans les années 70 principalement. Des chambres au confort spartiate étaient disponibles dans le sous sol du
dôjô. Elles étaient souvent occupées par des non Japonais qui restaient quelques mois sur place, moins d'une année en règle générale. La somme à acquitter était modique mais il fallait respecter le couvre feu de 22:00, ne pas faire la cuisine dans les chambres afin de limiter les risques d'incendie, faire soi même le ménage, se rendre à la laverie automatique du coin pour laver draps et autres couvertures. J'allais oublier: interdiction de ramener des filles...
En échange de cet hébergement, les
uchi deshi participaient aux tâches ménagères et d'entretien du
dôjô, effectuaient de menus travaux de secrétariat, rangement et courses diverses.
Bien entendu, le jeu en valait la chandelle car les possibilités d'entraînement devenaient quasi illimitées. Ce statut particulier permettait de bénéficier des connaissances des meilleurs enseignants, d'approcher quotidiennement les plus grands
Sensei et bénéficier de leurs conseils et bienveillance.
Selon nos interlocuteurs, quelques Français sont passés par là mais aussi des Iraniens, des Anglais ainsi que d'autres Européens.
Malheureusement, des crises internes à l'association ont mis à mal ce système qui semble avoir quasiment disparu avec la création d'un nouveau
Honbu dôjô concurrent.
Actuellement, le
Daido Juku karate fondé et dirigé par
Azuma Takashi Shihan accepte des
uchi deshi au sein du
Honbu dôjô de
Tôkyô; proche de la station
Ikebukuro.
Un membre de notre site vient d'ailleurs d'y séjourner. Espérons qu'il nous fera partager ses expériences en la matière.
Un
dôjô australien, affilié à la
Kyokushinkai propose sur Internet(!) d'enrôler des
uchi deshi logés sur place donc, dans un esprit tout à fait traditionnel. L'Australie étant un vaste pays, la formule rencontre un certain succès auprès des locaux, d'autant plus que ce
dôjô entretient des rapports plutôt étroits avec l'organisation mère au Japon. Cela favorise donc les échanges et permet aux élèves internes de voyager au Japon de façon préférentielle chaque année.
Les
uchi deshi venant de pays hors Océanie restent assez peu nombreux.
L'organisation
Kyokushinkaikan possède, au
Honbu dôjô de
Tôkyô, un système parfaitement rôdé, très sélectif et exigeant.
Il s'agit d'un cursus étalé sur trois années ou mille jours pour les uchi deshi destinés à devenir enseignants à leur tour. Les candidats étrangers sont acceptés mais seulement une vingtaine de demandes au mieux sur une centaine reçoivent une réponse positive annuellement. Les candidats sont soumis à un entretien et doivent s'attendre à des moments difficiles en cas d'acceptation de leur dossier.
Rien ne leur sera épargné, il leur sera demandé encore plus qu'aux élèves externes.
Au programme de leur cursus ont peut citer:
- Notions de premiers secours.
- Musculation en résistance.
- Course à pieds.
- Techniques de motivation.
- Apprendre à diriger.
- Lecture de traités sur le
zen.
- Méditation.
Tout ce qui précède s'ajoutant, bien entendu, à la pratique "classique" du
karate.
Le dortoir est situé au dessus du
dôjô.
Des groupes sont constitués suivant l'ancienneté dans le programme sachant que les élèves les plus anciens forment le plus restreint à cause des abandons au cours du cursus.
Là encore, les
uchi deshi participent totalement à la vie et au fonctionnement du
dôjô. Ils sont chargés des courses, servent de chauffeur, etc.
Le réveil est à 6:00 du lundi au samedi. Il est suivi de deux heures d'entraînement dont de la course à pieds. Le tout avant le petit déjeuner, bien sur...
Ces élèves bénéficient de cours qui leur sont exclusivement réservés en plus des entraînements ouverts à tous.
En parallèle, ces futurs professeurs ont droit à deux heures quotidiennes pour parfaire leur entrainement personnel.
La
Kyokushinkai demande beaucoup à ses élèves internes afin de garantir un haut niveau, similaire pour tous.
Intéressant à savoir, les
uchi deshi, à l'inverse des autres élèves, ne participent aux compétitions qu'après un an de programme et doivent posséder le grade de
shôdan (1er
dan).
Après ces trois années de vie recluse les élèves internes doivent avoir obtenu le
sandan (3ème dan).
D'autres
dôjô, à travers l'archipel japonais proposent des places de
uchi deshi mais de façon moins systématique. Vous devrez contacter ces
dôjô sur une base personnelle et faire état de votre motivation.
Il faut être conscient du fait que les volontaires ne sont pas si nombreux qu'on peut l'imaginer. Etre taillable et corvéable à merci (légère exagération néanmoins pas si excessive) pour assouvir sa passion n'attire pas les foules. L'image du
uchi deshi reste romantique mais la réalité quotidienne demande travail et abnégation.
C'est donc un choix et nous saluons avec respect toutes celles et ceux qui l'ont fait, ne serait-ce que pour quelques semaines ou quelques mois. C'est le cas de Fabrice Fourment Senpai qui a franchi le pas pour devenir instructeur du
Kyokushinkaikan lors d'un séjour de trois mois. Il reste d'ailleurs le seul Français ayant accédé à la responsabilité de
Full Instructor.
Si l'occasion se présente et que votre motivation est forte et sans faille, ne ne pouvons que vous encourager.
Partez au Japon enrichir votre karate en tant que
uchi deshi. Vous vivrez une expérience rare et inoubliable.
Pour tous renseignements sur l'aspect pratique d'un départ au Japon (voyage, conditions d'entrée et de séjour sur le territoire, etc...), nous vous invitons à consulter le forum "Japon pratique" du site
http://www.lejapon.org .