Nous souhaitons vous proposer un résumé d'une rencontre intéressante avec une Japonaise, à notre avis, peu commune.
Croisée un peu par hasard à Ôsaka, Madame Kimura Ayako vient de Sapporo, dans l'île du nord, Hokkaidô.
Employée dans une entreprise de communication et de publicité, possédant un très bon niveau d'anglais, son hobby est le karatedô et les Arts Martiaux en général.
Son parcours est original, tout comme sa démarche.
- kj: "Que pratiquez-vous exactement Kimura san?"
- K. A.: "Principalement le karate mais j'ai eu un parcours diversifié. J'ai fait du jûdô au collège et au lycée et j'ai commencé l'aikidô dès ma première année à l'université. J'ai continué à Ôsaka quand j'ai commencé à travailler dans un cabinet de communication."
- kj: "Pourquoi avoir tellement changé d'orientation?"
- K. A.: "Un peu parce que je ne trouvais pas ma Voie et aussi par hasard, selon mes déménagements pour le travail."
- kj: "Quelle est votre Ecole alors?"
- K. A.: "Le jûdô était de style Kodokan et l'aikidô venait de l'Aikikai bien que j'ai trouvé un style assez différent selon moi, ici, à Ôsaka. Sinon ma base de karate reste la Mabuni Shitô ryû. Elle est bien implantée dans la région."
- kj: "Qu'est ce qui était différent à Ôsaka?"
- K. A.: "Je me suis entraînée au dôjô de l'ex femme de Steven Seagal. Autant ce que fait son mari ne m'intéresse pas vraiment, autant j'ai été séduite par ce Sensei qui dirige son dôjô comme un homme ne peut le faire. Elle est bien plus libre et créative, tout en respectant la technique.
Par exemple, elle comprenait très bien que je pratique le karate en parallèle. Je ne suis pas sûre qu'un Sensei masculin aurait accepté. C'est elle qui m'a donné l'idée de ce que je fais maintenant."
- kj: "Que faites-vous donc d'original?"
- K. A.: "J'ai ouvert un petit dôjô dans la banlieue de Sapporo. J'y enseigne avec une de mes amies de l'université. Elle s'occupe de l'aikidô car mon niveau est trop bas et elle est shôdan. Pour ma part, en tant que shôdan, je donne les cours de karate. Deux de chaque par semaine. Nous ne pouvons pas faire plus à cause de nos emplois du temps professionnels et familiaux.
Mais, le plus important est - merci de ne pas rire monsieur - que nous n'acceptons que les femmes."
- kj: "Pourquoi pas mais quelles sont alors vos raisons?"
- K. A.: "J'étais un peu garçon manqué quand j'étais jeune et le jûdô était très masculin dans son approche. Le karate un peu moins. Alors, avec mon amie, nous avons pensé qu'il serait bon d'avoir une structure pour les femmes qui pourraient ainsi s'exprimer plus librement. Chez nous pas de compétition entre les élèves; tout le monde travaille ensemble.
Nous ne demandons pas beaucoup d'argent, juste de quoi louer et entretenir l'appartement que nous avons converti en dôjô. Ce n'est pas grand car nous n'avons que cent mètres carrés de tatami mais nous ne sommes pas nombreuses."
- kj: "Quel est le profil de vos élèves?"
- K. A.: "Des jeunes principalement, des étudiantes mais aussi quelques mères de famille.
Nous ne faisons absolument aucune publicité, uniquement par le bouche à oreille. Pas de site Internet, juste un téléphone à l'entrée du dôjô mais nous espérons quand même attirer plus de monde avec le temps."
- kj: "Qu'enseignez-vous et de quelle façon?"
- K. A.: "Si vous voulez parlez du karate, j'enseigne ce que je connais, jusqu'au niveau du shôdan. Nous pratiquons le kihon et le kata ainsi qu'un peu de randori. C'est en fait très classique et il faut donner de bonnes bases. Si j'ai des élèves qui progressent beaucoup je les enverrai dans d'autres dôjô afin de renforcer leurs connaissances."
- kj: "La Shitô ryû comporte le maniement d'armes du kobudô d'Okinawa si je ne m'abuse..."
- K. A.: "Vous avez raison mais, pour l'instant, je ne les enseigne pas car aucune de mes élèves n'est assez avancée. Nous n'avons commencé qu'en 2009.
A titre personnel, je révise, bien entendu, ce que j'ai appris. Je m'exerce aux sai, au nunchaku et au bô."
- kj: "Vous ressourcez-vous de temps à autre?"
- K. A.: "Oui, quand c'est possible. Si je peux aller au dôjô à Ôsaka je le fais. Ca me permet de réviser et il faudra de toute façon que je tente l'examen du nidan un jour. Comme ma société possède un bureau ici, je viens plusieurs fois par an pour des réunions. Comme ça je garde le contact. Mais c'est vrai que ce n'est pas facile. Heureusement, mon mari comprend bien notre action."
- kj: "Votre époux pratique-t-il un Art Martial?"
- K. A.: "Pas du tout par contre il a un bon niveau en tennis. Nous jouons ensemble trop rarement. Mais ma fille a commencé l'aikidô. Elle vient d'avoir onze ans et aime beaucoup ça. L'année prochaine elle viendra aussi au cours de karate."
- kj: "Comment voyez vous l'avenir de votre structure? Recevez vous une aide quelconque?"
- K. A.: "Nous poursuivons à notre rythme, sans être pressées et c'est aussi ça qui est différent. Au total nous sommes une vingtaine et toutes participent à la vie du dôjô. Chaque trimestre nous organisons aussi un déjeuner ensemble. Ca nous permet d'échanger et d'apporter des solutions en cas de problème, pas seulement au dôjô."
- kj: "Votre démarche semble peu japonaise mais s'inscrit plutôt dans un processus de pensée occidental, du moins il me semble."
- K. A.: "...Si vous voulez, oui...Mais j'ai vécu un peu aux Etats Unis où j'ai vu de nombreuses femmes se regrouper et travailler ensemble. Si le karate est un vecteur dans ce sens, je suis contente.
Mon pays est une terre de traditions mais il est bon d'innover."
- kj: "Que pensent vos Sensei et senpai de tout cela?"
- K. A.: "Tous ne le savent pas, je n'en parle pas de façon spécifique mais mon Sensei m'encourage. Il trouve que je contribue à la diffusion de notre ryû, peu présente dans ma région.
Vraiment je crois que c'est sans problème, si vous faites référence au fait que le dôjô soit seulement féminin. Le Japon change et les femmes pratiquent plus qu'avant."
- kj: "A titre personnel, que préférez vous dans votre pratique? Est-elle longue d'ailleurs?"
- K. A.: "Je préfère certains kata que je trouve riches sur le plan technique. Mais, bon, dans notre Ecole le choix est vaste avec plus de soixante kata. Sinon, j'aime travailler les techniques de jambe avant. Elles sont trop peu utilisées à mon sens et je les fais répéter face au miroir et deux par deux. Si j'avais plus de temps, je travaillerais plus les armes car, là aussi, c'est une partie riche du karate. J'apprécie aussi les techniques mains ouvertes et je crois qu'elles sont bien adaptées pour les femmes car notre poing est moins puissant.
Sinon j'ai commencé les Arts Martiaux en première année de collège et je pratique le karate depuis une quinzaine d'années.
Et si vous voulez tout savoir, j'ai trente cinq ans et je veux continuer longtemps."
Nous remercions Madame Kimura Ayako pour le temps qu'elle a bien voulu nous consacrer.
Nous restons seul responsable des erreurs d'interprétation et/ou de traduction éventuelles de cet entretien réalisé majoritairement en anglais.