Nous voici rendus au troisième et dernier jour du stage.
Pas de surprise: rendez-vous en dôgi devant le ryôkan à 6:20 pour l'entraînement dix minutes plus tard, avant le petit déjeuner.
Ce qui a néanmoins changé est le paramètre météorologique car la neige a fait son apparition. Il fait aussi plus froid que la veille. Le thermomètre à l'entrée de l'auberge indique -5°. La cascade s'annonce décidément comme un rude moment.
Matsui Shokei Kanchô arrive et nous encourage pour cette dernière journée du kangeiko. Il nous parle à nouveau, brièvement, d'engagement et d'investissement personnels. Plus surprenant mais bien dans l'esprit japonais, le Kanchô nous demande d'économiser l'eau du robinet car une relative pénurie touche la région de Chichibû ou le Mitsumine se situe. Il nous rappelle également que courtoisie et politesse absolues sont requises envers les autres clients du ryôkan et l'ensemble du personnel, jusqu'à notre départ.
Nous voilà donc repartis vers le même lieu d'entraînement où nous reprenons, comme à l'accoutumée, les exercices d'échauffement et les enchaînements techniques bien codifiés.
Les organismes sont fatigués, c'est visible. C'est aussi logique, bien entendu, au regard du semi marathon encore dans les jambes. D'un autre côté, le froid mordant pousse l'ensemble des participants à s'activer.
Le jour est plus long à se lever avec un ciel encombré de nuages de neige.
Les Shihan et les Sensei qui nous font face sentent cette fatigue et nous demandent de pousser des kiai plus puissants, de frapper avec plus de vitesse et de force. C'est dans ce genre de moment que la notion de groupe fait la différence et la volonté générale entraîne tout le monde vers le haut. Plus loin, plus fort, au delà de la fatigue. L'esprit inflexible se substitue au physique défaillant.
Après quarante cinq minutes menées à un bon rythme, comme hier, les groupes entament un travail dissocié, toujours selon les idées de chaque capitaine. Vingt minutes sont données pour cette partie de l'entraînement.
Notre Sensei responsable choisit de reprendre le kata Bassai dai. Nous le répétons une dizaine de fois puis nous nous attaquons au Tekki sono ichi.
Contrairement à la veille, les corrections des Shihan et des Sensei sont nombreuses, à titre général mais aussi individuel.
Pour Bassai dai nous avons la grande chance de voir le Kanchô s'intéresser de près à notre travail. Les remarques sont légions pour ce "nouveau" kata et, à titre personnel, je corrige plusieurs points mal assimilés ou incompris.
Pour les dix dernières minutes de cet entraînement matinal notre Sensei arrête l'intéressante session kata et nous demande de prendre un partenaire. Nous allons pouvoir nous réchauffer définitivement avec du sparring. Ce sera le seul exercice de ce type au cours du kangeiko alors autant en profiter. Cerise sur la gâteau, Tanaka Kentarô Senpai, compétiteur de haut niveau s'il en est, intègre notre groupe.
Chaque tour dure deux minutes et, dès le deuxième, je me retrouve face au champion. Pas au mieux de sa forme, en surpoids et gêné par un genou blessé, le Senpai ne cherche pas à "casser" ses partenaires. Néanmoins, avec 105 kilos (contre 83 et 10 centimètres de moins pour votre serviteur), il s'agit d'une proposition délicate. Je me protège donc en conséquence. Ses coups sont lourds et il bouge peu mais son travail "à l'économie" est en fait très subtil. Notamment au niveau des blocages. Je tente tout de même crânement ma chance et réussi un gedan mawashigeri qui claque bien sur sa cuisse droite mais ne le fait pas reculer pour autant. Pas de prétention de ma part mais je sais que mon tibia l'a marqué et c'est là que prend toute l'importance d'un visage impassible. Tanaka Kentarô Senpai n'a pas bronché et ne montre rien. En combat il faut savoir masquer ce que l'on ressent afin de ne donner aucune indication positive à l'adversaire, voire même le décourager. Tout ou presque est une question d'attitude dans certaines circonstances.
Le Senpai n'a pas un style flamboyant mais il combat de façon rugueuse, avec opiniâtreté et semble inébranlable.
A l'issue des deux minutes, je m'en sors honorablement avec simplement quelques hématomes sur les avant bras et les épaules. Bien sûr, je reste conscient du fait que ce champion n'a pas cherché le KO et a peu accéléré.
Au tour suivant je rencontre un Senpai shôdan, bien fatigué par les vingt deux kilomètres courus la veille.
Après un balayage sur mon partenaire, je vois, juste face à moi, Tanaka Kentarô Senpai réussir un knockdown sur un jôdan mawashigeri venu de nulle part, en toute décontraction. Malgré tout, le poids du coup a bien secoué le malheureux Senpai Shôdan qui se relève avec difficulté. J'ai donc bien fait de beaucoup bouger et monter les mains au niveau de la tête.
La fin du cours est annoncée et nous reprenons nos places rapidement. La neige tombe toujours mais pas de façon abondante. De toute façon, impossible d'avoir froid. Je transpire beaucoup à ce moment et c'est avec une certaine désolation que j'entends l'ordre de retourner au temple. En effet - hélas oserai-je dire - tout comme la veille nous aurons droit à une cérémonie shintô avec tout ce que cela induit au niveau de l'inconfort.
Toujours prudents, mon senpai et moi même reprenons "nos" places au fond et à gauche, d'ailleurs rejoints par d'autres senpai avisés (rusés?).
Le scénario du deuxième jour est intégralement repris, les mêmes prêtres nous "bénissent" et psalmodient pendant une trentaine de minutes. Un véritable calvaire pour certains dont les genoux ont été mis à rude épreuve par le semi marathon.
La cérémonie s'achève enfin et nous avons droit à une coupe de sake au sortir du temple. Rien d'obligatoire et certains s'en affranchissent. D'autres, par contre, trouvent là un moyen de se réchauffer. L'alcool de riz en guise d'antigel; après tout, pourquoi pas?
De retour à l'auberge nous regagnons nos chambres puis rejoignons ensuite la salle des repas.
Encore du classique japonais sur les tables que nous débarrassons consciencieusement une fois le petit déjeuner consommé.
Le Senpai en charge des horaires nous demande d'être à 11:00 devant le ryôkan, en dôgi. Gants, bonnets et anoraks sont cette fois autorisés et même recommandés. Nous partirons alors vers la cascade pour le moment le plus important du kangeiko. Mais avant cela nous devons faire le ménage et tout ranger.
Toujours dans les habitudes des groupes nippons, les tâches ménagères sont réparties. Certains videront les poubelles, d'autres s'occuperont des sacs collecteurs selon les déchets, d'autres encore devront nettoyer les blocs sanitaires, etc. Pour aussi surprenant que cela puisse paraître aux yeux des personnes ne connaissant pas le Japon, les groupes doivent assurer une aide active au personnel des lieux d'hébergement.
Pour ma part, je suis chargé de plier les futon après en avoir retiré les housses et déposé celles ci devant notre chambre.
Nous laissons nos bagages les plus lourds devant l'hôtel. Ils seront transportés au point de rencontre où les autocars nous attendront.
Le taki shûgyô nous attend...
La suite très prochainement. Merci de votre attention et votre patience.