De retour du camp d'hiver au Mitsumine, nous vous proposons de relater en plusieurs parties comment ce stage s'est déroulé.
Considéré par la presse japonaise comme le stage le plus éprouvant de l'archipel, ce kangeiko fait partie intégrale de la tradition Kyokushinkai.
Initiée par Oyama Masutatsu Sôsai, elle se perpétue sans difficulté et connaît toujours un franc succès. Pour preuve, pas moins de cent trente six participants étaient au rendez vous ce 4 janvier. Au nombre de ceux ci, quelques rares étrangers: trois Américains, deux Russes, un Iranien, un Anglais et deux Français. Les Japonais, quant à eux venaient principalement de la région du Kantô, où est située la capitale, mais aussi du Kansai, triangle Ôsaka, Kôbe, Kyôto. Quelques pratiquants de Hokkaidô, l'île du nord, sont venus ainsi que d'autres de l'île méridionale de Kyûshû.
Près d'une quarantaine de jeunes, âgés de six à quinze ans avaient aussi fait le déplacement. Notre groupe comprenait également une vingtaine de féminines dont trois shôdan.
Concernant les grades, on trouvait vraiment de tout puisque quelques ceintures blanches étaient présentes et hormis Matsui Shokei Kanchô et Goda Yûzo Shihan, les deux plus hauts gradés, on trouvait plusieurs godan.
Le départ était prévu à 8:00 du Honbu dôjô Kyokushinkaikan, situé dans le quartier d'Ikebukuro, au nord de la capitale japonaise.
Et c'est donc par une belle matinée fraîche et ensoleillée que les tribulations de deux pratiquants Français ont débuté.
Japon oblige, tout est bien rôdé et les horaires sont respectés.
Tout le monde se salue, les OSU fusent, comme de bien entendu, et c'est l'occasion de retrouver des partenaires d'entraînement.
Après vérification des inscriptions et paiement du stage (35000 yen tout inclus soit un peu plus de 250€) nous embarquons à bord des autocars. Là encore, tout est cadré. Les places sont pré affectées et un "responsable de car" compte et recompte afin d'être sûr de ne laisser personne derrière.
Nous voilà partis avec un système vidéo qui propose des DVD de compétition, histoire de se mettre dans l'ambiance.
Le trajet jusqu'au Mitsumine dure environ trois heures et deux arrêts sont prévus afin de se dégourdir les jambes, boire un café et autres besoins physiologiques. Lors de chacun de ces arrêts, le responsable de car annonce la durée du stop et l'heure de départ. On croirait un vrai groupe de touristes Nippons.
Avant le départ, bien entendu, les têtes sont comptées et recomptées, chaque responsable donne ses chiffres à un coordonnateur qui, à son tour confirme à un responsable. Il ne s'agirait pas de perdre quelqu'un sur une aire d'autoroute. Une fois tout vérifié, nous repartons.
L'ambiance est bon enfant et la convivialité est de mise.
Les grands immeubles se font rares et nous entrons dans des zones semi rurales. A mi chemin nous sommes vraiment loin de la métropole tentaculaire que constitue Tôkyô et ses banlieues. Nous traversons des petites agglomérations du Japon profond.
Après le second arrêt c'est la campagne qui nous attend. Les petites parcelles cultivées succèdent aux rizières pas bien grandes non plus. Des maisons isolées, quelques bourgs et villages épars, sans oublier les traditionnels pachinko (jeu de billard électrique sorti tout droit des années 1950 et généralement tenu par les organisations criminelles locales, surtout de souche coréenne), perdus au milieu de nulle part.
Le Mitsumine culminant à plus de neuf cents mètres, les quarante cinq dernières minutes du trajet se font sur une route de montagne bien étroite avec des à pics impressionnants.
Les paysages sont superbes, les reliefs sont couverts de pinèdes ou de bouleaux de haute taille. Le temps reste au beau fixe mais le givre est bien présent, tout comme la neige qui accroche aux pentes ne recevant pas les rayons du soleil.
A bord du car, ceux qui ne dorment pas ou n'observent pas le paysage qui défile parlent de karatedô tout en regardant les écrans.
Nous voici enfin arrivés sur le parking en contrebas du ryôkan (auberge traditionnelle) qui nous accueillera durant ce stage.
Le temps est frais, certes, avec tout juste O° mais toujours un beau ciel bleu sans nuages.
Nous nous plaçons en rangs d'oignons, en groupes dirigés par un capitaine. Le mien est un Sensei yondan, âgé d'une soixantaine d'années. Chaque capitaine sera responsable d'une quinzaine de personnes tout au long du stage et ce jusqu'au retour à Tôkyô.
Mon senpai appartient à un autre groupe et nous ne serons pas logés dans la même chambre. Il devra se débrouiller en anglais pour communiquer avec ses "colocataires", tous Nippons.
Avant de parcourir la montée de quatre cents mètres pour arriver à l'auberge, nous avons droit à un briefing complet sur l'attitude à adopter. Celui ci est réalisée par un Senpai nidan, membre de l'organisation du camp d'entraînement.
Haut parleur en main, il nous explique quelques règles simples mais à respecter scrupuleusement: les quatre étages de l'auberge seront montés et descendus à pieds car, polis et courtois que nous sommes, nous abandonnerons les ascenseurs au profit des autres clients de l'hôtel.
De même, notre discrétion est requise afin d'assurer la quiétude des lieux et le repos des hôtes que nous seront amenés à rencontrer, sans oublier de saluer.
Politesse proverbiale japonaise oblige, nous sommes également invités à saluer le personnel du ryôkan quand nous le croisons et respecter son travail. Pas question de laisser traîner quoi que ce soit. Nous devons vider nous mêmes les poubelles disposées dans les chambres et participer aux divers rangements lors des repas.
Les toilettes doivent rester propres tout au long du séjour, les chambres doivent être régulièrement aérées et l'eau du robinet économisée.
Nous voilà maintenant dans nos chambres, de style japonais. Table basse, tatami en paille, porte coulissante et futon pour dormir, sans oublier l'eau chaude pour l'incontournable thé vert.
Une heure nous est donnée pour l'installation à proprement parler et faire connaissance. Chaque chambre accueille quatre personnes et, pour ma part, je partage les lieux avec deux Senpai shôdan - dont un de ma connaissance, venant d'Ôsaka - et un ikkyû avec qui je m'entraîne parfois au Honbu dôjô.
Là encore, courtoisie et convivialité sont de mise. Il est surtout agréable de ne pas se sentir isolé ni même véritablement étranger. Le Kyokushinkaikan érige quasiment au rang de vertus l'amitié et le partage, sans exclusive. Et il est de fait que tous les étrangers présents seront unanimes pour reconnaître et apprécier l'accueil qui leur sera réservé par les pratiquants Japonais.
A titre personnel, quelques maigres compétences en langue japonaise simplifieront les rapports avec mes camarades d'entraînement.
L'heure d'installation écoulée, il est temps d'entrer dans le vif du sujet avec un cours de deux heures au programme. Il sera dirigé par Matsui Shokei Kanchô lui même, dans une grande salle du rez de chaussée de l'hôtel.
Nous nous rassemblons donc devant l'entrée principale à l'heure dite, en dôgi, en rangs par groupes. La température reste fraîche mais supportable, du moins pour moi, car je vois tout de même plusieurs Japonais frissonner en attendant l'arrivée du Kanchô.
Au bout d'une dizaine de minutes, Goda Yûzo Shihan sort sur le perron. Ordre est donné de saluer avec un OSU sonore et un rei (salut) respectueux.
Le Shihan est le numéro deux du Kyokushinkaikan au niveau mondial. Hautement respecté, il possède un dôjô privé en banlieue de Tôkyô et n'est que rarement au Honbu.
Un sourire éclatant n'étant pas la qualité première de ce Shihan (avec tout le respect qui lui est dû bien évidemment), c'est d'un ton bourru et contrarié qu'il constate les anoraks et/ou bonnets portés par certains.
En gros cela donne quelques chose comme "Vous vous croyez où? C'est quoi ça? Vous allez vous entraîner dans quelques minutes alors vous vous réchaufferez après. Enlevez tout ça. Vous pratiquez le karate donc le dôgi suffit. Non mais...!"
Bien entendu, les frileux s'exécutent, pressés en cela par les Sensei et Senpai du comité d'organisation.
Matsui Shokei Kanchô arrive enfin, précédé par un uchi deshi ikkyû (élève interne ceinture marron du deuxième niveau) chargé de lui ouvrir les portes, ranger ses chaussures et autres tâches subalternes. Toutes exécutées avec célérité en empressement, comme il se doit.
Après un bref discours du Kanchô, nous rentrons dans l'auberge pour rejoindre le dôjô, lieu du premier entraînement.
Cette première partie s'achève ici et nous vous proposerons la suivante sous peu, si tant est que cela vous intéresse, bien entendu.