Voilà, j'osais pas trop intervenir sur ce sujet, mais je dois dire que les théorisations métaphysiques que développe notre nouveau venu m'on un peu laissé dubitatif aussi
Par contre, dans les multiples stages que j'ai eu l'occasion de suivre, en Europe ou Japon, il y eut parfois l'un ou l'autre des senseï japonais qui arrivaient à nous bluffer par leur démonstrativité des applications martiales des kata (bunkaï) très, très loin des show à la "cirque de Pékin" que l'on voit parfois dans les compétitions internationales.
L'un d'entre eux, Koïke senseï, de la JKS (faction Shôtôkan d'Asaï shihan), commençait systématiquement par des exercices de kumite tout en souplesse, en rondeur, avec l'accent mis sur des techniques très "porteuses" en self-défense et combat réaliste (coudes, genoux, clés, coup de pieds aux articulations des genou ou des coudes, retournement, protections doubles des mains contre multiples attaques imprévues, kyushos - points critiques de pression ou de percussion, etc) et de temps à autre, il "figeait" le mouvement qu'il était en train de faire, (ou à la limite, la séquence d'actions en cours) et nous permettait de réaliser soudain qu'il s'agissait d'une séquence d'un kata, ou de la combinaison de deux ou trois mouvements d'un kata, chacun d'entre ces mouvements n'étant pas nécessairement dans la suite chronologique de celui-ci.
Ses bunkaï n'étaient jamais une tentative de coller absolument à la chronologie intégrale des mouvements des kata (même si cela pouvait arriver souvent pour une séquence au sein de ce kata), contrairement aux démontrations affligeantes dont je parle plus haut.
A la fin de son cours "kumite - bunkai - self-défense", il nous faisait alors étudier et entraîner le ou les kata dont il s'était inspiré pour son cours, en nous faisant prendre conscience des connections à établir mentalement pour la réalisation de ce ou ces kata, en tout cas, particulièrement durant ce cours. Il insistait aussi fortement pour que l'on (public de shodan au minimum tout de même) s'investisse personnellement à parfois faire des recherches sur le sens des kata que l'on répète.
Je dois avouer qu'il avait un certain charisme galvanisateur durant ses cours, nous démontrant parfois des choses confinant à l'inexplicable (et je suis pourtant un public très méfiant), et sachant cependant nous coacher pour être capable de réaliser, en partie du moins, certaines de ces aptitudes, toujours en évitant l'écueil "mystique", mais en nous faisant tout de même prendre conscience que le karaté ne pouvait pas se réduire à des simpes aptitudes physiques : d'après ce que je pense humblement avoir compris de ses enseignements, le mental n'est pas seulement la capacité à se dépasser et à vaincre fatigue et douleur, c'est aussi prendre connaissance que nous avons différents niveaux de conscience à explorer, peu importe que ceux-ci s'expliquent aussi par les diverses endomorphines et autres adrénalines que notre organisme produit et gère. Et comme la plupart des rares senseï que l'on peut véritablement appeler "maître", ses cours étaient toujours donnés avec le sourire, dans une atmosphère conviviale, telle que j'en ai vu la description pour les cours donnés à Okinawa.
C'est par ce genre d'étude et d'entraînement réaliste qu'en tant que pratiquant (shôtôkan - SKIF pour ma part - mais je pense que cela doit être pareil pour tous les styles traditionnels sérieux), j'arrive à dépasser le cadre normatif des combats codifiés par des règles d'arbitrage, et de m'extasier devant la magie de l'héritage que nous ont laissés les anciens authentiques maîtres qui ont créé ces kata (parfois avec un codage, un "encryptage" que seul des maîtres authentiques actuels peuvent revendiquer de pouvoir nous aider à en comprendre les clés - il me semble que le kata avait aussi pour vocation d'entraîner des réflexes de mouvements sans que ceux ci ne soient trop explicites pour le premier quidam venu, peut-être espion à la solde d'un ennemi).
A ce titre on peut sans doute dire que certains kata étaient comme une "théatralisation" d'un (ou de plusieurs) combat(s) livrés par le (ou les) créateur(s) dudit kata (un peu comme une chanson de gestes, ou comme une danse africaine mimant une partie de chasse lors d'une fête au coin du feu), et qu'il convient de prendre parfois comme ce qu'il est : un exercice de style, non dénué de sens (caché sans doute parfois, à des degrés divers) et qui s'interprêtera selon des niveaux divers de compréhension en fonction de la chaine de transmission de ce décodage, de disciples en disciples, mais de toute façon toujours orienté principalement vers le combat.
Mais bien sûr, je n'oublie pas non plus, que selon l'école de karaté pratiquée, il y eut pas mal de transfomations et d'altérations de certains kata, et qu'il est parfois vain de vouloir absolument coller une signification à tel ou tel mouvement ou séquence : c'est le désavantage de la transmission purement "orale" des techniques de karaté via le kata uniquement.
Mais finalement, le kata est aussi ce qui fait que le karaté est un "art" martial, plutôt qu'un seul sport de combat.
Voilà, moi aussi je sais y aller de ma logorrhée sur les kata