Du 1er au 3 novembre 2003 se sont déroulés à Tôkyô les championnats du monde de la Kyokushinkai.
Ayant récemment visionné au Japon la vidéo de cette compétition et en ayant parlé avec des spectateurs Japonais, voici quelques réfléxions.
Pour mémoire, le titre est revenu au Japonais Kiyama Hitoshi devant le Russe Sergei Plekhanov et le Brésilien Ewerton Texeira.
En fait, c'est plutôt ce qui n'est pas dit qui est intéressant, au delà des résultats bruts.
Plusieurs idées nous sont alors venues à l'esprit en visionnant une vidéo amateur chez des amis Nippons. Certaines sont positives d'autres un peu moins.
Le magazine français Karate Bushido relate dans son dernier numéro ce tournoi représentant la grande majorité des compétiteurs pratiquant la Kyokushinkai.
Le reportage fait simplement abstraction de certains paramètres incontournables si on s'intéresse de plus près au sujet.
Loin de nous l'idée de minorer les mérites des combattants et ce quels que furent leurs résultats lors de ce championnat. Il faut du courage physique et moral pour participer à une telle compétition. Néanmoins, sans parler de dévaluation ou baisse de niveau, force est de constater que certains parmi les meilleurs étaient absents.
Ce fut le cas du Brésilien Francisco Filho, champion du monde en titre. Battu dans les combats cruciaux des tournois K1, ce karateka s'était justement mis en retrait du kickboxing afin de préparer la défense de son titre. C'est du moins ce qu'il affirmait dans les colonnes de plusieurs revues japonaises traitant
du karate, il y a plusieurs mois de cela. En fait, l'ancien champion était bien présent mais en qualité d'arbitre.
Autre absent de marque, le Japonais Kazumi Hajime, finaliste il y a quatre ans.
Ce dernier a carrément quitté la Kyokushinkai pour " raisons personnelles". N'oublions pas que le Nippon est consensuel par principe. Il est de notoriété publique qu'il travaille à la création de sa propre organisation.
Une autre défection concerne le Danois Nicholas Pettas. Ce dernier enseigne à Tôkyô et participe accessoirement (sans grand succès d'ailleurs) aux tournois K1.
Il restait une des meilleures chances non japonaises mais a décidé, lui aussi, de quitter le Kyokushinkaikan cette année.
Ces trois figures de proue absentes, on peut aussi regretter la non participation des élèves Américains de Oyama Shigeru Shihan (Oyama World Karate; lire l'article "Pouvoir partagé pour la Kyokushin ryû" ).
Idem pour les petits groupes dissidents de l'archipel dont la taille réduite ne signifie pas un déficit de talents et compétences.
Hormis les absences en série, au vu des images on ne peut que s'interroger sur certaines décisions des juges et arbitres et ce sans esprit de polémique. La prépondérance des Japonais au sein de ce corps pouvait laisser augurer quelques "décisions maison".
Il est clair que le Kyokushinkaikan ne souhaitait pas voir le titre échapper à nouveau au Japon. Pour mémoire Francisco Filho fut le premier non Japonais à l'emporter, en 1999, après la place de finaliste du Suisse feu Andy Hug.
Alors sans crier au scandale, on peut objectivement dire que certains combattants n'ont pas été aidés.
La finale est, à ce titre, tout à fait révélatrice.
De simples gestes et décisions qui font pencher la balance du bon côté. Pas grand chose certes mais une prolongation n'aurait rien eu d'immérité pour Sergey Plekhanov.
Cet avis est partagée par cinq karateka Japonais de notre connaissance qui ont assisté à cette compétition. Selon eux, le public plutôt impartial a unanimement regretté certaines décisions. Cela étant dit, on reste loin du vol qualifié régulièrement perpétré par les juges et arbitres Coréens lors de compétitions internationales de taekwondo, par exemple. Kiyama Hitoshi a amplement mérité sa victoire.
Heureusement il existe des raisons de se réjouir malgré les quelques bémols qui précèdent.
Le bon niveau global technique prouve que de nombreuses nations ont progressé et peuvent maintenant rivaliser avec le Japon, le Brésil (entraîneur Nippon de longue date en la personne de Isobe Shihan) et la Russie.
Les 32 meilleurs en témoignent par leur diversité.
Un autre motif de satisfaction concerne les gabarits des 10 premiers dont seul le Brésilien Glaube Feitosa atteint les 100 kilos.
Le Japonais Kidachi ne mesure qu'1 mètre 69 pour 75 kilos, ce qui ne l'empêche pas de finir 8ème.
Le Nippon Ono Atsushi (1m59 pour 70 kgs) ne perd qu'aux points face au mètre quatre vingt treize et au quintal (dépassé) de Glaube Feitosa.
Le vainqueur, quant à lui, ne dépasse pas le mètre 76.
Ceci tend à prouver que la technique et le fighting spirit prennent parfois le pas sur le physique. Ce n'était pas le cas lors de la dernière édition.
Oyama Masutatsu Sôsai, fondateur de la Kyokushinkai tenait à cet aspect du karatedô,essentiel selon lui.
Cela est quelque part rassurant si l'on se souvient du but originel de cet Art Martial: s'imposer face à n'importe quel adversaire, quel que soit son gabarit.
Et pour finir nous vous invitons à visionner la cassette des premiers championnats du monde de la Kyokushinkai.
Nous avons eu la chance de pouvoir la louer au Japon, il y a une dizaine d'années.
Un vrai régal avec l'arrivée des combattants venant du monde entier à l'aéroport. Façon "film de karate" des années 1970.
Des combats à couper le souffle, au propre comme au figuré.
Des KO terribles dûs à la grande disparité dans les niveaux des compétiteurs.
Des combattants de 20 à 50 ans. Tous motivés.
Un must.