Richard, Français de trente ans, est parti en stage au Japon pour ses activités professionnelles au deuxième trimestre 2005, dans le domaine de la reliure et la rénovation de livres anciens.
Lors de son séjour de trois mois, il en a profité pour pratiquer le karatedô dont il était déjà adepte.
Nous vous proposons son analyse et ses réfléxions sur la pratique à Tôkyô.
- kj: "Pouvez vous retracer votre parcours avant de partir au Japon?"
- R.: "J'ai débuté le karate en 90 mais je ne m'entraînais pas beaucoup. J'ai fait plusieurs clubs mais avant de partir au Japon j'étais au C.K.F. à Bondy.
J'avais passé la ceinture noire avant de commencer là bas mais je ne m'entendais plus avec mon prof et j'ai déménagé sur Bondy donc c'était proche de chez moi. En fait ça ne me convenait pas non plus car trop axé compétition combat.
Quand mon employeur m'a proposé de partir trois mois j'ai sauté sur l'occasion et j'ai cherché où je pourrais m'entraîner à Tôkyô. Votre site m'a aidé car je ne connaissais pas du tout le Japon et je ne parle pas japonais. Et l'anglais c'est pas ça non plus..."
- kj: "Comment les choses se sont elles passées au Japon?"
- R.: "Plutôt facilement car j'avais déjà une adresse et mes collègues japonais m'ont aidé à trouver. Je me suis inscrit au dôjô principal de la fédération de Otsuka Sensei. Je remercie encore mes collègues pour les papiers parcequ'il n'y avait rien en français et peu de choses en anglais."
- kj: "Il s'agit donc de la Wadô Ryû Karatedô Renmei, dirigée par Otsuka Hironori Sensei, une des deux branches Wadô ryû au Japon."
- R.: "Voilà c'est ça. Ils sont dans la banlieue de Tôkyô et comme j'étais logé et que travaillais près de Ikebukuro c'était pratique et pas trop loin; 30 minutes maximum en train. Souvent je me trompais entre les express et les locaux mais j'arrivais quand même à l'heure. J'allais au cours de 19:30 pour 90 minutes, trois fois par semaine, des fois quatre."
- kj: "Et qu'en avez vous pensé?"
- R.: "Déjà c'est cher. Je payais 12000 yen par mois et encore j'ai eu de la chance car des Japonais ont discuté pour moi afin que je ne paye pas tout un tas de choses en plus. Au bout du compte ça m'a coûté quatre mois pour trois mois effectifs.
Sinon, les cours, très bien. C'est exactement ce que je voulais. Pas trop de combat et une dimension supérieure au niveau technique et au niveau des idées. C'est vraiment du budô.
L'ambiance est calme au dôjô et ça fait plus penser à l'aikidô qu'au karate par rapport à ce que je connaissais en France.
Tout le monde se salue et les élèves écoutent religieusement ce que disent les profs et les anciens. J'ai remis une ceinture blanche suivant les conseils de votre site et j'ai bien fait car le niveau était élevé. Au début j'étais perdu mais les gens sont sympas et m'ont aidé.
J'ai réappris un maximum, surtout sur les kata et le travail des hanches."
- kj: "Qui dispensait les cours?"
- R.: "Il y avait plusieurs assistants mais Otsuka Sensei était là aussi. Il s'occupait plus des anciens mais venait parfois corriger les autres. Il m'a corrigé sur des positions plusieurs fois. Il est très doux mais on sent le sérieux. Sinon son fils a un excellent niveau. Il donne aussi des cours et s'occupe d'un groupe d'anciens.
Comme je ne comprends pas le japonais je ne savais pas qui donnait le cours mais c'était affiché alors j'ai commencé à repérer les noms et déchiffrer. De toute façon, vu mon niveau ça n'a pas vraiment d'importance."
- kj: "Qu'avez vous retiré de cette expérience?"
- R.: "J'ai beaucoup appris, surtout au niveau des déplacements et de la façon de positionner le poids du corps. J'ai eu pas mal de difficultés sur les yakusoku kumite. Ca à l'air assez simple mais les changements de poids du corps sont très subtils et difficiles à maîtriser.
Disons qu'à un niveau général c'est une autre vision du karate; pas seulement mawashigeri et gyaku tsuki. Mon karate a changé et j'ai découvert des tas de choses au niveau technique. Le plus révélateur pour moi sont les techniques de saisies et luxations; ça ressemble vraiment à l'aikidô et je n'avais presque jamais travaillé comme ça en France. D'après ce que j'ai pu comprendre des explications là bas, c'est un peu un retour aux sources puisque l'origine est un mélange karate et de Yoshin ryû jujitsu. En tout cas ça me convient très bien."
- kj: "Avez vous travaillé des techniques main nue contre katana?"
- R.: "Pas moi car je n'avais jamais fait ça et je n'avais pas le niveau. Mais j'ai trouvé intéressant en plus d'être dangereux.
Otsuka Sensei nous a fait une démonstration où il bougeait au tout dernier moment pour éviter la lame du sabre. Ca aussi c'est une question de déplacement du poids du corps mais je crois que ça demande vraiment beaucoup de travail. Par contre j'ai travaillé plusieurs fois des défenses contre poignard en bois. Je me faisais toujours toucher au début à cause de mauvais déplacements."
- kj: "Auriez vous des critiques ou reproches à formuler?"
- R.: "Non, pas vraiment. Disons que j'ai trouvé les cours un peu répétitifs dans leur déroulement. Je crois qu'on peut travailler les mêmes techniques en présentant de façon différente pour intéresser les élèves. Les Japonais ne sortent pas beaucoup du canevas de départ mais ce n'est pas vraiment un problème.
J'ai été bien accueilli, pas de mise à l'épreuve ou ce genre de problème. Les gens me regardaient car j'étais le seul étranger mais j'ai été bien accepté et j'ai fait mon travail. J'écoutais et je copiais sans me poser de questions."
- kj: "Et maintenant? Qu'en avez vous retiré?"
- R.: "C'est tout bénéfice pour moi. J'ai vraiment appris beaucoup, ma façon de voir le karate a été changée et ça m'a remotivé. A la fin j'ai senti les progrès et je continue à m'entraîner à partir des corrections au Japon. J'ai noté beaucoup dans un calepin comme ça je n'oublie pas.
Maintenant que je suis de retour en banlieue parisienne je vais chercher un autre club mais ce sera dur de retrouver la même chose.
J'ai découvert autre chose qu'un sport. C'est vraiment la dimension Art qui m'attirait et j'ai été servi. Trouver en France me paraît presque impossible en y réfléchissant.
Je ne retournerai certainement jamais au Japon - trop loin et trop cher - mais je n'oublierai jamais mon passage là bas. J'attends simplement des stages en France avec des Sensei Japonais.
Je sais que vous le dites souvent sur le site mais je le répète, il faut vraiment saisir sa chance et aller pratiquer au Japon, ça change tout, on passe à une autre étape."
Merci à Richard d'avoir bien voulu répondre à nos questions.