Pour nos membres attachés à ces anecdotes de dôjô, nous vous en proposons une nouvelle, toute récente, qui a pour cadre le Honbu dôjô Kyokushinkai.
Au mois d'avril le Honbu dôjô a reçu la visite, pour une semaine, du champion Brésilien Eduardo Tanaka. Ce Sensei sandan est un compétiteur de niveau international, doté d'une souplesse exceptionnelle. Son tokui waza n'est autre, sans surprise, que le le jôdan mawashigeri qu'il place à peu près quand et comme il le veut.
Venu s'entraîner à titre personnel, ce Japonais ethnique (parfaitement bilingue lusophone/japonais), a amené "dans ses valises" un élève de son dôjô, promis, du moins semble-t-il, à un brillant avenir.
Nelson n'est que ceinture verte mais fait déjà preuve de belles qualités physiques et techniques. Doué et possédant une grande laxité de hanches, son rêve était d'obtenir une place de uchi deshi au sein du Honbu dôjô.
Celles ci étant fort limitées, il a bénéficié de tout le prestige de Isobe Shihan, Branch Chief pour le Brésil, afin d'obtenir le sésame tant convoîté. L'excellente réputation de son professeur s'est donc révélée un apport non négligeable.
La Voie royale en quelque sorte avec un tel parrainage pour le jeune Nelson, âgé de tout juste vingt ans et parti pour trois mois d'entraînement intensif.
Néanmoins tout n'est pas parfait et des problèmes se posent dès le départ.
Nelson ne parle que portugais ce qui ne facilite pas les contacts. Le Honbu dôjô faisant bien les choses, les uchi deshi qui en montrent le besoin sont "chaperonnés" par un senpai, également élève interne. Pas de chance: on le remet aux bons soins d'un Japonais pas franchement ouvert et ne comprenant pas un traître mot de portugais. Comme aucun des deux ne parle anglais ou n'importe quelle autre langua franca nous vous laissons imaginer le type de relation qui découle d'une telle situation...
Autre souci, Nelson a horreur de la cuisine japonaise et ne la supporte d'ailleurs pas. Malade la première semaine, amaigri et affaibli, les choses se présentent mal. Il se sent immédiatement isolé et se ferme sur lui même.
Eduardo Tanaka Sensei, pas franchement optimiste nous confie ses doutes avant de rentrer dans son pays, laissant là son élève en plein désarroi.
Tenu de suivre deux cours quotidiennement et participer à la vie du dôjô en ce qui concerne le ménage, les courses et autres tâches administratives, notre jeune Brésilien n'arrive pas à s'adapter au régime spartiate imposé. Encore moins au Japon en général.
Quelques KO et épisodes dépressifs plus tard, totalement démoralisé, Nelson abandonne et décide de rentre dans les plus brefs délais au Brésil. Les tentatives de conciliation de ses senpai et l'intervention de Fukuda Isamu Shihan lui même n'y changeront rien.
Certainement trop jeune, encore trop tendre physiquement et psychologiquement, Nelson n'aura pas supporté l'éloignement familial et la dureté de ce qui lui était demandé.
Eduardo Tanaka Sensei viendra le chercher à Tôkyô en espérant malgré tout réussir à le convaincre de s'accrocher et reconsidérer sa décision, sans succès.
Dommage d'avoir renoncé alors que des dizaines de candidats se voient refuser une place de uchi deshi chaque année mais c'est ainsi.
Au bout de trois semaines seulement le retour a du être douloureux sur le plan moral.
La réalité est souvent bien éloignée du rêve.
Personne ne l'a accablé mais la déception était palpable pour toutes les personnes concernées.
Nous ne savons pas si une autre opportunité sera offerte à ce pratiquant Brésilien qui n'avait pas, à ce moment, ce qu'il fallait au fond de lui pour atteindre l'objectif.
Les candidats éventuels seront bien avisés de méditer et mûrement réfléchir avant de se décider.