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Anecdotes de dôjô - Chapitre VI

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Anecdotes de dôjô - Chapitre VI

Message par karatejapon » Mer Sep 24, 2008 5:45 pm

Et voici une nouvelle anecdote, d'une teneur certes assez sombre mais le monde du karatedô n'est, bien évidemment, pas exempt d'aspects peu reluisants. Et, comme nos membres les plus anciens le savent bien, karatejapon ne rechigne jamais à évoquer des sujets prêtant à la controverse, sans épargner personne. La liberté d'expression c'est aussi cela.
Le sous titre pourrait être "Comment tout gâcher"...

L'anecdote qui suit nous a été racontée voici quelques mois, à Tôkyô, lors d'un souper tardif après l'entraînement.
Nous étions quelques uns à manger dans la quartier d'Ikebukuro, fief des yakuza et, peut être à cause du lieu, la conversation tourna sur la malhonnêteté en tout genre.
Un Sensei sandan nous conta alors une bien regrettable histoire survenue au début des années 1990, dans l'enceinte même du Honbu dôjô.

Si vous avez lu les nombreux articles et posts consacrés sur ce site à l'Ecole de feu Oyama Masutatsu Sôsai, vous vous souvenez peut être des renseignements fournis sur les uchi deshi.
Pour résumer, il s'agit d'élèves internes suivant un cycle durant jusqu'à trois ans. Leur quotidien reste spartiate, rythmé par les entraînements quotidiens, les diverses tâches administratives et ménagères ainsi que les préparations pour les passages de grade et autres tournois.
Malgré les difficultés de cette vie plutôt ascétique, les demandes se montent à plusieurs dizaines chaque année. Néanmoins les heureux élus sont rares. Les critères sont stricts et le choix entièrement à la main de la direction de l'organisation.
Faire partie de ce petit groupe est déjà un privilège en soi. Il conduira éventuellement à l'autorisation d'ouvrir un dôjô avec la bénédiction du Kyokushinkaikan, une certaine forme de consécration pour les passionnés souhaitant dévouer leur vie à cette Ecole.

En 1993, un Français fut accepté en tant qu'uchi deshi et arriva donc au Honbu dôjô pour y entamer un cycle de trois ans. Selon le Sensei, cette personne semblait alors avoir conscience de la voie royale qui s'offrait ainsi à lui. En effet, peu d'opportunités de carrière s'offraient à ce jeune homme en France; pas de diplôme d'études supérieures, pas de famille fortuné, ni aucun autre avantage dans la compétition pour s'imposer dans la vie.
Sensé achever le cycle avec deux barrettes dorées sur la ceinture, il aurait ensuite été nommé pour enseigner en France ou ailleurs par l'organisation, avec tout le crédit afférent.

Le Sensei qui l'a côtoyé durant une année parle d'un pratiquant plutôt doué, sérieux et assidu. Tout pour réussir.
Malheureusement, l'expression "chassez le naturel, il reviendra au galop", est bien adaptée à ce qui suit.

Malgré les largesses prodiguées à son égard par Oyama Masutatsu Sôsai lui même, la vie difficile d'un uchi deshi pesait à ce jeune Français. Il commença à sortir de plus en plus au lieu de son consacrer à l'étude du karatedô. On peut tout à fait concevoir le besoin de s'amuser, chercher la compagnie du sexe opposé et même prendre quelques risques. Tout cela est bien naturel.
Néanmoins, certains besoins et envies se monnayent au prix fort et les uchi deshi ne sont pas rémunérés. Les petits boulots sur le temps de repos ne permettent au mieux que d'améliorer l'ordinaire. Alors que faire?

Notre homme choisit donc la voie qui lui paraissait la plus simple: reprendre certaines mauvaises habitudes lui ayant déjà valu des problèmes en France.
C'est ainsi que - ô stupeur - des pratiquants commencèrent à retrouver leur portefeuille vidé dans les vestiaires...

Ouvrons ici une courte parenthèse pour dire qu'au Japon, si les vols existent, ils sont certainement plus rares qu'ailleurs. La confiance est de mise, surtout dans les dôjô. A ce jour, les vestiaires du Honbu dôjô ne possèdent aucun casier fermant à clé. Tout le monde laisse ses affaires sans crainte, votre webmestre le premier.

Non content de se servir en toute impunité (du moins supposée), cet individu fit également les poches à d'autres uchi deshi. Bien laid, n'est ce pas?
Alors, ce qui devait arriver arriva: il fut confondu par un responsable de l'époque.
Le fondateur de la Kyokushinkai ne le reçût pas mais ordonna son éviction le jour même et prononça une interdiction mondiale de pratique sous la bannière du Kyokushinkaikan.
Pour la petite histoire, Oyama Masutatsu Sôsai fut particulièrement attristé par ce histoire navrante et, dit-on, vexé de voir sa confiance accordée ainsi trahie. Malgré tout, le Sensei (shôdan à l'époque) assure que le fondateur exigea l'absence de représailles physiques à l'encontre du voleur. Comme vous pouvez aisément l'imaginer, certains souhaitaient ardemment une explication à l'intérieur du dôjô comme cela se fait encore parfois au Japon...

Expulsé du dôjô et sans toit, ce triste sire rentra en France peu de temps après sur les "conseils" pressants d'émissaires de la Kyokushinkai qui lui déconseillèrent de tenter sa chance au Japon.

Nous connaissions auparavant cette anecdote de dôjô mais de façon beaucoup moins détaillée et avons souhaité la partager avec vous chers membres.

Inutile de chercher le nom du principal protagoniste; il est volontairement "oublié" au Honbu dôjô et nous n'avons nous même aucune idée de son identité.

En espérant vous avoir intéressés. Merci de nous avoir lu.
Dernière édition par karatejapon le Jeu Sep 25, 2008 8:20 am, édité 1 fois.
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Message par opsi » Jeu Sep 25, 2008 12:55 am

Merci beaucoup pour cette anecdote comme d'habitude toujours aussi bien contée !!
opsi
 
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Message par Nottingham » Jeu Sep 25, 2008 9:13 am

Merci de prendre le temps de nous ecrire tout ces "textes".
Nottingham
 
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Message par ChusetsuDo » Jeu Sep 25, 2008 12:35 pm

Merci pour l'anecdote que je trouve bien interessante.

Pour ma part, je trouve cette histoire doublement desolante. D'une part, bien evidemment, a cause du comportement de cet uchideshi, mais pas seulement. Je trouve aussi la reaction du hombu dojo regrettable. En effet, je pense qu'il aurait peut-etre ete bon de donner a cet individu une deuxieme chance et, par la meme, l'occasion de se racheter.

Je ne suis pas de confession catholique, mais je crois que pardonner est un acte important et positif. Bien evidemment, cela depend des circonstances, mais, contrairement a un meurtre, par exemple, un vol peut etre repare, et je pense qu'il aurait peut-etre ete preferable de donner cette opportunite a l'uchideshi concerne.

Cette histoire me rappelle beaucoup un passage des Miserables de Victor Hugo. En effet, au debut du roman, Jean Valjean, qui vient tout juste de sortir du bagne et qui, par consequent, et rejete par le reste de la societe, est recueilli par Monseigneur Bienvenu. Ce dernier est, dans le roman, decrit comme le parangon de ce que devrait etre, du moins aux yeux de Hugo, un ecclesiastique. Pour des raisons probablement semblables a celles qui, je presume, ont motive l'uchideshi, Valjean decide de voler l'argenterie de son hote et s'enfuit en pleine nuit.

Bien evidemment, il est arrete par la gendarmerie et aussitot ramene chez Mgr Bienvenu pour etre confondu. Valjean est effondre, car il sait qu'il va retourner aux galeres et y passer le restant de ses jours mais, a sa grande surprise, l'eveque dit aux gendarmes qu'il lui a offert l'argenterie et qu'il n'y a donc pas lieu de l'incarcerer. Vous pouvez lire l'extrait correspondant en cliquant sur le lien suivant: http://www.livresse.com/Livres-enligne/lesmiserables/010212.shtml (et d'ailleurs, vous pouvez meme acheter l'ouvrage en entier, qui me bouleverse a chaque fois que je le lis).

Bref, il s'agit d'un livre, mais nul ne sait comment l'uchideshi aurait reagi. Peut-etre aurait-il continue a voler, ou peut-etre aurait-il rembourse ses "dettes" pour se consacrer avec plus d'acharnement qu'avant a l'etude de la Voie.

Quant a interdire toutes represailles, c'etait quand meme la moindre des choses, car je ne pense pas que la vengeance fasse partie du Dojo Kun...
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Opinion louable mais...

Message par karatejapon » Jeu Sep 25, 2008 5:50 pm

Au delà de tout sentiment de pardon, il faut prendre en compte la culture japonaise pour laquelle il s'agit d'un acte particulièrement répréhensible.

On peut considérer qu'il s'agissait déjà d'une seconde chance car les antécédents de cette personne n'étaient guère reluisants. N'oublions pas que les dossiers des nombreux candidats sont examinés à la loupe et que la moralité au dessus de tout soupçon fait partie des requis. Oyama Masutatsu Sôsai avait tranché en faveur de ce pratiquant et ainsi offert une chance inestimable.
Par ailleurs, l'argent dérobé était destiné à assouvir certaines passions (vices?), pas à se nourrir.
A ce propos il est intéressant de reprendre le parcours de Jacques Legrée Shihan, lui même ancien uchi deshi. Sans le sou mais n'ayant pas choisi une voie négative au Japon il bénéficia des largesses du fondateur de l'Ecole qui, au courant de tout, lui fit parvenir ainsi qu'à un autre futur Shihan de quoi se nourrir. Aucun élève interne n'est mort de faim au Honbu dôjô.
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Message par Shoto » Jeu Sep 25, 2008 6:47 pm

J'envie ceux qui ne sont pas curieux... J'envie ceux qui peuvent lire ce récit sans se demander : "qui était ce karateka français et qu'est-il devenu?".

Sans doute a-t-il essayé de se recycler dans un style "affinitaire". Peut-être même est-il branchchief...
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Message par kudostein » Jeu Sep 25, 2008 6:58 pm

c'etait tres interressant,en tout cas j'esperes que ca ne nuit pas a la reputation des karatekas francais au japon.
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Message par karatejapon » Jeu Sep 25, 2008 7:17 pm

Nous ne savons pas ce qu'est devenu cet personne. Si elle évolue toujours dans le monde du karatedô, rien ne semble filtrer de ce passé peu glorieux.

Les pratiquants Français sont bien reçus au Honbu dôjô Kyokushinkai, comme tout le monde d'ailleurs. On laisse même votre webmestre seul dans le vestiaire, c'est dire...
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Message par Mustafa Jean-Andre » Dim Sep 28, 2008 3:22 am

ChusetsuDo a écrit :Merci pour l'anecdote que je trouve bien interessante.

Pour ma part, je trouve cette histoire doublement desolante. D'une part, bien evidemment, a cause du comportement de cet uchideshi, mais pas seulement. Je trouve aussi la reaction du hombu dojo regrettable. En effet, je pense qu'il aurait peut-etre ete bon de donner a cet individu une deuxieme chance et, par la meme, l'occasion de se racheter.

Je ne suis pas de confession catholique, mais je crois que pardonner est un acte important et positif. Bien evidemment, cela depend des circonstances, mais, contrairement a un meurtre, par exemple, un vol peut etre repare, et je pense qu'il aurait peut-etre ete preferable de donner cette opportunite a l'uchideshi concerne.

Cette histoire me rappelle beaucoup un passage des Miserables de Victor Hugo. En effet, au debut du roman, Jean Valjean, qui vient tout juste de sortir du bagne et qui, par consequent, et rejete par le reste de la societe, est recueilli par Monseigneur Bienvenu. Ce dernier est, dans le roman, decrit comme le parangon de ce que devrait etre, du moins aux yeux de Hugo, un ecclesiastique. Pour des raisons probablement semblables a celles qui, je presume, ont motive l'uchideshi, Valjean decide de voler l'argenterie de son hote et s'enfuit en pleine nuit.

Bien evidemment, il est arrete par la gendarmerie et aussitot ramene chez Mgr Bienvenu pour etre confondu. Valjean est effondre, car il sait qu'il va retourner aux galeres et y passer le restant de ses jours mais, a sa grande surprise, l'eveque dit aux gendarmes qu'il lui a offert l'argenterie et qu'il n'y a donc pas lieu de l'incarcerer. Vous pouvez lire l'extrait correspondant en cliquant sur le lien suivant: http://www.livresse.com/Livres-enligne/lesmiserables/010212.shtml (et d'ailleurs, vous pouvez meme acheter l'ouvrage en entier, qui me bouleverse a chaque fois que je le lis).

Bref, il s'agit d'un livre, mais nul ne sait comment l'uchideshi aurait reagi. Peut-etre aurait-il continue a voler, ou peut-etre aurait-il rembourse ses "dettes" pour se consacrer avec plus d'acharnement qu'avant a l'etude de la Voie.

Quant a interdire toutes represailles, c'etait quand meme la moindre des choses, car je ne pense pas que la vengeance fasse partie du Dojo Kun...


L’exemple avec l’évêque de Digne n’est pas pertinent dans la forme, cet uchideshi n’a pas été ramené par des gendarmes par conséquent Oyama Masutatsu Sôsai n’a pas eu à le couvrir en racontant que ce qu’il avait pris été à lui, d’autant plus, que dans cet anecdote, ce n’est pas Oyama Masutatsu Sôsai qui a été volé mais des tiers. Par contre dans le fond, Oyama Masutatsu Sôsai agit comme l’évêque de Digne, il ne livre pas cet individu aux autorités policières, si ça ce n’est pas donner une deuxième chance, qu’est ce qu’une deuxième chance. J’espère que cet ex uchideshi a réalisé la grâce qui lui a été faite, car d’après Karatéjapon au pays du soleil levant il s'agit d'un acte particulièrement répréhensible.
Une autre grâce lui a été faite, celle de l’anonymat et ça c’est un cadeau royal.
Je pense que cet individu est un inconscient ou un suicidaire pour aller voler dans les vestiaires du honbu dôjô du kyokushinkai, moi, je ne le ferais pas et pas simplement par honnêteté. :wink:
TOUT EST POSSIBLE A CELUI QUI CROIT!
Site: http://kyokushin-seinan.kazeo.com/
Site: http://s-d-a.kazeo.com/
Mustafa Jean-Andre
 
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Message par lianshu » Sam Déc 20, 2008 1:30 pm

Que c'est dommage...

Etre au sommet, cotoyer le Fondateur et...se bruler les ailes ainsi.

Ceci est une insulte faite au Maître; qui à néanmoins pardonné et n'a pas ébruité ce triste comportement. Ce n'est déjà pas joli joli en France, mais au Japon !!!

Cordialement,

Lianshu.
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