Et voici une nouvelle anecdote, d'une teneur certes assez sombre mais le monde du karatedô n'est, bien évidemment, pas exempt d'aspects peu reluisants. Et, comme nos membres les plus anciens le savent bien, karatejapon ne rechigne jamais à évoquer des sujets prêtant à la controverse, sans épargner personne. La liberté d'expression c'est aussi cela.
Le sous titre pourrait être "Comment tout gâcher"...
L'anecdote qui suit nous a été racontée voici quelques mois, à Tôkyô, lors d'un souper tardif après l'entraînement.
Nous étions quelques uns à manger dans la quartier d'Ikebukuro, fief des yakuza et, peut être à cause du lieu, la conversation tourna sur la malhonnêteté en tout genre.
Un Sensei sandan nous conta alors une bien regrettable histoire survenue au début des années 1990, dans l'enceinte même du Honbu dôjô.
Si vous avez lu les nombreux articles et posts consacrés sur ce site à l'Ecole de feu Oyama Masutatsu Sôsai, vous vous souvenez peut être des renseignements fournis sur les uchi deshi.
Pour résumer, il s'agit d'élèves internes suivant un cycle durant jusqu'à trois ans. Leur quotidien reste spartiate, rythmé par les entraînements quotidiens, les diverses tâches administratives et ménagères ainsi que les préparations pour les passages de grade et autres tournois.
Malgré les difficultés de cette vie plutôt ascétique, les demandes se montent à plusieurs dizaines chaque année. Néanmoins les heureux élus sont rares. Les critères sont stricts et le choix entièrement à la main de la direction de l'organisation.
Faire partie de ce petit groupe est déjà un privilège en soi. Il conduira éventuellement à l'autorisation d'ouvrir un dôjô avec la bénédiction du Kyokushinkaikan, une certaine forme de consécration pour les passionnés souhaitant dévouer leur vie à cette Ecole.
En 1993, un Français fut accepté en tant qu'uchi deshi et arriva donc au Honbu dôjô pour y entamer un cycle de trois ans. Selon le Sensei, cette personne semblait alors avoir conscience de la voie royale qui s'offrait ainsi à lui. En effet, peu d'opportunités de carrière s'offraient à ce jeune homme en France; pas de diplôme d'études supérieures, pas de famille fortuné, ni aucun autre avantage dans la compétition pour s'imposer dans la vie.
Sensé achever le cycle avec deux barrettes dorées sur la ceinture, il aurait ensuite été nommé pour enseigner en France ou ailleurs par l'organisation, avec tout le crédit afférent.
Le Sensei qui l'a côtoyé durant une année parle d'un pratiquant plutôt doué, sérieux et assidu. Tout pour réussir.
Malheureusement, l'expression "chassez le naturel, il reviendra au galop", est bien adaptée à ce qui suit.
Malgré les largesses prodiguées à son égard par Oyama Masutatsu Sôsai lui même, la vie difficile d'un uchi deshi pesait à ce jeune Français. Il commença à sortir de plus en plus au lieu de son consacrer à l'étude du karatedô. On peut tout à fait concevoir le besoin de s'amuser, chercher la compagnie du sexe opposé et même prendre quelques risques. Tout cela est bien naturel.
Néanmoins, certains besoins et envies se monnayent au prix fort et les uchi deshi ne sont pas rémunérés. Les petits boulots sur le temps de repos ne permettent au mieux que d'améliorer l'ordinaire. Alors que faire?
Notre homme choisit donc la voie qui lui paraissait la plus simple: reprendre certaines mauvaises habitudes lui ayant déjà valu des problèmes en France.
C'est ainsi que - ô stupeur - des pratiquants commencèrent à retrouver leur portefeuille vidé dans les vestiaires...
Ouvrons ici une courte parenthèse pour dire qu'au Japon, si les vols existent, ils sont certainement plus rares qu'ailleurs. La confiance est de mise, surtout dans les dôjô. A ce jour, les vestiaires du Honbu dôjô ne possèdent aucun casier fermant à clé. Tout le monde laisse ses affaires sans crainte, votre webmestre le premier.
Non content de se servir en toute impunité (du moins supposée), cet individu fit également les poches à d'autres uchi deshi. Bien laid, n'est ce pas?
Alors, ce qui devait arriver arriva: il fut confondu par un responsable de l'époque.
Le fondateur de la Kyokushinkai ne le reçût pas mais ordonna son éviction le jour même et prononça une interdiction mondiale de pratique sous la bannière du Kyokushinkaikan.
Pour la petite histoire, Oyama Masutatsu Sôsai fut particulièrement attristé par ce histoire navrante et, dit-on, vexé de voir sa confiance accordée ainsi trahie. Malgré tout, le Sensei (shôdan à l'époque) assure que le fondateur exigea l'absence de représailles physiques à l'encontre du voleur. Comme vous pouvez aisément l'imaginer, certains souhaitaient ardemment une explication à l'intérieur du dôjô comme cela se fait encore parfois au Japon...
Expulsé du dôjô et sans toit, ce triste sire rentra en France peu de temps après sur les "conseils" pressants d'émissaires de la Kyokushinkai qui lui déconseillèrent de tenter sa chance au Japon.
Nous connaissions auparavant cette anecdote de dôjô mais de façon beaucoup moins détaillée et avons souhaité la partager avec vous chers membres.
Inutile de chercher le nom du principal protagoniste; il est volontairement "oublié" au Honbu dôjô et nous n'avons nous même aucune idée de son identité.
En espérant vous avoir intéressés. Merci de nous avoir lu.