Comme promis, voici une nouvelle anecdote de dôjô.
A ce propos, si ces anecdotes sont relativement espacées dans le temps c'est tout simplement que nous ne souhaitons pas broder mais vous livrer des articles basés sur des faits réels. karatejapon.net n'a rien à voir avec les reportages "bidonnés" que vous pouvez régulièrement lire dans la presse spécialisée.
Quoiqu'il en soit, celle d'aujourd'hui est récente puisque datant du mois dernier; le 9 mars au matin. Elle a pour cadre le Honbu dôjô Kyokushinkai, situé à Tôkyô, dans le quartier d'Ikebukuro.
Vous pouvez d'ailleurs retrouver la description de cet entraînement au sein du forum "Au Japon", sous le titre "Le cours de Hibino Jôji Senpai".
La dernière partie de la leçon était dévolue au travail à deux.
Exercice relativement simple puisqu'il s'agit alors d'effectuer des jôdan mawashigeri. Un des partenaires en lance un, revient en zenkutsudachi et attend que son binôme réalise la technique à son tour, en alternance donc. Puis on recommence, à un rythme rapide, dix keriwaza d'une jambe puis on change de garde et c'est reparti. Une fois la série terminée, on change de partenaire, sans choisir, en se décalant vers la droite. Il est ainsi possible de travailler avec des partenaires de tout gabarit et de grades et expériences différents.
Hibino Jôji Senpai, au titre des consignes, nous montre comment bloquer avec les deux mains, sur place. Il s'agit d'ailleurs plus d'absorption que d'un véritable blocage, dans l'idée des techniques de taikiken, le buste effectuant une légère rotation.
Votre webmestre se retrouve pour l'avant dernière série face à un jeune nidan Russe devant mesurer 1m90 pour plus de 90 kilos.
La ligne de notre partenaire devant commencer l'exercice nous le laissons donc placer son premier mawashigeri après les saluts d'usage.
Surprise! Ce Senpai "balance" une technique pleine puissance et manque d'arracher la tête de votre webmestre. Heureusement, nos quelques années de pratique nous ont habitué à ne jamais baisser la garde, dans tous les sens du terme. Le zanshin ("vigilance" pour faire simple) n'est pas un vain mot.
Un sourcil relevé et un regard appuyé doivent normalement faire comprendre à notre partenaire qu'un paramètre lui échappe. Mais, en fait de regard, le sien reste torve et dénué de compréhension...pour ne pas dire d'intelligence. Dont acte.
Néanmoins, pour notre premier mawashigeri, pas question d'en faire de même. Nous exécutons donc la technique sans chercher à frapper fort.
Notre ami Russe reprend par...un autre keri à décorner un taureau.
Là, Hibino Jôji Senpai intervient et rappelle qu'il s'agit d'un exercice technique codifié pas d'un kumite durant lequel on rechercherait le KO.
Pas de réponse de notre Russe qui semble sourd. Le responsable du cours ne se formalise pas outre mesure et nous dit de reprendre.
A nouveau, notre mawashigeri se veut quelque part "apaisant"; nous ne cherchons pas à envenimer la situation mais souhaitons tout de même manifester notre mécontentement. Donc une technique plus appuyée certes mais pas violente. Cela a pour vertu de "réveiller" quelque peu notre partenaire qui nous lance un regard noir et dépourvu de toute sympathie.
Alors, ce qui devait arriver arriva...
Le mawashigeri suivant nous arrive sur la tête pleine puissance. Nous le bloquons partiellement puis repoussons notre partenaire (adversaire?) sans ménagement.
Avant que la situation ne dégénère Hibino Jôji Senpai intervient très fermement par un rappel à l'ordre verbal sonore et direct.
Igor - appelons le comme ça - est vertement rabroué. Il lui est rappelé que nous ne sommes pas dans une compétition et que s'il s'était s'agit d'un partenaire débutant, une telle attitude aurait entraîné un knockdown ou pire.
Tout le monde dans le dôjô s'arrête alors, regarde et écoute...
L'incident regrettable aurait pu se terminer là mais Igor semble n'avoir cure de ce qui vient de lui être signifié de façon pourtant fort claire. Pas un geste d'excuse, pas un signe d'assentiment, pas un "OSU" montrant que l'on a compris. Ce terme est pourtant de mise au dôjô quand on s'adresse à vous. Mais là rien, si ce n'est un vague air d'ennui...Mauvaise pioche car l'Instructeur reste particulièrement attaché à l'étiquette et, surtout, l'attitude (avec un grand "A").
Notre "brave" Russe ne semblant pas saisir du tout, le responsable du cours lui assène une grande claque sur l'épaule et lui intime d'acquiescer et regarder son interlocuteur quand on lui parle.
Tout nidan qu'il est, Igor a droit à une "remise à niveau" verbale de premier ordre, devant les autres deshi.
Hibino Jôji Senpai arrête le cours de façon formelle pour exprimer son mécontentement et exposer un rappel à l'ordre ferme et sans ambages.
Son discours vaut pour tous les pratiquants présents.
L'attitude au dôjô se doit d'être empreinte de respect. On y travaille ensemble sans chercher à blesser ses partenaires, dans un esprit de profit mutuel.
Par ailleurs, quand on est repris ou simplement conseillé par le responsable du cours il est de bon ton - pour ne pas dire impératif - de montrer que l'on a compris. Comme toujours le "OSU" classique est systématique.
Si on ne comprend ces simples paramètres on n'a rien à faire dans un dôjô de karatedô et c'est bien ce que l'Instructeur expliqua à un Igor pétrifié et cramoisi par cette "remontée de bretelles grand format".
L'explication se termina par un OSU d'une voix chevrotante et une tête baissée. Hibino Jôji Senpai fit répéter le OSU plus fort et de façon parfaitement intelligible.
Pour la petite histoire (ou l'anecdote dans l'anecdote si vous préférez), notre Russe nous salua sans aucune conviction ni coeur et ne vint pas présenter d'excuses à la fin du cours pour cette attitude incompréhensible.
La prochaine séance de kumite risque d'être chaude, surtout pour votre webmestre avec un déficit de poids, de taille et d'âge plus que conséquents...
C'est la première fois que nous vivions un épisode pénible au sein d'un dôjô japonais. Il nous avait déjà été donné de vivre des situations approchantes en France mais, au Japon, il s'agit vraiment d'une exception...que Hibino Jôji Senpai ne tolère pas.