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Okinawa Shugyô VIII

Tout ce qui n'entre pas dans les autres fora.

Okinawa Shugyô VIII

Message par Hanchindi » Ven Sep 29, 2006 6:04 am

Août 2005


Après un vol de 10h30, j'arrive à l'aéroport de Kansai-Ôsaka. J'ai un battement de 4h00 avant l'avion qui va à Okinawa, je décide donc d'aller manger la spécialité du coin : okonomiyaki (petit historique, à l'origine, c'était une sorte de pâte à crêpe où on mettait tout ce qui restait à manger dans la cuisine. Maintenant, on met des fruits de mer, de la viande, des légumes… ou un mix de tout).
Encore deux heures de vol et j'arrive à l'aéroport de Naha. Je suis accueilli par ma belle-mère et une de mes belle-sœurs, retrouvailles, embrassades euh… non, on est au Japon, c'est pas dans les mœurs.
Elles m'emmènent manger dans un restaurant… occidentalisé, ma deuxième belle sœur nous y rejoint, retrouvailles, embrassades, euh… non toujours pas.
Après le déjeuner, encore deux heures de route pour aller chez ma belle famille pour la première nuit (les impondérables familiaux). Leur maison n'est qu'à une vingtaine de km de Naha, mais la circulation à Okinawa est tellement m…ique, qu'y faut bien deux heures.
On arrive enfin, j'commence à en avoir marre des transports, retrouvailles avec mon beau-père, embrassades euh… là non plus.
Quelques cadeaux, les autres arriveront avec ma femme.
Le repas du soir arrive. Enfin de la nourriture japonaise et après un furo (douche suivie d'un bain d'eau chaude), dodo sur un futon.
Le lendemain, je téléphone à Gakiya Yoshiaki sensei et rendez-vous est pris.
Ma belle-sœur m'emmène en voiture, deux heures de route pour Nago dans le Hokubu, partie nord d'Okinawa (la campagne penses-je…)

On ne trouve pas la route et pourtant on essaye, de lassitude, on va dans "café" prendre un rafraîchissement, à 35°, même avec la clim de la voiture faut bien ça. Coup de téléphone à Gakiya, qui nous explique que c'est une petite route.
Ah oui, c'est bien une petite route… paumée et dans la montagne, dans la végétation luxuriante, j'ai cru qu'il faudrait que j'aille sur le capot avec une machette.
On arrive enfin, retrouvailles, embrassades… bah là, faut pas y compter.


Visite du dojo, MAGNIFIQUE!!!, 70 m2, parquet flambant neuf, charpente digne des maîtres du compagnonnage, des râteliers d'armes sur tout le long d'un des murs, et chose que je n'avais pas vue : Bob accroché au plafond. Commentaire à ma belle-sœur et Gakiya, "ki ni iru", "j'vais m'plaire". Sourire radieux de Gakiya.
Finalement, je découvre ma chambre pour la semaine à venir. Dans le "bureau" du dôjô, un convertible. Question à Gakiya "Comment je vais faire pour les repas ?" "Bah, tu viens manger avec nous."
Ah, j'ai oublié de préciser, le dôjô est dans la "montagne", pas âme qui vive à moins de trois km, seule distraction, l'entraînement, l'entraînement et toujours l'entraînement et plus…


Premier jour

Petit déjeuner 9h00,
Entraînement du matin 10h00-12h00,
Déjeuner 12h30,
Temps libre "y fait trop chaud pour s'entraîner",
16h00 Gakiya vient me chercher, "viens on va faire du kama (faucille)… y'a des herbes à couper",
18h00-20h00 entraînement du soir, à la fraîche (mais en cette saison, la fraîche, ça existe pô à Okinawa,).

Pendant une semaine, ça a été comme ça, avec des variantes sur les coup de 16h00, "viens on va couper les arbres (machette, pour la coupe du tinbe)), creuser des trous (une barre à mine, pour le planter du nunte-bo), sarcler le sol de la mango-ya, serre pour les mangues (houe , pour le kuwa).
Pour Gakiya, ce genre d'exercices est le plus important, les kata c'est joli, mais ça n'apprend pas vraiment à couper, creuser, hacher enfin bref… l'essentiel.

Bien sur, au Renshi-kan il y a tout le matériel pour le hojo-undô, le travail de renforcement musculo-posturo-ligamentaire. Kâmi, Chi'ishi…

Revenons à Bob, c'est un "manequin", avec une tête d'un présentoir de coiffeur dont le corps est muni d'un "bras" qui simule une arme. Et avec Bob, j'ai bien joué à le frapper de taille et d'estoc, avec Bô, Tonfa, Nunchaku, Sai, Seiryutô (machette en bois)
Comme d'habitude avec Gakiya, le début de l'entraînement se fait avec les armes les plus lourdes du dojo.

L'entraînement chez Gakiya fut extrêmement enrichissant et toute la semaine je n'ai mangé que de la cuisine okinawaïenne, pas japonaise.

Gakiya, me connaissant de longue date, ne m'a pas enseigné les techniques d'armes dans l'ordre habituel de progression : bô, sai, tonfa, nunchaku…
Bien sur, le bô étant l'arme de base, c'est par là que nous avons commencé. Ensuite, Gakiya m'a demandé quelle arme j'aimais, je lui ai répondu tonfa, nous avons fait tonfa. Un soir, avant le début du cours, je m'entraînais avec eku, la rame, cette arme étant une de ses préférées, les entraînements furent essentiellement dirigés sur eku. Un autre, je "jouais" avec tinbe (la machette et le bouclier), ça n'a pas loupé… on a fait tinbe, mais il m'a "choisi" la machette en bois bien lourde et le bouclier le plus lourd.


Le dôjô, donc, est situé en pleine montagne forestière de Nago. Comme toute forêt, on y trouve de nombreux banians, arbres favoris des kijimuna…
Les kijimuna sont des créatures imaginaires qui vivent dans des grands arbres, comme les banians. Petits, avec de grands yeux ronds, des grandes oreilles, très velus, ils ont les poils et les cheveux roux, leur taille n'excède jamais 1m40. Bien que l'on puissent les rencontrer sur toute l'île d'Okinawa, un de leur terrain favori se trouve près du village de Ginoza.


De caractère espiègle, les kijimuna sont soupçonnés d'être responsables des insomnies et des mauvais rêves de certains okinawaïens qui les voient s'introduire furtivement dans leur chambre et sauter sur leur lit.

Je ne pourrais jamais savoir si les kijimuna existent, les entraînements étaient tels que la nuit, rien n'aurait pu me réveiller. Mais si les esprits et autres tengu ont hantés les rêves de certains créateurs de styles et leur ont apporté le secret des arts martiaux , les kijimuna m'ont foutu une paix royale.

Le dernier jour de ce shugyô, Gakiya me demande de nettoyer le dôjô, ce que j'accepte bien volontiers ! comparé à tout ce qu'il m'a apporté, ce n'est rien.

A la fin de cette semaine, un groupe d'Italiens (emmené par Andréa, que je connais de longue date) et Jurgen, Norvégien, tous élèves de Gakiya arrivent, je les rejoint à Naha.
A partir de ce moment, l'entraînement n'a plus lieu que le matin, au dôjô de la poste centrale de Naha (retour à la civilisation). Mais, vu que ce dôjô n'a aucune aération, c'est très vite suffocant et exténuant, mais je suis pas venu pour plaisanter.
Pour ces entraînements, nous sommes rejoint par Yogi Josei sensei, 8ème dan de karate Kônan-ryû, une branche dissidente du Uechi-ryû, 8ème dan de kobudo, ancien ponte du Kôdôkan de Matayoshi, il a rejoint Gakiya au moment de la scission.

Pour aller à ce dôjô, nous devons prendre le monorail qui relie l'aéroport au château de Shuri. Ce monorail, qui surplombe les rues de la ville permet de découvrir Naha d'un autre point de vue. De notre avis général, le monorail a été élu comme un des endroits les plus agréables d'Okinawa : c'est climatisé!

La chaleur et le manque d'air rendent les entraînements pénibles et nous finissons les deux heures quotidiennes dans la salle de musculation voisine, là aussi y'a la clim.
Le pauvre Jurgen a bien des misères avec la chaleur, sa Norvège natale est quand même plus supportable. Ce qui n'empêche pas Andréa et moi de fanfaronner et de jouer les beaux vétérans de la "bataille d'Okinawa"… alors qu'on transpire tout autant. Avec quelques uns des Italiens (ceux qui ne font pas la sieste), nous allons à la découverte de Naha.

Au dôjô de la poste, j'ai l'occasion de rencontrer Kinjô Akio sensei, ce très insatiable chercheur en histoire du karate et enseignant hautement respecté par tous les autres sensei de l'île a une particularité. Ses innombrables voyages en Chine et à Taiwan, ses recherches l'ont conduit à développer un style issu du gôjû-ryû, qu'il étudia sous la direction de Higa Sekô sensei, mais porté sur toutes les sources issues du Fujian. On pourrait qualifier sa pratique de "nationaliste", puisqu'il enseigne le karate dans une tenue qui balance entre la tenue chinoise et le karate-gi japonais, assez proche de celle des danseurs de Eisa.
Au "menu" de son dôjô : kata originels du Naha-te, kata originels du Shuri-te, kumite, nage-waza (projections et tout ce qui va avec), techniques de kinna (chinna), kobu-jutsu.

C'est bizarre, souvent, je ne comprend pas les conversations entre Gakiya et Yogi, de même que je ne reconnais pas certaines tonalités, c'est normal, entre eux ils parlent okinawaïen.
L'après-midi, étant dans une ville civilisée, je peux vaquer dans les lieux touristiques, mais je connaît déjà tout à Naha, les bibliothèques, les musées…

Le jour de l'avant-dernier entraînement, Gakiya nous invite dans un grand restaurant et au moment de partir, pas moyen de l'empêcher de payer pour tout le monde.

Lors d'une de mes visites chez Shureido, je rencontre un groupe d'amis suisse venus pour la célébration des trente ans du dôjô Shubu-kan.
Le hasard fait décidément bien les choses, le dimanche qui vient, a lieu la démonstration pour fêter les trente ans du Shubu-kan de Uema Jôki sensei et son fils Uema Yasuhiro. A cette occasion, je découvre la version Shuri-te de Sêsan.
Uema Jôki : 10ème dan de Shôrin-ryû. C'est avec son père qu'il commença la pratique du Tôde en 1926, par la suite, il étudia aussi sous la tutelle de Chibana Chôshin, Kiyan Chôtoku, Gusukuma Shinpan, Uezato Chû'ei et Shimabukuro Taro.
En 1956, Uema part en Chine et rencontre Wan Huien qui lui transmet le kata de "la cigogne blanche".
En 2000, il reçoit son 10ème dan de l'Okinawa Shôrin-ryû Karate-dô Kyôkai

Uema Yasuhiro : 9ème dan de Shôrin-ryû. C'est avec son père qu'il commence l'étude du karate en 1957, par la suite, il reçoit aussi les enseignements de Nakama Chôsho, Ishikawa Seitoku et China Teikichi. Uema a aussi enseigné en Suisse et au Canada.
Uema Yasuhiro est directeur de l'AOKKS, Association Okinawa Karate Kobudô Suisse.

Bien sur, je vais faire des visites chez Hokama Tetsuhiro, comme il me connaît de longue date, je peux rester et fouiller ses trésors dans son Musée du karaté.

Trois semaines à ce rythme…
Et puis, je retrouve des amis okinawaïens et français installés sur place. Ce soir, nous organisons une bîchu-pâtî, beach-party, sur la plage de Motobu. On est une bonne vingtaine, dont Shimabukuro Yukinobu, le prof de Uechi-ryû et de Goya champuru (membre du forum), qui passe des vacances. Au cours de la soirée, Shinjô Kiyohide, le "base-balleur" de Bercy, qui passait sur la plage est invité à se joindre à la fête, manger des yaki-soba (pâtes), yaki-tori (brochettes) et boire une, ou plusieurs, Orion bîru.

La dernière semaine est consacrée au tourisme avec mon épouse, des coins que je n'avait pas vus auparavant, notamment :

Nakamura-ke : Maison de la famille Nakamura, précepteur du seigneur Gosamaru. A l'origine, cette maison était recouverte de chaume, mais à partir des années 1720, la toiture fut remplacée par les tuiles rouges typiques d'Okinawa. Ce fait marque l'ascension aristocratique de la famille. En effet, des codes stricts régissaient la vie des insulaires, allant même jusqu'à imposer des critères dans la taille et l'apparence des maisons.

L'entrée de ce corps de ferme rectangulaire de 1557 M2 est séparé du reste de la résidence par le "hinpun", muret sensé bloquer l'accès aux esprits mauvais. Un autre talisman protège la maison, un Shîsâ, un lion de pierre grimaçant comme ceux qu'on peut voir à l'entrée des restaurants chinois. On peut voir ces shîsa sur les toits ou à l'intérieur de nombreuses maisons.
L'histoire de la famille Nakamura date du début du 15° siècle quand, sur ordre du roi d'Okinawa, le seigneur Gosamaru dut s'établir dans le château de Nakagusuku. Gashi, précepteur du seigneur dut lui aussi s'installer dans la ville de Nakagusuku et y fit construire cette demeure.
Dans un but plus pragmatique, les principaux bâtiments sont entourés par de hauts arbres "fukugi". Ces arbres très touffus et aux très profondes racines ont pour rôle de protéger les riches maisons des typhons.

L'histoire du seigneur Gosamaru est très célèbre dans les annales d'Okinawa.
Une rivalité opposait le seigneur Gosamaru du château de Nakagusuku et le seigneur Amawari du château de Katsuren, jaloux de la magnificence du château situé de l'autre côté de la baie. Dans le but de discréditer Gosamaru aux yeux du souverain, Amawari fit croire au roi que celui-ci voulait le renverser. Les troupes royales, aidées de celles de Amawari fondirent sur le château de Nakagusuku et l'incendièrent. Plutôt que se rebeller et parjurer sa loyauté envers le roi, Gosamaru préféra se suicider et entraîner toute sa famille dans la mort.

Taika-Uhuya : auberge devenue un lieu indispensable et incontournable à mes futures visites. Située aux alentours de la ville de Motobu, c'est un magnifique restaurant de cuisine okinawaïenne, dans un cadre verdoyant avec une cascade qui tombe près de la terrasse. La première fois que j'y suis allé, c'est avec Gakiya, la deuxième, avec ma belle-famille.

Quel dommage que ce ne soit qu'un restaurant, j'aurais volontiers passé une ou deux ou trois ou + journées dans un cadre aussi agréable. Et tant qu'on est parti à rêver, s'il y avait eu un dôjô, quelque en soit le style, d'ailleurs, j'aurais signer. Il faudra leur faire part de cette idée, à ma prochaine visite.

Au menu :

- Goya, concombre amer,
- Beni'imo, pomme de terre sucrée, à chair violette qui se mange crue, on fait aussi des tartes de cette pomme de terre
- Okinawa tôfu, plus consistant et au goût plus prononcé,
- Hichima, sorte de concombre.
- Ashi-tibichi, pieds de porc cuisinés dans de la sauce de soja et autres condiments,
- Nakami-jiru, soupe de tripes de porc,
- Hîja, soupe de tripes de chèvre (plat servi dans les grandes occasions),
- Chanpuru, mélange de légumes sautés, qui se décline en : Sômen chanpuru (avec des nouilles fines) ; Goya chanpuru, avec du goya ; Fu chanpuru, le fu est sorte de pain sans levain, dans ce Fu chanpuru, on ajoute des poivrons rouges (j'adore, il y a d'ailleurs un troquet/resto/gargotte à coté du collège de Shuri qui en fait un excellentissime), Papaya chanpuru, avec de la... papaye.
- Beaucoup de fruits tropicaux... communs à tous les pays tropicaux, mangues (mais le gout du au sol "difficile" d'Okinawa est différent des mangues antillaises), bananes (pareil pour le gout)...
Bien que les desserts, au sens où nous l'entendons, ne fassent pas partie des us culinaires okinawaïens, on peut désormais trouver :
- Pôpô, sorte de crêpes enrichies de "nira", sorte de "ciboulette",
- Kurozato, sucre de canne pur ou mélangé avec des cacahuêtes ou du gingembre,
- Beni-imo (voir plus haut).

Et les plats nationaux :

Okinawa soba, soupe de grosses nouilles avec une tranche de viande de porc,
Soki soba, pareil mais avec des travers de porc.

Les boissons :
Sanpin-cha : thé au jasmin (Okinawa flavor);
Ucchin : thé au curcuma;
Goya juice : jus de goya;
Orion bîru : bière locale qui se rapproche de la Tsin Tao;
Awamori : sake spécial d'Okinawa dont les marins ramenèrent la distillation du Siam et élaboré avec une levure unique à Okinawa. Il existe des awamori de 20 à 60 degrés.


Visite de plusieurs ruines de gusuku (chateaux forts d'Okinawa) :

Nakijn : puissant gusuku qui défendait la province de Hokuzan au temps de Sanzan, les rois provinces d'Okinawa;
Nago-gusuku;
Nakagusuku-gusuku.

En rentrant, nous passons une journée et une nuit à Ôsaka, visite de la ville et dîner dans un restaurant de okonomiyaki. C'est toujours un de mes plats préférés (comme tous les autres…).
Le vol se passe sans problème, arrivée à l'aéroport Charles de Gaulle, le stress revient au très grand galop.
Chibariyo!!!
Hanchindi
 
Message(s) : 89
Inscription : Ven Sep 15, 2006 3:07 pm
Localisation : Okinawa

Chanceux

Message par karatejapon » Sam Sep 30, 2006 10:26 pm

Comme pour moi, tu finiras par faire des jaloux avec tous ces voyages...
karatejapon
Admin
 
Message(s) : 5519
Inscription : Mar Août 15, 2006 10:48 am

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