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20 ans de tribulations au Japon

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20 ans de tribulations au Japon

Message par karatejapon » Ven Sep 08, 2006 3:08 pm

Jean-Michel est au Japon depuis une vingtaine d'années. Marié à une Nippone et père d'un adolescent de quinze ans, il vit au coeur de Tôkyô, à quelques minutes du siège de la petite - mais prospère - société qu'il dirige.
Lors d'un récent déjeuner à Tôkyô (juillet 2005), dans le quartier de Daikanyama, il nous a confié son parcours martial, loin du rêve de certains comme vous le comprendrez vite.


- kj: "Quand, comment et pourquoi es-tu arrivé au Japon?"

- J.-M.: "J'ai débarqué à Tôkyô en 85 en ne parlant que quelques mots de japonais après une année d'étude - à temps perdu. Je sortais d'une école de commerce BAC +5 et j'avais déjà travaillé en entreprise mais je ne voulais plus rester en France. Le Japon m'attirait et comme je pratiquais le karate depuis une dizaine d'années, ça semblait le bon choix."


- kj: "Comment se sont passés les débuts?"

- J.-M.: "Sur le plan professionnel ce fut parfait. J'ai intégré une petite entreprise japonaise par relations puis j'ai monté ma propre structure au bout de trois ans avec l'aide de ma femme, rencontrée ici. Comme tu le sais les affaires ont bien marché dès le départ.
Par contre, sur le plan Arts Martiaux, quelle galère..."


- kj: "Pourtant tout pratiquant rêve de pouvoir s'entraîner à la source. Peux-tu expliquer pour les membres du site?"

- J.-M.: "Comme beaucoup de jeunes j'ai commencé par le jûdô à l'école. Ensuite, je me suis mis au karate vers 75. J'allais chez Henri Plée à la Montagne Sainte Geneviève. J'étais vraiment accroché mais les études me prenaient trop de temps donc pas de compétitions mais je suivais les stages avec des Sensei Japonais. Le meilleur c'était Kase Taiji, que tu connais bien. Rien à prouver, super technique, super combattant, simple et gentil avec tout le monde. Un Grand Monsieur. J'étais vraiment triste quand j'ai appris sa mort sur ton site. C'est en partie grâce à lui que je voulais aller au Japon dès cette époque."


- kj: "Et ici donc...?"

- J.-M.: "Dès le début c'est mal parti. J'ai tout de suite cherché un dôjô Shotokan près d'où j'habitais à l'époque. La JKA était trop loin mais Reiko (épouse de J.-M.) m'a trouvé un club à dix minutes de la maison. Je pouvais y aller facilement après le bureau.
Grosse désillusion dès le départ. J'imaginais tous les profs Japonais du niveau de Kase Sensei! Là, techniquement je trouvais ça moyen; sans prétention car je n'avais qu'un petit niveau mais par rapport à ce que j'imaginais...
Je suis quand même resté près d'un an mais je ne sentais pas bien les choses, mal intégré, ce n'était pas ce que je cherchais...Vraiment déçu."


- kj: "Tu as donc cherché ailleurs?"

- J.-M.: "Avec Reiko on a été à l'université de Waseda puisqu'on avait entendu parler du dôjô Shotokan.
Je me suis inscrit et j'y suis resté pendant trois ans faute de mieux. Là non plus ça n'allait pas à cause du style enseigné. Tout était basé sur la compétition et adapté aux jeunes. Sans être trop vieux,je cherchais quelque chose à poursuivre sur le long terme. A Waseda je prenais souvent de coups et les meilleurs professeurs s'occupaient en priorité des bons combattants; ce qui est normal.
Moi je voulais travailler les kata en profondeur et apprendre. Je veux aussi faire du kumite mais pas exclusivement et là bas les kata passaient vraiment au second plan."


- kj: "Pas de chance donc. As-tu trouvé ton bonheur martial ensuite?"

- J.-M.: "Oui mais pas tout de suite. J'ai arrêté pendant plus d'un an mais j'étais frustré; vivre à Tôkyô sans pratiquer le karate ça me paraissait incroyable et vraiment dommage. Je grossissais et je ne me sentais pas bien. J'avais besoin de détente après la journée de travail et Reiko me poussait aussi à reprendre malgré la naissance de notre fils.
Je me suis inscrit à la JKA car nous avions déménagé et c'était à 25 minutes en train. Les choses ont changé en bien tout de suite car j'ai retrouvé le niveau d'enseignement que je recherchais depuis mon arrivée. Il y avait des cours adaptés pour tous les styles et c'était le karate comme je le voyais: respect de l'étiquette, rectitude, tout ce qui me convenait. J'y allais deux ou trois fois par semaine et c'était pour moi une bonne période.
Malheureusement, au bout de deux ans nous avons, à nouveau, déménagé pour notre résidence actuelle. Grand appartement dans une résidence luxueuse avec des jardins; merci les affaires! Par contre, côté karate, un vrai désert ce quartier. Enfin, pas tout à fait mais je voulais poursuivre dans la tradition Shotokan et le seul club proche était Wadô.
Donc plus rien pendant un an et un Japonais avec qui j'étais en relation d'affaires vers 94 voit une photo en dôgi dans mon bureau et me dit qu'il pratique aussi pas loin d'ici. Génial me dis-je. En fait il pratiquait le Shorinji kenpô dont je ne connaissais rien à l'époque.
Il me propose d'aller à un cours, j'accepte et ce que je vois me plaît assez. Proche du karate par les techniques, respect entre élèves et envers le Sensei, plutôt attirant. Introduit qui plus est par ce Japonais, les choses se présentaient assez bien.
Je me suis donc inscrit et au début, pendant un an environ, ça allait correctement. J'apprenais de nouvelles façons de faire et me sentais content même si je regrettais le Shotokan JKA."


- kj: "Enfin tu avais trouvé ta Voie."

- J.-M.: "Je l'ai presque cru mais j'ai vite compris l'erreur.
Tu sais bien qu'au Japon on va souvent boire un verre ou manger entre élèves après le dôjô, tu fais la même chose dans le tien. La première alerte a été l'insistance avec laquelle certains élèves me parlaient de religion à ces moments là. J'écoutais poliment mais je n'étais absolument pas intéressé. Je les trouvais trop enclins au prosélytisme à mon goût.
La deuxième, plus grave à mon sens, a été constituée par l'apprentissage obligatoire de prières au dôjô. Moi je voulais pratiquer tout simplement.
Je connais le dôjô kun que vous récitez en Kyokushin mais là ça prenait sur le temps d'entraînement de façon conséquente.
Comme j'arrivais à la fin de ma première année, on m'a parlé de passage de grade. Je ne courais pas après et je me contentais de mon premier kyû Shotokan.
J'ai dit d'accord mais on m'a rappelé l'obligation des prières et celle d'un stage au Honbu dôjô sur l'île de Shikoku.
Primo, je n'avais pas le temps de partir une semaine car j'ai une famille et je travaille.
Secundo, quand j'ai vu le programme j'ai compris: il s'agit plus d'une retraite à connotation religieuse et d'endoctrinement que d'une préparation à un examen telle que je la conçois.
Je suis protestant non pratiquant mais je refuse qu'on m'impose des croyances différentes des miennes. Quand j'ai expliqué tout ça à Reiko, elle s'est renseigné sur le Shorinji kenpô et m'a dit que certains de ses membres étaient dignes des meilleures sectes."


- kj: "Ils ne sont pas tous comme ça j'espère... J'ai un membre Japonais de mon site qui a pratiqué et même écrit un bon article."

- J.-M.: "Non, bien sûr. Mais je pense que le cercle rapproché du fondateur baigne là dedans. Tu sais, Ueshiba a fait la même chose avant de créer l'aikidô; Omôtokyô je crois...Quoiqu'il en soit, quand j'ai refusé tout ça j'ai tout de suite senti la mise à l'écart. Je n'ai pas insisté et j'ai arrêté; une déception de plus."


- kj: "Et la suite de l'histoire?"

- J.-M.: "En 97 j'ai trouvé un petit dôjô de iaidô pas trop loin de la maison. Je suis donc parti de rien et j'ai commencé à apprendre à dégainer le sabre. Et je me sens tellement bien maintenant...Pas de grade, un travail dans le calme et la sérénité, pas d'égos démesurés. Le dôjô ne fait aucune publicité et n'est répertorié sur aucun annuaire.
Les deshi sont normalement acceptés sur présentation d'un tiers. Je suis le seul étranger.
Le Sensei est un sixième dan dans une tradition proche de la Katori Shinto ryû. Il fait ça en plus car il dirige une petite entreprise familiale.
Pas de compétition, chacun travaille pour soi dans une bonne ambiance. Le bonheur quoi.
Cela étant dit, le karate me manque et j'envisage maintenant de retourner à la JKA, en parallèle au sabre.
Je continue à travailler les kata et si je peux conjuguer les deux pratiques j'aurais vraiment trouvé ma Voie. Au bout de vingt ans au Japon, il était temps. Mieux vaut tard que jamais.
En tout cas, si j'ai un conseil à donner aux membres de ton site, surtout aux jeunes, ne vous précipitez pas en arrivant au Japon, tout ce qui brille n'est pas or comme dit le proverbe. Vous pourrez trouver un bon Sensei, c'est mon cas mais n'hésitez pas à regarder ailleurs. Ne vous enflammez pas et ne vous laissez pas embarquer dans des situations difficiles par manque d'expérience. Au contraire, servez vous de celles des pratiquants qui vous ont précédé.
En tout cas Tôkyô est la ville rêvée pour pratiquer les Arts Martiaux."

Les propos tenus dans cet article sont de la seule responsabilité de leur auteur.
Dernière édition par karatejapon le Jeu Nov 04, 2010 3:20 pm, édité 1 fois.
karatejapon
Admin
 
Message(s) : 5519
Inscription : Mar Août 15, 2006 10:48 am

Message par tarek » Jeu Nov 04, 2010 3:09 pm

Article intéressant.

Osu!
tarek
 
Message(s) : 106
Inscription : Mer Mars 17, 2010 7:55 pm
Localisation : Paris

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