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Enseignants Japonais à l'étranger

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Enseignants Japonais à l'étranger

Message par karatejapon » Jeu Sep 07, 2006 10:53 pm

Les enseignants Japonais à l'étranger sont plutôt nombreux.
Mais au delà de l'hexagone qu'en est-il? Comment sont ils perçus dans l'archipel? Suivent ils une tradition ou vivent ils en autarcie?

Les Etats Unis sont un des pays qui accueillent le plus de professeurs Nippons sur leur sol. Ce qui est, somme toute, fort logique au regard de l'Histoire contemporaine et de la taille du territoire américain.
D'autres nations, en Europe par exemple, n'abritent que quelques sensei Japonais occupant une place de choix dans la communauté des Arts martiaux de leur pays d'accueil.

La Nihon Karate Kyoukai, plus connue en dehors du Japon sous l'acronyme JKA, a été le premier groupe à se développer à l'étranger suivant en cela l'exemple des entreprises nippones, créant des branches au sommet desquelles on trouve un responsable.
Le Shotokan karatedô s'est ainsi installé dans le monde entier (ou quasiment) avec une représentativité accrue dans certaines nations comme la France, l'Allemagne ou l'Afrique du Sud par exemple.
Ce développement mondial dès les années 1960 a bien entendu fait des émules. Ainsi - pour rester parmi les Ecoles les plus importantes - la Kyokushinkai a-t-elle emboîté le pas à sa rivale et envoyé des "ambassadeurs" à travers le monde.
D'autres groupes moins importants en ont ensuite fait de même de façon moins systématique.
Néanmoins, cet état de fait a entraîné l'apparition de "chasses gardées" avec des potentats locaux omnipotents, parfois jaloux de leurs prérogatives et antériorité.
En soit tout cela est louable et sert objectivement les pratiquants hors du Japon. Mais - car il y a un "mais" - le tableau n'est pas aussi rose qu'il y parait de prime abord.
En effet, de nombreux pratiquants seraient bien surpris de connaître l'avis des organisations mères au Japon sur leur Sensei. Pire, des innocents ("à l'insu de leur plein gré" pour certains), restent persuadés de suivre une tradition nippone établie et transmise par leur professeur.
Si c'est heureusement souvent le cas, parfois il n'en est rien.

Il fut une époque pas aussi reculée où il suffisait d'avoir les yeux bridés pour se voir qualifier de "maître" en Arts Martiaux. Le karate n'a bien sûr pas échappé à cette dérive.
Ainsi de jeunes Japonais, pas toujours mandatés par les groupes sérieux cités plus haut, sont arrivés dans des pays où le karate était peu connu, voire inconnu.
Les "foules ignorantes" se sont prosternées aux pieds des ces Nippons parfois doués mais pas nécessairement très compétents car peu anciens. Si l'on ajoute à cela le fait que les Japonais sont passés maîtres (encore ce mot!) dans l'art de la mystification, on apprécie mieux tout ce qui peut en découler. Des mystificateurs et autres charlatans se sont ainsi octroyés une position de choix dans plusieurs pays.

Au delà de cette réalité historique qu'il est bon de rappeler (ou taire c'est selon), il est intéressant de cerner ce qu'en pensent les Japonais du Japon.
Là, le spectre des attitudes est assez réduit. Cela va de l'indifférence la plus totale (parfois feinte bien sûr) à la revendication de l'appartenance de tel ou tel professeur à un groupe ou féfdération. Bien souvent, les "célébrités" sont reconnues selon leur degré de popularité sur "leur territoire". La publicité rapporte et l'argent n'a pas d'odeur, c'est bien connu.

Pour être tout à fait honnête, plusieurs de ces expatriés sont d'excellents professeurs et des karateka de grande valeur. Leur réussite attise d'ailleurs les jalousies au Japon. Qui plus est, quand ils ont créé leur propre organisation à l'étranger et se sont ainsi désolidarisés de leur alma mater, la rupture est consommée.

Quelques groupes jouent un jeu plutôt trouble quant à leurs relations avec ces dissidents.
Le cas du Kyokushinkaikan vis à vis de l'organisation indépendante dirigée par Oyama sensei aux Etats Unis est éloquent à ce propos. Des compétiteurs fréquentent les tournois des deux organisations et sont revendiqués par ces mêmes groupes quand ils obtiennent des succès importants. D'un autre côté on s'ignore superbement sur le plan officiel. Seuls l'argent et la renommée comptent.

Certaines petites Ecoles attendent de voir comment un de leurs membres s'en tire dans son nouveau pays avant de le reconnaître et l'adouber en tant que représentant "officiel". Mais tout cela est bien normal car les Arts Martiaux représentent avant tout un commerce comme un autre (ou presque), n'est ce pas?

Revenons quelque peu aux simples pratiquants.
A moins d'aller au Japon, d'en parler la langue et bien observer la situation, il est difficile de savoir avec exactitude à qui l'on a affaire dans certains cas. De nombreux pratiquants croient sincèrement suivre une tradition ancienne mais, bien souvent, celle ci trouve ses origines dans les idées toutes personnelles du professeur, bien loin du Japon.
Nouveaux kata, nouvelles formes de travail, modifications des couleurs de ceintures et de dôgi, changements dans les saluts, j'en passe et des meilleurs. On voit de tout. Si tout cela n'est pas répréhensible en soi il vaut quand même mieux se garantir contre les appellations d'origine non contrôlées. Mais, surtout, il faut être conscient du fait que ces pratiquants expatriés n'ont souvent plus de liens organiques ou autres avec leur pays d'origine.
Pour ceux dont la position dominante est bien assise les risques sont multiples. Ayant généralement quitté le Japon en tant que pratiquants peu expérimentés, ils deviennent des self made men dont le niveau n'ira pas nécessairement en progressant. Leurs élèves ont trop tendance à les idéaliser se méprendre ainsi sur le niveau et l'omnipotence de leur "maître".

Les scissions avec l'organisation mère dans l'archipel sont logiques car le désir d'émancipation est légitime. Personne ne souhaite être inféodé et l'esprit créatif prend ainsi toute sa dimension. Malgré tout, n'est pas créatif qui veut.
Loin de nous l'idée de critiquer qui que ce soit ou porter des jugements de valeur mais il existe tout de même des exemples révélateurs.
Les pratiquants anciens se souviendront de Nanbu Yoshinao Sensei.
Ce jeune Japonais arriva en France et entama une brillante carrière de compétiteur au niveau national. Alors deshi de feu Tani Chôjiro Sensei, fondateur du groupe Shukokai, il décide de quitter son Sensei afin de fonder sa propre mouvance baptisée Sankukai.
Ses élèves le suivirent pour certains d'entre eux, au risque de se couper des racines japonaises, du moins en partie.
Par la suite il abandonna plutôt abruptement sa pratique afin de créer le nanbudô, nommé ainsi à partir de son propre patronyme. Là encore des élèves suivirent au risque de se perdre totalement.
Nous avons eu l'opportunité de converser avec deux de ses anciens élèves, période Sankukai.
Sans lui en vouloir vraiment, ils reprochent tout de même à leur ancien professeur de les avoir laissés en plan, sans lignée susceptible de survivre.
Inutile de vous préciser en quels termes des membres de la Shukokai en parlent au Japon. Surtout à propos des kata en chanson, des pantalons de dôgi à pattes d'éléphant et autres taisô (gymnastique) spécifique. Les malheureux élèves n'ont bien entendu aucun crédit au Japon, à tort pourcertains d'entre eux.
Bien entendu, tout ce qui précède concernant Nanbu Yoshinao Sensei ne remet aucunement en cause ses qualités indéniables. Il s'agit d'un simple constat.

Un autre bon exemple est celui de Kubota Takayuki Sensei, aux Etats Unis.
Ce dernier est un inventeur né. Il fabrique des armes style porte clé grand modèle pour la self defense qui connaissent un succès honorable outre Atlantique. Ses photos ornent régulièrement les pages de la presse spécialisée. Hollywood l'a même sollicité pour des doublages et rôles mineurs.
Il a créé une tradition qui perdurera certainement après sa disparition mais elle n'est plus totalement japonaise.
Vivant depuis plusieurs décennies aux Etats Unis, Tak (son surnom) s'est totalement coupé du Japon où il n'est connu que des spécialistes qui lisent les magazines d'Arts Martiaux.

Une autre célébrité aux Etats Unis est sans conteste Demura Fumio Sensei. Enseignant le Shito ryû karatedô et quelques armes du kobudô okinawaïen, il a débuté avec un groupe de démonstration auquel appartenait l'acteur/aikidoka Steven Seagal, dans les années 1970.
Il a doublé des stars de Hollywood et a même affronté Sean Connery et Wesley Snipes à l'écran ("Rising sun/"Soleil levant", version édulcorée d'un roman de Michael Chrichton)
Très populaire et respecté dans son pays d'adoption - et en France depuis sa participation à un Festival des Arts Martiaux au P.O.P.B. - son enseignement n'est pas vraiment reconnu au Japon. Les kata modifiés et enseignement adapté aux pratiquants Américains ont le don d'agacer les traditionalistes Nippons.
A notre connaissance, un seul groupe le reconnaît comme membre à part entière, en rappelant surtout ses mérites au cinéma et sa popularité établie.

Vous comprendrez à la lecture de ces lignes que les choses sont rarement aussi simples qu'elles paraissent l'être.
Cet article n'a aucun but diffamatoire et ne prétend apporter aucune vérité absolue. Simplement, soyez vigilant ("zanshin" en japonais) quant à ce que l'on vous dit et ce que vous lisez. Réfléchissez afin d'éviter les pièges. Surtout interrogez vous sur le sens même du mot "tradition", largement galvaudé dans le monde des Arts Martiaux.

Nous conclurons par cet adage amplement vérifié: "En Arts Martiaux rares sont ceux qui connaissent. Et ceux qui connaissent ne parlent pas".
Votre webmestre ne connaissant pas grand chose...il écrit.
karatejapon
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Inscription : Mar Août 15, 2006 10:48 am

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