par karatejapon » Jeu Fév 20, 2020 9:25 pm
Comme de coutume, le camp d’hiver débute, en intérieur, par le cours de Matsui Shokei Kanchô.
Cette année, les cinq Shihan présents, tous promus au grade de sixième dan lors de ce kangeiko, ont été conviés à rejoindre le Kanchô et Goda Yûzô Shihan sur l’estrade qui surplombe la grande salle convertie en dôjô pour l’occasion.
Nous vous proposons ci-dessous nos traductions des paroles du Directeur mondial du Kyokushinkaikan qui, comme à son habitude, intervient beaucoup pour diverses explications. Ne cherchez pas d’ordre particulier qui n’existe tout simplement pas car le Kanchô, très réfléchi au demeurant, s’exprime au profit de tous, selon ce qu’il observe au sein de la centaine de participants, suivant les différentes phases de cet entraînement plus qu’enrichissant selon notre ressenti.
« Le principe de travail aujourd’hui sera basé sur cent répétitions d’une ou plusieurs techniques, jusqu’à cinq enchaînées. Restez concentrés et évitez de vous laisser aller parce que vous êtes fatigués. C’est ce qui fait la différence entre un budô et des mouvements sans signification. Le sport, la danse ou autres sont très bien mais ce n’est pas ce que vous vous avez choisi. Vous devez donc prendre sur vous et vous pousser physiquement et mentalement.»
« Soyez conscients de chaque technique exécutée. Ne vous laissez pas porter par une sorte de flot continu. Même dans une longue série qui doit, bien évidemment, rester fluide, chaque technique est unique. Vous devez la vivre comme si vous n’en exécutiez qu’une. Oyama Masutatsu Sôsai insistait beaucoup sur cet aspect du idogeiko et du kihon. »
« Vous savez, je me rappelle de nombreux cours sous la direction de Sôsai où j’étais exténué et j’essayais de m’économiser physiquement. Quand Sôsai me voyait lâcher prise ainsi il me tançait et me rappelait mes buts. Pour devenir un combattant de premier plan il faut faire le maximum en tout, ne jamais s’écouter. C’était difficile pour moi car j’étais encore jeune et je ne comprenais pas tout mais je sais qu’il avait raison. Avec l’expérience, au bout de quelques années j’ai pu me ressaisir quand j’étais épuisé et aller toujours un peu plus loin. C’était une sorte de combat permanent. Je sais que c’est difficile mais, quel que soit la ceinture que vous portez, vous devez faire de votre mieux et si une technique est trop molle, la suivante doit être plus forte, c’est impératif. Il ne faut jamais perdre le fil. Cette détermination m’a servi et vous devez la rechercher. »
S’adressant directement à Ueda Mikio, récent vainqueur du World Open, à côté de qui nous nous trouvions, en première ligne avec les autres Sensei:
« Ueda, tu es champion du monde et tu as beaucoup travaillé pour arriver à cette réussite mais tu dois continuer et t’impliquer dans chaque technique. Je sais que tu as pris du poids et que tu es encore fatigué de tous tes efforts mais il ne faut jamais être complaisant.
Vous savez, quand j’étais compétiteur je prenais peu de repos et j’enchaînais les blessures qui n’avaient pas le temps de guérir car Oyama Sôsai me poussait toujours. Je trouvais ça très dur et dans ma tête je me disais que j’en avais assez. Avec le recul, même si ce n’est pas toujours bon pour le corps, mon esprit s’est endurci. Je suis devenu plus fort avec une détermination sans faille. C’est venu progressivement mais il n’y a pas d’autre solution pour atteindre des buts élevés. »
« Nous subissons tous des échecs dans la vie, c’est ainsi. Le karatedô ne fait pas exception mais vous devez savoir vous remettre en question et ne jamais abandonner. Vous connaissez tous le fameux Never give up! du Kyokushin karate. Dites-vous que ça fonctionne dans la vie quotidienne.
Je n’ai pas gagné le World Open tout de suite. J’ai du m’accrocher et justement ne jamais abandonner plutôt que de me contenter de peu. Sôsai me connaissait mieux que je ne me connais moi-même. Il savait quand j’avais besoin de ses paroles pour me motiver. N’oubliez jamais que vous devez trouver cette force et cette détermination au fond de vous. Il n’existe pas de bon pratiquant sans un esprit et un cœur fort. »
« Cherchez la technique la plus pure possible. Pas pour des raisons esthétiques mais bien parce que l’efficacité vient aussi de là. Je me souviens de Midori Shihan et Royama Shihan quand nous suivions les cours de Sôsai. Leur technique était belle à regarder mais surtout puissante et efficace. Vous devez rechercher l’amélioration permanente. Réfléchissez y et pratiquez sans relâche dans cette optique. Pour vous, les Sensei, vous devez aider vos deshi dans ce sens et appliquer cette idée à vous mêmes. Dans vos dôjô vos élèves doivent tendre à l’excellence technique, ne les laissez pas se contenter de peu. Mettre du temps pour y arriver est normal, ça dépend de chacun mais c’est votre volonté et votre attitude qui feront la différence. »
« Je veux mettre l’accent sur la verticalité du corps. C’est un point technique essentiel en karate. Qu’il s’agisse de kumite ou de kihon, vous devez impérativement chercher la verticalité comme en kata. En combat, il est clair qu’il faut s’adapter selon les situations mais, par principe, chercher cette attitude corporelle est nécessaire. En boxe on peut se permettre de tordre son corps dans tous les sens mais pas en karate pour l’aspect technique.
Depuis le début de l’entraînement j’en vois certains qui n’ont pas du tout cette notion alors corrigez dès à présent ce point. Imaginez que votre kihon est un kata et alors vous ne pencherez pas votre buste exagérément. Si vous le faites, soyez certains que vos techniques perdront en puissance, particulièrement les keri waza. Aussi, en combat, une verticalité correcte du corps permet de démarrer rapidement et de façon décisive. C’est ce qui m’a permis de nombreux contres en gedan mawashigeri. »
« Parfois je regarde des vidéos de mes combats sur internet et je me prends à relever tout ce que je n’ai pas bien fait. A l’époque où je combattais il n’y avait pas d’internet. Le seul retour était celui de mes senpai. Profitez des possibilités qui vous sont maintenant offertes pour vous améliorer. Pour vous les Sensei, soyez dans la critique constructive et aidez vos élèves à chercher d’eux mêmes l’amélioration. Nous n’avons pas tous les mêmes possibilités physiques mais nous pouvons tous chercher à nous améliorer. Moi je regardais toujours Oyama Sôsai et j’écoutais ce qu’il disait. Souvent je me disais que je n’y arriverais jamais mais j’avais tort. A titre individuel vous devez travailler à peaufiner votre technique et ne pas se cantonner dans ce qui vous est facile. »
« Chacun à son niveau peut se fixer des buts atteignables, même Ueda. C’était très bien de gagner le World Open mais on peut toujours faire mieux. Cela veut dire améliorer son propre karate sur les plans technique et mental. Il n’y a pas de fin dans les budô. J’ai pu parler avec des Sensei d’Okinawa très âgés et j’ai compris que rien n’était bloqué arrivé à un certain niveau. Même si les progrès semblent très limités, ils existent. C’est à vous de les rechercher, sans jamais croire que vous êtes arrivés au sommet. C’est une idée très importante dans les budô. En Chine les vieux professeurs de kung fu agissent de même. En sumo aussi vous savez. Pratiquez sans relâche, prenez des exemples et travaillez pour vous améliorer de façon continue. »
Comme toujours, nous restons seul responsable des erreurs éventuelles de traduction et de compréhension des propos de Matsui Shokei Kanchô.
Nous espérons que cet article vous intéressera, que vous y trouverez matière à réfléchir et renforcer votre pratique.