par karatejapon » Dim Sep 03, 2006 5:11 pm
Avez vous noté l'influence de la mode dans les dôjô de karate hexagonaux?
Non? Et pourtant...
Depuis la dernière décennie, certainement influencés par les photos dans la presse spécialisée, un certain nombre de pratiquants sacrifient à certaines modes.
Les Japonais suivent ils, eux aussi, le mouvement ou bien l'authenticité et la tradition restent elles de mise?
Si vous n'avez rien remarqué sur les effets d'une quelconque mode, je vous suggère de bien regarder les karategi des compétiteurs kata Français à haut niveau.
Observez aussi les diverses publicités pour les "karategi spécial kata"(?!). Vestes très longues et ceintures extra longues afin de renforcer l'impression d'amplitude des mouvements du bassin. On frise le ridicule (qui ne tue pas c'est bien connu mais éloigne de l'esprit du karate originel à coup sûr).
Le (pseudo) modèle kumite (combat) est donc coupé différemment...
Pour l'anecdote on peut également citer les kata dits "artistiques". Là c'est carrément le délire venu des Etats Unis où l'on voit de tout en matière de karategi: de la toile imprimée façon bannière étoilée à la photo de Bruce Lee dans le dos en passant par la toile type canadienne (à carreaux) et les dôgi rouges vifs. J'en passe et des pires.
Je vous rassure, les "traditionnalistes" restent quand même nombreux outre Atlantique.
Et au Japon vous demandez vous?
Les pratiquants du Pays du Soleil Levant doivent se souvenir que le karategi est une adaptation du jûdôgi (tenue d'entraînement pour le judô) car la sobriété est - généralement - de mise.
On pratique donc en blanc au Japon.
Bien entendu, chaque ryû ou groupe possède son modèle de karategi privilégié. Les fournisseurs Japonais proposent, en effet, des modèles prédeterminés par les diverses associations qu'elles équipent prioritairement.
Si vous passez par Tôkyô faites donc un tour chez Shureidô où le staff vous conseillera selon les prescriptions de votre ryû.
La société Tôkaidô vous accueille avec un tableau/répertoire des modèles correspondant à votre groupe. Pratique quand on ne parle pas japonais. Dites leur "JKA" et ils vous sortiront le modèle en vigueur jusqu'à l'écusson de poitrine et aux broderies.
Les karategi de la Kyokushinkai ont déjà souvent des manches coupées courtes.
Selon que vous apparteniez à la Wadô Ryû Karatedô Renmei ou à la Wadôkai, vous aurez droit à des modèles aux insignes de poitrine différents. Il en va de même pour le système de ceinture du pantalon. Goju ryû? Branche japonaise ou okinawaïenne? Pas de problème, ils ont de tout pour tout le monde.
Nous ne parlons pas volontairement de la tenue d'entrainement du Shorinji kenpo qui possède une signification liée à une tradition, partiellement religieuse. Pas d'effet de mode ici.
Alors si nos vieux karategi tout simples sont suffisants pour pratiquer, pourquoi chercher de nouveaux modèles?
Les multiples associations de karate japonaises veulent se différencier les unes des autres, tout simplement. Gagner de l'argent aussi, accessoirement.
Néanmoins, comme indiqué plus haut, ces différences s'expriment dans le respect d'une tradition.
Mais - car il y a un "mais" - qui donc a, le premier, imaginé une modification importante du karategi? Un Japonais (bien sûr!).
Nanbu Yoshinao Sensei, ancien membre de la Shukokai (branche du Shito ryû karatedô), quitta un beau jour son Ecole et son Sensei (feu Tani Chôjiro Sensei dont il était un successeur potentiel), afin de créer sa propre synthèse.
Se lançant dans le Sankukai karate il élabore ensuite le Nanbudô (au moins on sait qui est le créateur avec un nom pareil!).
Par une belle soirée des années 80, au Cirque d'hiver de Paris, lors des "Championnats du monde de nunchaku de combat" (pas grand chose à voir avec l'arme du kobudô d'Okinawa), Nanbu Yoshinao Sensei surprend son monde par sa gymnastique (taisô) chantée et ses pantalons à..."pattes d'éléphant".
Les années 70 et leurs modes appartenaient déjà au passé mais Nanbu Yoshinao Sensei et ses élèves montraient, pour la première fois au grand public, des pantalons à mi- chemin entre le "vrai" karategi et le hakama des aikidoka. Dont acte.
Mais si on nous sert des modes à l'envi c'est que les consommateurs que nous sommes achètent. Logique non?
D'ailleurs, spécifiquement en karate, le mimétisme est de rigueur. On se doit de copier "le Maître" pour appartenir au groupe.
Des exemples?
Nous avons vu un professeur, membre de la Shukokai (évincé depuis pour de sombres problèmes financiers) qui, lors d'un stage en France, inscrivait les noms des élèves sur une manche du karategi, au feutre indélébile.
Les mois suivants, au fur et à mesure des achats de nouveaux karategi, les noms brodés fleurissaient sur les manches. C'était devenu les signe d'appartenance à une mouvance alors qu'au Japon les noms s'inscrivent à des endroits bien précis du dôgi, pas comme la publicité d'un sponsor.
Pour l'anecdote, ce professeur n'avait, lui, rien d'inscrit sur ses propres manches.
Un autre exemple de mimétisme?
Otsuka Jiro (dit Hironori) Sensei, responsable de la Wadô Ryû Karatedô Renmei ne laisse pas les bouts de sa ceinture tomber au milieu, il les repasse par dessus ladite ceinture.
Et bien, vous n'allez pas le croire, mais il est curieux de constater le nombre de participants à ses stages qui en font de même après coup. Sans savoir pourquoi d'ailleurs.
Au Honbu dôjô de Nerima ku (grande banlieue de Tôkyô) il n'en va pas de même.
Shiomitsu Masafumi Sensei, membre du groupe ci-dessus mentionné, porte une ceinture blanche car, selon lui l'apprentissage n'est jamais achevé. Là aussi l'effet de mimétisme joue à plein car nombre de participants à ses stages en font de même, spécialement les "maîtres en devenir".
Si tout ça n'est pas de la mode ou de la coquetterie (nous n'osons pas dire de la bêtise quoique pour certains...) alors nous ne savons pas de quoi il s'agit.
Et pour clore cet article léger (du moins en lecture de premier niveau) éloignons nous un peu du karate pour conter une anecdote savoureuse sur la mode (et la crédulité).
Il y a une dizaine d'années, un magazine américain présentait une publicité pour des tenues d'entrainement de jeet kun do, la synthèse martiale de l'acteur Sino-Américain Bruce Lee.
En fait la star du "cinéma kung fu" avait toujours prôné une totale liberté concernant le tenue d'entraînement; premier problème donc.
Second problème, les supposées tenues d'entraînement étaient des combinaisons de moto portées lors du dernier film - inachevé - de l'acteur.
Il n'empêche que l'article en question s'est vendu à plus de 10000 exemplaires aux Etats Unis en quelques mois.
La publicité pour le même vêtement est ensuite arrivée en France. Sur la photo, parue dans une revue française, le mannequin en tenue jaune très "seventies" prenait une pose "à la Bruce Lee".
Alors la mode dans le karate...mieux vaut en rire, ce qui était le but de cet article.
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karatejapon le Dim Nov 23, 2008 8:51 pm, édité 7 fois.