La majorité des pratiquants non Japonais idéalisent bien souvent les Sensei du Pays du Soleil Levant.
Si le karatedô reste avant tout un Art Martial nippon, il ne suffit pas d'avoir les yeux bridés et un passeport japonais pour s'ériger en "Maître".
Nombreux sont ceux qui profitent de cette méconnaissance de la réalité japonaise. Les charlatans, mystificateurs et autres mythomanes existent aussi là-bas.
Pourquoi? Simple: l'argent, la notoriété, le culte de la personnalité, un égo flatté et démesuré. Voila une liste non exhaustive des motivations inavouées.
Voyageant beaucoup, nous avons la possibilité de visiter de nombreux dôjô à travers le monde et la saisissons. Nous profitons de voyages et entraînements fréquents au Japon pour vérifier certains dires. Et là les surprises ne sont pas rares.
Quelques exemples? Aucun problème car, comme les membres du site le savent déjà, le politiquement correct n'est pas le point fort de karatejapon.
Il y a quelques années nous avons rencontré un "maître" Japonais lors d'un vol entre Tôkyô et Paris.
Si nous parlons de "maître" c'est que cette personne s'est présentée sous ce qualificatif, en anglais ("master") avant que nous n'utilisions le japonais au cours de notre conversation.
Après quelques verres le bonhomme en question nous déclara qu'il venait de prendre les rênes d'un groupe ayant pignon sur rue au Japon et plusieurs branches à l'étranger.
Si, par la suite, nous avons pu vérifier ses dires grâce à des relations sur place, c'est la forme qui nous a interpellé.
Autant la courtoisie est de mise quand un enseignant Nippon parle d'un des ses pairs autant, là, ce mot semblait inconnu.
Nous ayant questionné sur notre pratique et nos Sensei, ce professeur n'a eu de cesse que de "démolir" tout ce à quoi nous adhèrons dans la pratique martiale. Sa technique était la meilleure, la plus efficace, etc.
Rapidement nous est venu à l'esprit le proverbe asiatique disant que "Celui qui sait ne parle pas". Là, visiblement, le "maître", ne savait pas grand chose à part manier l'autosatisfaction avec un talent certain, il faut bien le reconnaître.
Alors que nous ne nous connaissions que depuis quelques heures, cet individu nous tout bonnement proposé de le représenter en France car, affirmait-il, ses élèves dans ce pays n'avaient "pas le niveau" et "ne venaient pas assez souvent au Japon". Belle preuve de loyauté et de sérieux...
Pour la petite histoire nous avons décliné l'offre mais promis d'aller visiter son Honbu dôjô.
En retournant au Japon le mois suivant nous avons appris que ce monsieur avait été nommé à son poste parce que le remplaçant, désigné après la mort du responsable, était empêtré dans des problèmes avec la justice de son pays. Des malversations financières diverses étaient à l'origine de ces démêlés judiciaires.
Cette anecdote a trouvé son épilogue quelques mois plus tard lorsque nous avons appris (par une amie Japonaise) que cette personne se présentait de notre part pour obtenir certains avantages matériels et recruter des élèves venant d'autres Ecoles.
Nous, modeste pratiquant inconnu du grand public, servions de caution morale, notamment auprès de certains membres de la communauté nippone en France que nous fréquentons.
Une pénible conversation téléphonique à mis fin à cette triste histoire.
Un autre exemple?
Un professeur Japonais enseignant en France et se prévalant d'un grade élevé est inconnu d'un des Sensei parmi les plus respectés de son Ecole à Tôkyô. Etrange n'est ce pas?
En fait c'est tout simple. Ce pratiquant a, par un tour de passe passe, obtenu un grade plus élevé en France que celui qu'il avait dans son pays.
Là bas il n'était qu'un élève parmi beaucoup d'autres et nullement mandaté pour venir enseigner dans l'hexagone où une petite troupe bien éduquée lui sert du "maître" à l'envi.
Une confrontation verbale avec certains de ses élèves "avancés" (pas dans leur tête en tout cas) lors d'un stage a éliminé les derniers doutes de notre esprit.
Lors du travail de kata supérieurs, votre serviteur s'est vu reprocher des "erreurs surprenantes à votre niveau".
Nous contentant de reproduire ce que notre Sensei nous a inculqué au Japon, nous avons émis quelques doutes sur la version de leur professeur puisque se réclamant de la même mouvance. Nous y avons mis les formes, croyez le bien.
Mais après ce crime de lèse Sensei, on nous a fait comprendre que nous n'étions pas le bienvenu pour la suite du stage après le déjeuner.
Nous avons donc plié le keikogi et sommes rentré chez nous, tout content d'avoir appris quelque chose sur l'état d'esprit de certains.
Un troisième exemple qui nous vient à l'esprit est celui d'un "éminent" professeur Français dont le Sensei au Japon - il y a bien longtemps - a beaucoup ri quand nous avons mentionné son grade actuel.
Là aussi, la belle histoire de l'entraînement au Japon l'était beaucoup moins que la version circulant en France.
Un autre artiste de la mystification est une figure connue du monde des Arts Martiaux hexagonaux. Ses écrits paraissent régulièrement dans la presse spécialisée (les connaisseurs saisiront de qui nous parlons).
Celui là a tout fait, pratique tout (et rien?). Il est facile d'écrire depuis le Japon en donnant l'impression de connaître. Encore faut-il bien recopier ce que l'on a lu dans les guides touristiques. Nous relèvons régulièrement des erreurs grossières sur les lieux cités. Sans même parler de sa présumée connaissance de la langue japonaise.
Affligeant pour le moins.
Et pour conclure cet article, parlons un peu des "mystificateurs totaux" dont un aperçu nous a été offert aux Etats Unis, au début des années 1990.
Un de ces charlatans (au Texas) se présentait comme le successeur d'une longue lignée de "Maîtres" (que lui seul connaissait bien entendu) dont il avait obtenu un grade élevé et les "secrets" de l'Ecole".
Problèmes: Un japonais "de cuisine" après des années au Japon? Incapacité à situer le Honbu dôjô? Impossible de nommer un seul des Sensei de la "longue lignée de "maitres" l'ayant précédé?
Mieux vaut en rire.
Vous voilà prévenus; alors attention aux appellations d'origines non contrôlées. Il ne suffit pas d'être Japonais ou de s'être entraîné sur place pour s'ériger en référence. Tout ce qui est bridé n'est pas "maître".
A bon entendeur, salut.