par karatejapon » Mar Juin 30, 2009 6:00 pm
Qui mieux placé qu'un étranger (compétent) vivant au Japon pour parler du karatedô?
Nous en connaissons un personnellement et il était grand temps de lui poser des questions pour vous, chers membres. Notre invité aujourd'hui n'est autre que l'Instructeur Arménien, Artur Hovannisyan Sensei.
Celles et ceux qui se contenteront de l'article paru voici plusieurs mois dans les colonnes d'un mensuel français peuvent passer leur chemin. Les autres pourront éventuellement comparer mais, surtout, apprendront certaines choses, du moins nous l'espérons.
Après nous être vus lors du tournoi All Japan organisé à Ôsaka voici trois semaines, nous nous sommes entretenus dans un restaurant d'Ikebukuro, tout en nous délassant après un entraînement, la semaine dernière.
Nous vous proposons donc les points les plus intéressants de notre conversation.
- kj: "As-tu bien récupéré après l'épreuve des 100 combats?"
- A.H.: "Pas vraiment...J'avais besoin de me relaxer pendant un mois minimum et je comptais reprendre mon entraînement personnel au bout de trois mois. Mais avec le bébé tout récemment arrivé je dois aider ma femme et m'occuper de mon aîné. Je ne dors pas beaucoup la nuit avec les pleurs et les biberons...C'est dur..."(grand sourire du Sensei).
- kj: "Et au niveau du dôjô?"
- A.H.: "Là c'est vraiment dur car je n'ai eu qu'une semaine complète de repos. Après j'ai du reprendre les cours. J'espérais avoir un mois libre, au moins. Mais ce n'est pas moi qui décide." (Eclat de rire).
En plus j'ai donné des cours à la place de Fukuda Shihan (Fukuda Isamu Shihan, Chef Instructeur du honbu dôjô) car il ne peut pas encore faire tout comme avant, même si ça va beaucoup mieux.
Aussi je m'occupe des tournois nationaux, pour la préparation des combattants du dôjô."
- kj: "Tu n'aides pas pour l'entraînement des têtes de séries aux championnats du monde en août?"
- A.H.: "Impossible, je n'ai pas le temps et de toute façon c'est Narushima (Narushima Ryû Sensei) qui s'en occupe. C'est plus facile car ils sont tous Japonais."
- kj: "Qui a décidé des responsabilités de chacun?"
- A.H.: "Kanchô (Matsui Shokei Kanchô, Responsable du Kyokushinkaikan). En fait il a changé pas mal de choses dans l'organisation au début 2008, après le World Tournament. Il était mécontent des résultats et a redistribué les rôles.
Moi je suis chargé des combattants du dôjô pour le niveau national et je dois aussi participer aux démonstrations, comme l'autre jour lors du All Japan."
- kj: "Dis moi, il n'a pas l'air très sympathique Narushima...On se salue mais il ne m'adresse jamais la parole alors que les autres sont amicaux."
- A.H.: "Il est toujours comme ça...Je crois qu'il est un peu timide et en plus il a beaucoup de pression de la part de Kanchô. Maintenant que son bureau est juste à côté...Mais, bon, je crois qu'il t'aime bien parce que tu parles japonais et tu es toujours poli. Et puis tu as suivi son cours, ça a été non? Essaye de parler avec lui la prochaine fois."
- kj: "Oui mais impossible d'engager une véritable conversation..."
- A.H.: "Bah, il est comme ça mais je crois vraiment qu'il a beaucoup de soucis et que Kanchô est toujours derrière lui. En ce moment l'ambiance est pas terrible au dôjô, comme tu le sais."
- kj: "As-tu des projets pour les années à venir?"
- A.H.: "Oui...mais je ne sais pas encore. Ca dépend de beaucoup de choses. Pour le moment je reste ici car il n'est pas question de partir avec un bébé.
J'ai plusieurs possibilités mais rien de concret à ce jour.
Soit je reste ici encore quelques années soit Kanchô m'enverra ailleurs, peut être comme Branch Chief. Mais là c'est un problème car je dois d'abord obtenir le yondan. Et puis, tu sais bien, ceux déjà en place ne voient pas ça d'un bon oeil. Peut être...bon...que je partirai pour développer la Kyokushinkai en Arménie et les pays proches. Ou alors devenir responsable pour une partie de la Russie mais dans ce cas je voudrais être basé à Moscou. J'ai habité dix ans là bas, je parle russe, j'y ai des amis et des relations. Ce serait mieux pour mon avenir et celui de ma famille.
Mais, de toute façon, j'irai où on me dira d'aller. Ce n'est pas moi qui décide et pour le moment je suis bien ici. Même si la langue est dure - et ne te moque pas de moi comme d'habitude! (éclat de rire partagé) - la vie est plutôt bonne au Japon. Mon fils va à l'école près de chez nous, Nushi (l'épouse du Sensei) est contente. Alors ça va pour nous. C'est propre, pas dangereux, ça nous va bien. Alors j'attends."
- kj: "Comment s'est passé le hyakunin kumite?"
- A.H.: "Pas mal mais j'étais vraiment fatigué après. Pas seulement physiquement mais j'avais besoin de faire une grosse coupure. Je manquais de sommeil et je n'avais fait que m'entraîner durant deux mois. Avec les cours a assurer en plus et m'occuper de ma famille, bien sûr."
- kj: "Quels ont été les combats les plus durs?"
- A.H.: "Les derniers! (rires du Sensei). Bon...Peut être Feitosa (Glaube Feitosa Sensei, combattant du K1 et ancien champion Kyokushinkai). Regarde, j'ai encore une marque sur le front! (Plaisanterie du Sensei). Sinon Filho (Francisco Filho Shihan) et aussi quelques poids lourds Japonais mais pas tous.
En fait le plus dur est dans la tête. Il fallait rester concentré pour ne pas prendre trop de coups. Sinon tu ne peux pas aller au bout. Oui...c'est surtout ça...bouger, regarder et ne pas se précipiter. C'est la gestion pendant l'épreuve qui est délicate. Le reste du travail est fait avant.
Je sais que des gens étaient étonnés parce que je suis resté à l'hôpital jusqu'au lendemain mais c'est normal. J'étais déshydraté et il fallait soigner les ecchymoses. Mais, au global, je n'avais pas de blessures importantes. C'était comme après un entraînement long et dur; tu n'en sors pas intact et c'est tout à fait normal."
- kj: "As-tu eu le temps de regarder le magazine que je t'ai laissé l'autre fois (Karate Bushido)?"
- A.H.: "Oui j'ai regardé. Merci pour la traduction mais je ne vois pas pourquoi ils m'ont qualifié de légionnaire...Rien à voir avec mon parcours. C'est comme d'habitude, il faut attirer les lecteurs."
- kj: "L'interview s'était bien déroulée?"
- A.H.: "Oui...C'était assez sympa mais moi, tu sais, je n'ai rien demandé. C'est le bureau central qui a dit d'accord. Personnellement ça m'est égal. Quand il faut faire de la publicité pour la télévision japonaise ou un magazine je le fais mais ce n'est pas moi qui choisis. Je suis salarié ici. C'est pour ça que j'ai répondu aux questions de la télévision pour le All Japan. J'avais envie de vite rentrer chez moi, à Tôkyô. C'était le weekend et ma famille avait besoin de moi."
- kj: "Comptes-tu venir diriger un stage en France prochainement?"
- A.H.: "Aucune idée. Je veux bien mais je ne sais pas.
La dernière fois je suis parti au Kazakhstan pour un stage et un passage de grades. Je n'avais pas vraiment envie d'y aller mais c'était pas mal en fait. Au début je croyais que c'était comme dans le film Borat. En plus tu m'as inquiété avant le départ en me disant que c'était pire que ça! (rires partagés et bourrades sur les épaules). En réalité ils ont des grosses voitures, la ville est très moderne et l'hôtel vraiment confortable. J'y retournerai peut être mais je veux bien venir aussi à Paris, c'est une très belle ville. Les Instructeurs ne décident pas et doivent aller où ils sont envoyés mais moi je suis partant."
- kj: "Comme toi j'ai noté l'ambiance moyenne ces derniers temps au dôjô..."
- A.H.: "Oui...C'est une période difficile. Problèmes juridiques pour le Honbu, etc.
Il va peut être y avoir des changements avec les Branch Chiefs au niveau mondial car il en faudrait un seul par pays. Ca devrait se décider avant la fin de l'année. C'est assez confus. Il y aussi eu des problèmes avec les diplômes et ceintures en Russie. Et puis tu as tous les groupes dissidents, etc."
- kj: "Le karatedô, c'est quoi pour toi?"
- A.H.: "...Ma vie car je ne pourrai pas changer à ce niveau, c'est clair. Je ne pensais pas venir vivre ici un jour et faire tout ce que j'ai fait. C'est grâce au karate et aux personnes qui m'ont repéré pour me faire venir au Japon.
On peut changer des tas de choses mais, pour moi, c'est le centre, après ma famille, bien sûr."
- kj: "Comment vois-tu le karatedô au Japon?"
- A.H.: "Bon...Toujours fort parce qu'il y a de nouvelles générations qui arrivent tout le temps. Au dôjô nous faisons tout pour maintenir un haut niveau."
Nous espérons que cette conversation vous aura intéressés.
Ne soyez pas étonnés du ton employé (tutoiement et style général). Les rapports entretenus entre le Sensei et votre webmestre sont tout à fait amicaux. A ce titre nous souhaitons remercier sincèrement Fabrice Fourment Senpai qui a eu la gentillesse de nous mettre en rapport. La recommandation qu'il a bien voulu adresser à Artur Hovannesyan Sensei en notre faveur a débouché sur une amitié dont nous nous félicitons.
Comme toujours, karatejapon reste seul responsable des erreurs de traduction et d'interprétation, suite à cette conversation en anglais.
Dernière édition par
karatejapon le Ven Sep 30, 2011 10:21 pm, édité 1 fois.