La karatedô et la musculation sont ils compatibles pour les Japonais?
Il existe plusieurs réponses variant suivant les ryû et les lieux géographiques.
D'ores et déjà précisons qu'il ne s'agit pas de bodybuilding mais d'une musculation adaptée à la pratique du karatedô.
L'aspect esthétique n'entre pas ici en ligne de compte. C'est une amélioration et une aide qui est recherchée par le biais d'exercices bien précis.
Si le sport, tel que conçu en occident, a fait une percée remarquée dans le Japon citadin du début du vingtième siècle, la musculation balbutiante de l'époque n'a pas vraiment percé.
De nombreux Sensei l'ont carrément récusé arguant du fait qu'elle ralentirait l'exécution explosive des techniques de karatedô.
Si ce point de vue perdure aujourd'hui - un Sensei de notre connaissance à Tôkyô me l'a réaffirmé il y a quelques années - la réalité est plus complexe.
Le camp des tenants de la musculation pour les karateka (et autres pratiquants) est divisé en deux groupes.
A tout seigneur tout honneur, nous parlerons donc d'abord de la musculation traditionnelle associée au karatedô.
Et ce sont les Okinawaïens qui ont, une fois de plus, furent précurseurs en la matière.
En effet, les exercices de musculation codifiés existent depuis le dix neuvième siècle dans le berceau du karatedô. Les pratiquants associent encore aujourd'hui les exercices d'endurcissement (makiwara par exemple) à ceux de renforcement musculaire grâce à une collection d'objets hétéroclites. Ceux ci vont des jarres pleines d'eau à des haltères à l'ancienne en passant, suivant les ryû, par des anneaux métalliques de grande taille à la manipulation épuisante, des vases emplis de terre, etc.
L'esprit ingénieux des karateka d'Okinawa a été presque sans limite à ce sujet.
Hormis l'aspect purement musculaire, l'emphase est mise sur le renforcement tendineux. Là encore il s'agit d'exercices respectant le corps selon les planches de médecine traditionnelle japonaise et chinoise. Le but est clairement défini pour chaque partie du corps travaillée, pas de hasard et de musculation pour le plaisir de se regarder dans le miroir
Parallèlement à la musculation traditionnelle d'Okinawa, de plus en plus de pratiquants Japonais fréquentent les salles de fitness.
Il s'agit généralement des tenants de ryû où les kumite sont effectués sur le mode jissen karate (plein contact). Nous faisons référence ici à la Kyokushin ryû et ses avatars du type Seidokaikan, Shidokan, etc.
La plupart des compétitions des groupes représentant ces ryû s'affranchissant des catégories de poids une prise de muscles prend alors tout son sens.
Sur un plan pratique il faut rechercher une masse pectorale importante car les coups sur la poitrine et l'abdomen sont nombreux et non sanctionnés par un point attribué par l'arbitre (type ippon ou sanbon shôbu) juste après l'action.
Les quadriceps se doivent également d'être renforcés afin de bloquer plus aisément les gedan mawashi geri.
Concernant les bras, c'est le triceps, soit le muscle extenseur, qui sera musclé prioritairement et non le biceps. Ce dernier ralentira plutot les techniques si trop contracté et développé, il est donc travaillé mais dans une moindre mesure. Là encore la musculation est donc adaptée.
Les karateka Japonais ont donc généralement accepté la compatibilité de leurs techniques martiales et d'une musculation bien comprise.
A la lecture de la presse japonaise spécialisée on peut voir que cet état des choses touche à peu près toutes les Ecoles, et ce quelque soit leur style de kumite adopté en compétition.
Une fois de plus nos amis Japonais se révèlent inventifs et adaptent formidablement bien ce que l'occident invente (machines de musculation).
Pour conclure, à condition de ne pas chercher à devenir une "montagne de muscles", votre karate n'en sera que plus renforcé.