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You have to lead!

Description de la pratique réelle du karate au Japon.

You have to lead!

Message par karatejapon » Mar Mars 04, 2008 2:39 pm

Celles et ceux qui ne maîtrisent pas la la langue de Shakespeare voudront bien excuser le titre en anglais de cet article.
Pour faire simple, dans le contexte que nous allons vous décrire, cela signifie "Tu dois montrer le chemin" plutôt que "Tu dois diriger".
Nous aurions aussi bien pu intituler l'article "Prendre ses responsabilités au dôjô". Car c'est bien de cela que nous souhaitons vous parler.

Comme vous avez pu le lire dans d'autres articles du site, être membre d'un dôjô japonais entraîne certaines obligations et attitudes. Et si cela peut sembler empirique et sans objet de prime abord, pour les Nippons tout s'explique ou, plutôt, se comprend, se ressent. De façon intuitive d'ailleurs, au regard de leurs culture et habitudes. On pourrait même ajouter que le sens civique prévalant au Japon participe de cette idée.

Mais revenons un instant au titre en anglais de l'article.
Si nous l'avons choisi c'est que nous avons entendu cette phrase au dôjô, il y a quelques temps, et que nous y avons réfléchi.
Lors d'un cours à notre Honbu dôjô mondial (centre), le Sensei en charge de l'entraînement nous faisait effectuer des exercices particulièrement difficiles sur le plan technique mais aussi sur le plan physique. Il s'agissait principalement de tobigeri (coups de pied sautés), marche sur les mains et autres "acrobaties".

Au bout d'un certain temps, la plupart des deshi (élèves) se montraient fatigués mais aussi découragés. L'exercice consistant à frapper une petite balle pendant au bout d'un fil attaché au plafond devenait vraiment pénible car seuls les plus légers et agiles d'entre nous arrivaient à frapper à plus de deux mètres. Les autres ne pouvaient que soupirer et secouer la tête; j'en faisais partie.
Sentant la motivation émoussée le Sensei s'adressa à la première ligne constituée de quatre Senpai, en nous "réveillant" énergiquement. Plus particulièrement il me dit en anglais ce fameux "You have to lead!".
S'ensuivit une explication dont nous souhaitons vous livrer les points importants.

Tout le monde salua et nous marquâmes une pause bienvenue. Du moins sur le plan physique car, comme rien ne se perd au dôjô, cette explication impromptue revêtait une signification essentielle et demandait donc de l'attention mentale.

Le Sensei adressa prioritairement ses paroles aux anciens en appuyant sur notre responsabilité envers les kohai ("jeunes"), en tant que senpai ("anciens") donc. Nous devons montrer l'exemple. Cela signifie que l'on ne doit pas faire état de découragement et ne jamais abandonner, surtout psychologiquement. Le physique ne faisant que suivre l'esprit.
Dans le cas contraire, que feront alors les kohai? Ils regarderont leurs senpai et se laisseront aller, tout comme eux. Ils s'écouteront et ne chercheront plus à se dépasser. La complaisance ne fait pas bon ménage avec la progression en budô.

La responsabilité induite des anciens est donc très importante, il leur revient de faire vivre le dôjô et, surtout, le groupe. Notion essentielle au Japon, pas uniquement dans le domaine des Arts Martiaux d'ailleurs.

Loin de jouer les "maîtres omnipotents", les senpai (quelque soit leur grade) se doivent de motiver les deshi moins avancés. Cela se fait, bien entendu, par l'exemple, mais aussi par la parole et les gestes. Il ne faut jamais hésiter à encourager et conseiller de façon positive. Les pratiquants Japonais le savent bien mais, parfois, un rappel est nécessaire.

C'est dans les moments difficiles, quand la fatigue devient véritablement oppressante, que les membres du groupe doivent travailler ensemble et se remotiver. A ce titre, les entraînements les plus durs sur le plan physique sont l'occasion d'être soudés et montrer que la notion d'émulation prend tout son sens.
Le kangeikô (entraînement d'hiver généralement organisé dans la nature) reste peut être le meilleur moment pour exprimer des qualités de solidarité, de volonté et de partage pour les pratiquants.

Voilà donc, en substance, la teneur des paroles du Sensei qui nous remit ainsi "en selle" pour le reste du cours. Les effets furent immédiats et positifs. La quinzaine d'élèves présents ce soir là reprit du coeur à l'ouvrage et les encouragements fusèrent pour tous. S'il n'y eût pas de miracle sur le plan physique, la motivation fût contagieuse et contribua à permettre de se dépasser. Aller ne serait-ce même qu'un tout petit peu plus loin est déjà une victoire en soi.

Tout cela passe donc par les anciens qui doivent montrer le chemin aux autres comme en leur temps leurs propres senpai l'ont fait.
L'erreur que nous autres, anciens, avions commise lors de cet entraînement était de nous centrer sur notre fatigue, nos douleurs, notre démotivation, de trop nous écouter tout en oubliant le groupe.
Nous avions effacé de notre esprit la signification profonde des saluts partagés qui ne sont pas qu'une gestuelle dénuée de sens. Avant l'intervention du Sensei nous ne pensions qu'à la fin des exercices de façon quelque peu égoïste. Ses paroles nous ont éveillé.

Nous restons bien sûr conscients que ce type de valeur correspond plus à la société japonaise et à un certain état d'esprit mais le karatedô permet aux étrangers d'atteindre cette idée.
A nouveau, il ne s'agit pas de chercher une imitation vide de sens mais de comprendre et s'adapter pour enfin adhérer à une idée importante pour tous, kohai et senpai.
Il faut y réfléchir et mûrir ces notions afin de pouvoir donner au dôjô, qui n'est pas un lieu de consommation mais d'apprentissage, où l'échange est une base à ne pas négliger. Savoir rendre un peu de ce que l'on reçoit au dôjô est, à note humble avis, un signe d'éveil et de compréhension prouvant que l'on est sur le bon chemin.
Tous les membres du groupe ont un rôle à jouer. C'est du moins ainsi que fonctionne le karatedô au Japon.

Point de moralisation dans tout ce qui précède mais, plus simplement, une façon d'appréhender la pratique martiale à l'aune de l'état d'esprit régnant dans les dôjô japonais.
Dernière édition par karatejapon le Mar Sep 01, 2009 4:42 pm, édité 1 fois.
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Message par ChusetsuDo » Mar Mars 04, 2008 3:25 pm

Une seule chose à dire: Oss!
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Message par karatejapon » Mar Mars 04, 2008 3:47 pm

Alors merci.

Espérons que cet article pourra intéresser le plus grand nombre sur le site. Il est sans prétention mais dans le droit fil de ce que karatejapon vit depuis des années sur place.
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Message par Doppo Orochi » Mar Mars 04, 2008 5:19 pm

Tres interressant et instructif.

Comme toujours.
A la recherche de la Main Vide.
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Message par cardinal » Mar Mars 04, 2008 6:17 pm

Cet article résume très bien la conception du Karaté Do quelque soit le style, cette atmosphère et mentalité devrait régner dans tous les dojos du globe... Un jour je l'éspére... :roll:
Merci pour cet article que j'ai lu avec grand plaisir.
Pourquoi faire du Karaté ?
"La mission ultime du karaté est de développer les meilleurs traits du caractère humain plutôt que former les êtres humains à affronter ses ennemis physiques"

~Mas Oyama~
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Message par opsi » Mar Mars 04, 2008 10:21 pm

Bravo, le genre de chose que l'on aimerait entendre plus souvent en stage... :wink:
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Message par schillot » Lun Sep 07, 2009 5:36 pm

Bonjour à tous. Très bel article en effet. Je pratique au Hombu Dojo de la JKA : A chaque cours un Senseï différent : des anciens hauts gradés, des plus jeunes...Les élèves sont très différents : des anciens qui pratiquent au Hombu depuis des années, des débutants, des étrangers résidents ou de passage.... Je suis élève également de Higuchi Senseï qui enseigne dans un petit Dojo. Les valeurs expliquées par Karaté Japon sont présentes dans ces deux Dojos, mais "l'ambiance" est totalement différente entre un Hombu et ses particularités et un Dojo "familial". L'enseignement est différent, les objectifs et les rapports humains également. Au Hombu on donne le meilleur de soi-même pour soi et pour ses partenaires, Avec "son" Sensei aussi, mais également on se dépasse encore plus pour transcender ce lien "personnel" qui existe. Pour ne pas décevoir l'attente de "son" Senseï. Le Hombu m'a beaucoup apporté sur le plan technique mais sur le plan humain, je me suis épanoui dans le Dojo de Higuchi Senseï, avec une relation très forte avec mes partenaires. Lors de cours particulièrement épuisants, pas la peine de parler ou même de se regarder, chacun apporte à l'autre par sa détermination à bien faire l'exemple et la motivation.
Pour ceux qui le peuvent...Suivez les conseils de Karaté Japon et fréquentez également de petits Dojos avec Un Senseï.
schillot
 
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Message par pl » Mar Sep 08, 2009 8:44 am

schillot a écrit :Pour ceux qui le peuvent...Suivez les conseils de Karaté Japon et fréquentez également de petits Dojos avec Un Senseï.


Tout à fait d'accord sans oublier l'endroit incontournable qu'est le club universitaire.

Merci d'aprécier la JKA comme ça n'est pas tjrs le cas.
http://www.infokarate.com/phpBB/karate- ... -t771.html

os
Karate ni sente nashi
pl
 
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Message par schillot » Mar Sep 08, 2009 10:51 am

En lisant la prose de ce "Marcel", on ne regrette pas d'être sur Karaté Japon. Concernant le " Jissen" Karaté, je voudrais donner quelques précisions : JISSEN JUTSU c'est "mettre en pratique la Vérité. Il s'agit en fait d'un d'entraînement au combat réel. Il n'y a pas à l'origine uniquement un principe de compétition avec touches. En Jissen, on travaille sur l'intégralité des techniques, sur les points vitaux , en Kihon et en travail à deux. Le shotokan Gima Ha revendique d'être un Jissen Jutsu. Je pense qu'un pratiquant de Shotokan "Funakoshi" peut très bien pratiquer en forme et en esprit "Jissen". De même, les combats peuvent être pratiqués en forme "contact" Il ne faut pas non plus fantasmer sur la notion de contact, TOUTES les formes de combats arbitrés ont des INTERDICTIONS sur certaines techniques, certains niveaux ou certains points d'impacts (yeux, gorges...) Ne CATEGORISONS pas les arts martiaux en Jissen (c'est fort, c'est efficace, ça tape ect...) et en non jissen (c'est de la danse, ça sert à rien ect...) Ne devenons pas des "Marcel" .
schillot
 
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Absolument

Message par karatejapon » Mar Sep 08, 2009 11:24 am

Comme nous l'avons écrit à plusieurs reprises, pas de vérité absolue et nous avons vu des pratiquants d'Ecoles travaillant en sundome s'entraîner "plus que franchement". Alors, effectivement, comme l'exprime fort justement schillot, évitons les catégorisations hâtives.
De plus, si on reprend l'origine du mot "jissen" et ce qu'elle recouvre, on s'aperçoit que les choses ne sont pas aussi simples à expliquer et comprendre. La subtilité de la langue japonaise n'y étant pas étrangère.
karatejapon
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