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Un étranger au Japon

Description de la pratique réelle du karate au Japon.

Un étranger au Japon

Message par karatejapon » Mer Juil 11, 2007 9:22 pm

Votre webmestre a eu la chance de participer au cours D4Artur Hovannisyan Sensei, la semaine dernière au Honbu dôjô Kyokushinkai.

Grâce à l'entremise de Fabrice Fourment Shidôin, de l'association France Kyokushin, nous nous sommes rendus au centre mondial du Kyokushinkaikan, à Tôkyô, dans le quartier d'Ikebukuro.

Ce n'était pas notre première visite à "la mecque" du Kyokushin karatedô mais nous n'y avions fait auparavant que deux rapides passages sans s'y entraîner.
Ayant rendez vous avec Artur Hovanisyan Sensei avant son cours de 20:00, nous sommes arrivés avec 30 minutes d'avance afin de repérer quelque peu les lieux.
Tout d'abord il faut dire que le bâtiment abritant dôjô, bureaux et dortoir n'a rien d'impressionnant. Peu large, dans une petite rue, seule l'enseigne Kyokushikaikan Honbu dôjô le distingue des autres.
A l'entrée c'est un grand portrait du fondateur qui vous accueille; Oyama Masutatsu Sôsai est là, bien vivant, face à la porte.
Tout de suite à gauche, un bureau derrière lequel se trouve, comme de coutume, deux uchi deshi (élèves internes).
Nous laissons sortir un groupe d'enfants qui viennent de terminer leur entraînement. Pas un n'omet de saluer en se retournant vers le portrait ni de lancer un "OSU" tonitruant.

Nous entrons donc et là, légère angoisse des deux "huissiers" du moment dont l'un file à l'anglaise pour, dit-il à l'autre, se chercher un thé.
Le malheureux resté seul nous regarde la bouche ouverte et lance un timide "Hello...?"
La situation s'améliore immédiatement après un OSU sonore puis une présentation en bonne et due forme en japonais. Le soulagement est palpable chez notre interlocuteur.
Après avoir exposé le but de notre visite - voir le seul Sensei étranger du Honbu dôjô - notre ami fait tout pour se montrer sympathique et accueillant. Proposition nous est faite de nous assoir, de boire un thé, lire le dernier numéro de World Karate (organe de presse mensuel du Kyokushinkaikan). Le responsable de l'accueil (car senpai de l'autre) nous parle même anglais. Il a vécu en Australie et possède un accent indéfinissable et parfois incompréhensible. Nous utilisons donc plutôt le japonais, par simplicité.

Malgré la qualité de l'accueil, le personnel de la réception vérifie nos dires quant à notre Shihan en France. Nous évoquons aussi des pratiquants tels les Shidôin Fabrice Fourment (premier Instructeur Français au Honbu dôjô) et Julien Porterie (cinq semaines d'entraînement tout récemment, au rythme de trois ou quatre cours quotidiens).
On n'entre pas comme cela dans ce lieu mais mon pédigrée satisfait tout le monde. Les deux Shidôin cités n'ont laissé que de bons souvenirs grâce à leur sérieux et leur gentillesse évoqués par les personnes présentes, à plusieurs reprises.

Deux uchi deshi qui attendent le cours de 20:00 nous rejoignent et participent à la conversation. L'un deux, Daniel, est un shôdan Chilien. Il a tout quitté pour venir s'entraîner en tant qu'élève interne. Dans quelques mois il repartira vers son pays où il espère retrouver un poste d'ingénieur aéronautique, profession qu'il exerçait avant de partir pour le Japon.
L'autre est un jeune Japonais, ceinture verte, tout content de rencontrer un pratiquant étranger, d'une grande politesse comme il sied aux uchi deshi. En effet, il leur est demandé, non seulement de pratiquer dur, mais aussi de faire preuve de probité, honnêteté (intellectuelle), savoir vivre. Ce sont eux les futurs représentants de la Kyokushinkai.

Artur Hovannisyan Sensei arrive quinze minutes avant le cours. Grand sourire aux lèvres, il nous accueille avec beaucoup de chaleur et simplicité.
Quelque part, le reportage que lui consacre le numéro de juin du mensuel Karate Bushido ne lui rend guère justice. L'Arménien est plein d'humour, simple et très agréable. Son sourire est omniprésent.
Pour mémoire, il a quitté son Arménie natale, a ensuite vécu à Moscou pendant plusieurs années et vit depuis à Tôkyô avec son Epouse et leur fils, Max. Quelle trajectoire exceptionnelle pour vivre sa passion...

Une fois les présentation achevée, le Sensei nous propose de participer à son cours. Nous déclinons poliment l'offre pourtant intéressante mais acceptons finalement suite à l'insistance de l'Instructeur.
Avant de rejoindre le vestiaire, le personnel administratif et les uchi deshi tiennent à nous présenter Fukuda Isamu shihan.
Le numéro 358 (juillet/août) de la revue Karate Bushido propose un article sur l'adjoint de Matsui Shokei Kanchô, l'actuel responsable de la Kyokushinkai. L'homme est simple, courtois et souriant. Il irradie la gentillesse et la bienveillance. Il n'est pas austère comme les photos du magazine le laissent supposer. Nous sommes donc vraiment bien accueillis. D'autant plus que, sortant le porte monnaie pour payer la leçon, une fin de non recevoir nous est opposée. Devant notre insistance, le Sensei fait signe au Shihan qui confirme l'invitation sur un ton péremptoire mais accompagné d'un grand sourire: "tada desu" ("Cest gratuit"). Nous n'avons plus qu'à dire OSU et nous incliner dans tous les sens du terme.

Les deux uchi deshi montent avec nous au vestiaire par un tout petit escalier. Les locaux sont exigus et la place comptée, comme pratiquement partout au Japon.

Surprise en entrant dans le petit vestiaire des hommes: une cabine de douche. Denrée rare dans les dôjô de l'archipel.

Après nous être changé, nous entrons dans la petite salle. Un autel consacré à Oyama Masutatsu Sôsai se trouve à l'entrée. Nous lui ferons face pour les saluts. Le taikô (tambour) traditionnel est bien là lui aussi. A ce propos, l'article de Karate Bushido (n° 358) indique que "Le rythme et la mesure transcendent les karatekas éreintés pendant les kihon interminables...". En fait le tambour n'est frappé qu'en début et fin de cours, pour appeler les élèves aux saluts. Artur Hovannisyan Sensei nous l'a bien confirmé, de même que Yasuda Toshio Sensei responsable du Honbu dôjô régional du Kansai. Peut être s'agissait-il d'essayer de donner du relief à l'article...

Nous saluons chaque deshi déjà présent, du moins ceux plus gradés que nous ne le sommes, selon la tradition des dôjô japonais. Le spectre des niveaux est large ce soir; de la ceinture bleue au yondan. Il en va de même pour les âges; de dix neuf à cinquante huit ans. Le plus âgé étant le plus gradé, l'assistant de Fukuda Isamu Shihan en l'occurrence.

Le cours sera très classique, comme dans quasiment tous les dôjô Kyokushinkai de l'archipel.
Echauffement et étirements standards, relativement courts et passage au travail technique, d'abord sur place puis en déplacement.
Le dôjô est plutôt exigu, l'espace vital restreint et il fait 25° avec 98% d'humidité dans l'air, mousson oblige. Ca devient vite difficile et le rythme élevé qu'imprime le Sensei n'arrange rien.

Les kihon sont particulièrement longs et les corrections nombreuses afin d'obtenir une technique optimisée d'une grande précision. Les explications données par le Sensei ne nous permettent pas vraiment de récupérer car elles entraînent de nouveaux allers/retours afin de valider ce qui vient d'être corrigé.

Bien entendu, dans la plus pure tradition de la Kyokushin ryû, les pompes se comptent par dizaines, les kiai fusent impérativement et il est demandé une totale concentration aux deshi.

Les miroirs du dôjô sont recouverts de buée au bout de trente minutes malgré les fenêtres ouvertes. Mais pas une once d'air et une chaleur oppressante sont notre lot.

Le programme du jour est entièrement basé sur les kihon; le travail à deux et les kata seront pour un autre cours.
Néanmoins il faut développer la condition physique et la puissance. Artur Hovannisyan Sensei nous "propose" quelques exercices infernaux pour y arriver.
L'avant dernier, notamment, est intéressant: 10 pompes claquées (bien descendre sinon ça ne compte pas!), on se relève, 3 coups de poings sur le bouclier de frappe tenu par le partenaire puis on recommence; 5 fois au total. Le dire ce n'est rien, le faire au bout de plus d'une heure de cours au rythme imposé c'est déjà autre chose...

A ce moment là, le plus jeune élève du jour (ceinture bleue) est déjà pâle comme un karategi. A l'issue de la première série de pompes claquées il se relève pour les tsuki et se met à vomir, épuisé. Pas de dégâts, heureusement. Il a juste le temps de courir jusqu'aux toilettes.
Quand il revient, toujours bien blanc, le Sensei s'enquiert de sa santé avec sollicitude et...lui fait recommencer l'exercice du début. Il ne faut quand pas rater le meilleur, non?
Les autres groupes ayant fini avant ce jeune pratiquant, c'est là que s'exprime toute la solidarité de la "famille kyokushin". Nous sommes tous épuisés mais il n'est pas question de s'avachir dans un coin. Tous encouragent sincèrement ce jeune qui finira l'exercice, "vidé" mais content d'y être arrivé. Le Sensei aussi donne de la voix durant l'exercice, il le fait lui même mais trouve le temps de prodiguer conseils et encouragements, notamment aux deux jeunes filles présentes (shôdan) qui feront les mêmes exercices que les hommes, au même rythme et jusqu'au bout.

Nous avons grandement apprécié la finesse technique du Sensei. Il voit et corrige des "petits trucs" qui font la différence.
Son cours est donné en japonais mâtiné d'anglais et il n'hésite jamais à demander une traduction quand il ne sait pas. Aucune prétention donc mais de la conviction, de la compétence et un talent indéniable, pour autant qu'il nous soit permis d'en juger.

Après quatre vingt dix minutes à marche forcée, le cours s'achève. Les saluts réalisés, il ne reste plus qu'à faire le ménage. Là encore, dans la tradition des dôjô nippons, les kohai se précipitent pour sortir balais et serpillères. Tous les deshi participent à ces opérations. Interdiction de poser un genou à terre comme à pu s'en rendre compte notre malheureux ceinture bleue après s'être fait rabrouer par le Sensei.

Les élèves ont ensuite progressivement regagné les vestiaires après quelques assouplissements.
Nous concernant, nous sommes restés un bon quart d'heure à discuter avec quelques Senpai et le Sensei. Celui ci a eu la délicatesse de nous prodiguer quelques conseils et corriger certains points.
Compliment de choix, Artur Hovannisyan Sensei nous félicite, nous propose de travailler certains points particuliers et - cerise sur le gâteau - nous invite à revenir suivre son cours dès que possible. Ce sera chose faite dans deux semaines.

C'est la première fois que nous suivions un cours donné par un étranger au Japon. Il est clair que Artur Hovanesyan sensei est bien intégré et totalement respecté par l'ensemble du Honbu dôjô. Son cours, à juste titre réputé pour sa difficulté, est recherché par l'ensemble des élèves, soto deshi (externes) inclus.

Les uchi deshi avec qui nous avons échangé discuté avant de quitter les lieux ont unanimement loué les qualités de ce Sensei.
Son sérieux et ses capacités d'enseignant n'ont d'égales que sa simplicité et l'attention qu'il porte à chacun.

A 22:30 il a bien fallu repartir, encore tout transpirant malgré la douche. Il fait encore 25°, l'humidité est toujours aussi forte et 30 minutes de train m'attendent. Fatigué mais content je me dis que j'ai encore passé un excellent moment. Je suis quelque part privilégié et je m'en rends compte.

Nous tenons à remercier sincèrement Artur Hovanesyan Sensei, les uchi deshi et soto deshi avec qui nous avons eu le plaisir de pratiquer ainsi que Fabrice Fourment Shidôin pour son intervention en notre faveur. Nos remerciements et salutations vont aussi à l'ensemble du personnel du Honbu dôjô pour leur accueil.

En espérant que cet article vous aura intéressé.
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Message par Hanchindi » Jeu Juil 12, 2007 9:29 am

karatejapon a écrit :En espérant que cet article vous aura intéressé.
Oui, très intéressante ton expérience au hombu :wink:. L'ambiance de ce dojo m'a l'air très proche de celle des dojo okinawaïens.
Chibariyo!!!
Hanchindi
 
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Message par DisciplusSimplex » Jeu Juil 12, 2007 10:55 am

Merci bcp, c'est comme si on y était, la sueur en moins :wink:
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Mêmes valeurs

Message par karatejapon » Jeu Juil 12, 2007 11:20 am

Merci à tous deux.

Il est certain qu'au niveau de l'investissement témoigné par les deshi et de la qualité de l'enseignement dispensé, Okinawa et le reste du Japon sont sur un même plan au regard de dôjô tel celui décrit plus haut. On y retrouve les mêmes valeurs de respect, entraide et sérieux.
Précisons que ces entraînements de forcenés n'excluent aucunement la bonne humeur; les pratiquants ne sont pas des galériens.
Autre point positif: on n'y voit pas "d'apprentis maîtres" toujours prompts à dispenser des conseils du haut de leur supposée "supériorité" par rapport aux plus jeunes. L'entraide est ici sincère et désintéressée, pas faite pour flatter l'égo.
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Message par cardinal » Jeu Juil 12, 2007 11:07 pm

Merci cher webmestre, lire tes articles et encore plus ceux sur la kyokushin ryu est un pur moment de bonheur et d'évasion de l'âme tous les jours...
Merci pour cet article vivement dans deux semaines... :wink:

Osu!
Pourquoi faire du Karaté ?
"La mission ultime du karaté est de développer les meilleurs traits du caractère humain plutôt que former les êtres humains à affronter ses ennemis physiques"

~Mas Oyama~
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Message par Dims » Jeu Juil 12, 2007 11:46 pm

Merci karatejapon pour cet article, très interessant comme d'habitude. En tout cas, cela me donne de plus en plus envie d'effectuer un entraînement (ne serait-ce qu'un seul...) au Japon. Il y a quelques temps encore, je desesperais, mais en lisant tous les articles sur le forum, je me dis que rien n'est impossible dans ce domaine (surtout quand on n'a que 19 ans !).
Dims
 
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Franchir le pas

Message par karatejapon » Ven Juil 13, 2007 9:13 pm

Tu as tout l'avenir devant toi.
Plusieurs membres du site ont franchi le pas et sont donc partis s'entraîner au Japon. Ce pays reste lointain et cher mais ce peut être le voyage d'une vie.
Par ailleurs, généralement, les étrangers qui viennent pratiquer sont bien reçus dans les dôjô japonais, comme cet article l'illustre parfaitement.
Le cas de Daniel, uchi deshi Chilien, est typique. Il a tout quitté et consenti de gros efforts, financiers et physiques, mais le résultat est là. Il faut parfois savoir aller au bout des ses rêves et ambitions.
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Message par Dims » Ven Juil 13, 2007 10:35 pm

Merci pour ces encouragements. En effet, en ce qui me concerne, et comme c'est le cas je pense pour beaucoup d'entre nous, les arts martiaux ne sont pas qu'un simple passe-temps, ce serait plutôt la passion de toute une vie, je ferais donc tous les sacrifices possibles, qu'ils soient physiques ou financiers pour arriver un jour à aller au bout de cette passion.

Osu
Dims
 
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