par karatejapon » Lun Fév 18, 2019 11:00 pm
Depuis l’ouverture de ce fil de discussion par Sua, nous avons réfléchi au sujet et pouvons apporter quelques réponses, issues de nos conversations avec divers pratiquants non Japonais.
Il faut déjà intégrer le fait que les personnes mécontentes et qui s’expriment à ce propos sont essentiellement étrangères. Les Japonais, à certaines exceptions près, sont assez peu vocaux sur le sujet. Le consensus reste la norme et, en cas de profondes divergences, un départ dans la discrétion est de mise. Cela étant dit, les exemples de mécontents finissant par choisir la scission abondent au Japon, quelque soit l’Ecole de karatedo considérée.
Nous vous proposons donc de traiter le cas des non Japonais dans un premier temps. Nous étudierons la question de plus près dans les semaines qui viennent en ce qui concerne les Nippons.
Au regard de nos conversations et constatations, depuis de nombreuses années, il apparaît certains point récurrents dans les reproches à l’encontre des ryû japonaises et de leurs dirigeants ou représentants.
Il est, tout d’abord, très souvent question de volonté hégémonique des Nippons qui tiennent à conserver une sorte de leadership sur les étrangers. Ceux ci en sont d’ailleurs partiellement responsables car l’idolâtrie est fréquente. Ne voulant froisser personne, nous ne citerons pas de noms mais, un Européen chargé d’importantes responsabilités au sein d’une Ecole majeure, affirmait voici deux ans que «...même si ne nous en rendons pas compte, les Japonais savent ce qui est mieux pour nous...». Cet avis pour le moins tranché n’est pas unanimement partagé, tant s’en faut. Nombreux sont les non Japonais à considérer que tout ce qui vient du Japon n’est pas parole d’évangile et que tout étrangers que nous soyons, notre libre arbitre doit être préservé. De même, les compétences techniques et autres sont parfois aussi élevées à l’étranger qu’au Japon. Néanmoins, certains Nippons refusent de l’admettre et cherchent à garder des suiveurs dociles et obéissants, garantissant une sorte de fond de commerce. Si cette idée peut paraître exagérée voire quelque peu insultante, force est de constater que dans la majorité des Ecoles les Japonais font tout ce qui est possible pour garder la main et rester sur une sorte de piédestal bien confortable.
La structure des divers groupes est telle que le lien avec le centre de référence reste très fort - ce qui n’est bien entendu pas un mal en soi - et même incontournable. Les branches à l'étranger sont inféodées au Japon, là encore avec l’accord tacite de leurs responsables, où que ce soit dans le monde.
Des esprits libres n'apprécient que modérément cette situation et cela conduit à des scissions et des critiques acerbes, pas nécessairement justifiées. L’exemple type de ce cas de figure est celui, tout récemment évoqué, du Néerlandais feu Jon Bluming. Ce dernier a remis en cause l’hégémonie nippone, tant au niveau administratif qu’à celui des connaissances et compétences pures en karatedô.
Un autre reproche fréquemment relevé à l’encontre des Japonais est celui de l’aspect mercantile.
Les prix prohibitifs de certains passages de grades sont généralement pointés du doigt, de façon objective, il faut bien le reconnaître. Posséder un diplôme japonais et un grade correspondant est certes attirant mais les tarifs pratiqués peuvent être dissuasifs pour le moins. Certains Nippons ont bien compris l’intérêt des étrangers pour cette forme de reconnaissance et en tirent largement profit. A leur décharge, les pratiquants au Japon acquittent les mêmes sommes. Les stages dirigés par des experts Japonais suivent la même logique que pour les passages de grades. Ce qui nous amène maintenant à évoquer les récriminations quant à ces fameux stages.
En tant que pratiquant de très longue date, nous avons participé à un certain nombre de stages sous la direction de professeurs venus du Japon. Nous avons, à ces occasions variées, entendu des critiques souvent réitérées. Elle sont généralement de deux ordres. D’abord, le contenu du stage en lui même est fréquemment remis en cause car trop porté sur les bases et ressemblant somme toute à un «simple cours». Le prix dudit stage, élevé comme de coutume, entraîne des récriminations car les pratiquants étrangers attendent autre chose. Il est évident que de grandes vérités ne seront pas dévoilées à ces occasions mais une attente forte est légitime. Comme pour les tarifs des passages de grades, les Japonais ne font que décliner outre mer ce qui se passe chez eux. Les blâmer sur ce point n’est donc pas totalement justifié puisqu’il s’agit finalement de deux visions différentes, même si pas totalement opposées.
Ensuite, un autre reproche relevé par nos soins et entendu à plusieurs reprises lors de stages, est celui de ce qui est parfois vécu comme une forme de tromperie, même si, à nouveau, le terme peut sembler fort. Attendre le responsable d’une ryû et ne bénéficier en fin de compte que de l’enseignement d’un de ses adjoints, aussi compétent soit-il, est logiquement décevant pour les pratiquants étrangers. Même si l’enseignant prévu possède en règle générale de bonnes raisons de ne pas assurer la direction du stage (problème de santé ou autres), la forte attente des pratiquants assortie du fait que le tarif ne soit pas minoré entraîne donc des critiques logiques.
L’intérêt pour l’argent plutôt que pour le développement du karatedô est un reproche majeur fait aux Japonais.
Bien plus rare, la déception peut provenir du niveau jugé peu élevé de certains Japonais, surtout lors de stages. Ce cas de figure correspond souvent à des Ecoles peu connues ou développées dans certains pays. Certains pratiquants étrangers considèrent qu’il s’agit d’une sorte de «tromperie sur la marchandise».
Nous nous souvenons d’un tel cas, au début des années 1990, en France. Un jeune instructeur Japonais était venu, soit disant mandaté par une des Ecoles majeures au Japon, pour une série de stages et entendait s’installer en France. Un magazine français spécialisé avait même effectué un reportage sur cette personne. La supercherie a rapidement été révélée avec un niveau bien éloigné du quatrième dan revendiqué et un rapide retour au Japon a réglé le problème.
Là encore, on en revient à une attente parfois trop importante quant au niveau des Japonais et leur supposée connaissance supérieure du karatedô.
Voici donc les premières réponses que nous pouvons apporter à ce sujet.