par karatejapon » Mer Mai 03, 2017 3:13 pm
Nous vous avons déjà proposé plusieurs articles consacrés à la position d'uchi deshi. Ceux ci, au vu du nombre de lectures, vous ont plu et certains membres en ont même demandé d'autres. Dans la mesure où nous vous avions promis un nouvel article sur les élèves internes Japonais, sujet pas encore traité directement, nous vous offrons aujourd'hui cette thématique. Néanmoins, puisque les réponses données par les uchi deshi étrangers au Japon étaient très largement positives quant à cette expérience rare, nous avons plutôt choisi de renvoyer des avis concernant les aspects moins agréables, en reprenant les points négatifs relevés auprès des personnes qui ont accepté de nous répondre. Notre site ne donne pas dans le politiquement correct et nous considérons que rien n'est parfait, même au Japon.
Vous comprendrez aisément que nous occultions l'identité des pratiquants que nous avons questionné ces derniers mois, condition sine qua non acceptée de bonne grâce par votre serviteur et ses interlocuteurs, au nombre de cinq.
- kj: "Pouvez vous expliquer ce qui était le plus dur durant cette période?"
- X: "J'en avais assez des tâches ménagères. Et je ne sais pas faire la cuisine mais comme c'était chacun son tour j'étais bien obligé. Le reste ça allait mais lessive et ménage...je suis content de n'avoir plus à faire tout ça. Le problème était aussi le manque d'argent car on ne gagne rien en travaillant pour le Honbu dôjô et on n'a pas vraiment le temps de trouver un travail à mi-temps. Et puis certains Sensei étaient très durs avec nous. Pour moi c'était un Sensei que je craignais énormément. Il était très exigeant avec moi, c'était le diable, vraiment! Je sais qu'il voulait me voir progresser mais quand il participait à l'entraînement ça me rendait malade. J'en ris maintenant mais je lui voulais du mal...le diable!"
- kj: "Quels sont, pour vous, les points négatifs de cette expérience?"
- X: "J'ai passé de très bons moments et je ne regrette rien. Malgré tout, il ne faut pas croire que tout est parfait. C'était très fatigant avec beaucoup d'obligations. J'ai fait beaucoup de travail administratif mais je trouvais ça très ennuyeux. Les papiers, les relations avec des branches à l'étranger, traduire des documents dans les deux sens...L'entraînement était une libération malgré la fatigue. J'ai souvent traversé Tôkyô, parfois deux fois par jour, pour déposer des documents et en récupérer d'autres. Entre le Honbu dôjô et l'Ichigeki Plaza en général. J'ai aussi beaucoup fait le chauffeur pour différentes personnes. Ca veut dire que j'attendais souvent longtemps dans la voiture et ce n'est pas passionnant. Le système est comme ça."
- kj: "Pouvez vous parler des aspects difficiles de votre période en tant qu'élève interne?"
- X: "J'ai choisi de venir et j'ai travaillé dur pour honorer la confiance qui m'a été accordée donc je ne vais pas me plaindre. Malgré tout, je peux vous parler des difficultés rencontrées si vous voulez.
Déjà j'étais loin de ma famille et je ne la voyais qu'une fois par mois, pas plus. J'ai connu un sentiment d'isolement malgré la bonne camaraderie des autres élèves internes. Les uchi deshi sont très sollicités, très pris. On n'a pas beaucoup de temps pour soi.
Le plus dur...? Sur le plan physique, je dirais les séquences de kumite avec des personnes bien plus lourdes que moi. Je ne suis qu'un poids léger et j'ai reçu beaucoup de coups. Je sais que ce n'était pas méchant, que c'était pour me faire progresser mais c'était très dur. Vraiment. Même blessé il fallait s'entraîner, tout le temps, sans pouvoir récupérer. Certains senpai sont très durs avec les kohai mais il faut supporter."
- kj: "Quels seraient selon vous les points négatifs de cette période?"
- X: "C'est une chance que d'avoir été accepté donc je suis heureux d'avoir suivi ce cursus même si c'était parfois difficile.
Je garde le souvenir de longues périodes, debout, en costume/cravate, lors des tournois. Pour moi c'était toujours pénible. Peu de temps pour boire, manger et aller aux toilettes. Il faut être immédiatement disponible pour les invités et toutes les personnalités. C'est normal car nous représentons le Kyokushinkaikan mais ce n'est pas du tout le meilleur moment. Sinon, le manque de temps pour se soigner et récupérer des blessures. Bien entendu il faut continuer à s'entraîner mais le rythme reste élevé, on ne peut pas décider de ralentir vraiment. On n'a pas le droit de s'économiser et les senpai nous poussent toujours. Mais, bon...je fais la même chose moi même. Le système japonais est bon mais tous ne peuvent y adhérer et accepter toutes les contraintes."
- kj: "Des aspects de cette fonction d'élève interne vous ont-ils déplu?"
- X: "Tout m'a plu...au niveau de l'entraînement mais pas du tout le reste. Sauf les relations avec les autres uchi deshi. Comme j'habitais pas trop loin du Honbu dôjô je pouvais passer voir mes parents de temps en temps et aussi je voyais ma petite amie donc j'avais de la chance par rapport aux autres. Par contre je n'aimais pas répondre au téléphone, ni faire la queue à la poste. J'étais souvent chargé du courrier et c'était assez pesant avec tous les envois au Japon et à l'étranger. Il faut vraiment faire attention à ne pas commettre d'erreurs. Ca m'est arrivé et j'ai eu droit à des remontrances très violentes par un Sensei que vous connaissez. C'était de ma faute mais je me suis fait rabrouer vertement devant tout le monde. C'est comme ça pour les élèves internes. Il faut être parfait sinon ça chauffe pour nous et ça dure comme ça durant plusieurs jours."
Nous espérons que ces quelques témoignages - dont, rappelons le, seuls les aspects négatifs ont été relevés - en éveilleront certains à la réalité de la vie quotidienne des uchi deshi, plutôt éloignée des images romantiques véhiculées par le cinéma ou des personnes n'ayant qu'une vague idée de ce dont il s'agit réellement.
Nous remercions les pratiquants qui ont accepté de nous répondre et restons seul responsable des éventuelles erreurs de traduction et/ou d'interprétation. Toutes ces conversations ont été conduites en langue japonaise.