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Qu'est ce que le budô karate?

Description de la pratique réelle du karate au Japon.

Qu'est ce que le budô karate?

Message par karatejapon » Mar Sep 12, 2006 12:04 am

Pascal, enseignant de karatedô, japonisant (et accessoirement membre du site) nous propose une intéressante traduction à partir d'une récente publication japonaise.

Article paru au Japon dans la revue "Gekkan karatedô" d'avril 2006.

(Traduction du japonais par Pascal Lesage pour France Showakan JKA karatedô)


Questions posées au président de la (reconnue) Japan Karate Association Nakahara Nobuyuki.


Qu'est ce que le budô karate?
La participation du karate aux Jeux olympiques.

- "D'abord, quelle est votre position, en ce qui concerne la participation du karate aux Jeux Olympiques?"

- N. N.: "En juillet 2005, lors du rassemblement organisé à Singapour, le karate a été rejeté (38/63) comme je le pensais."


- "Et à votre avis, que faudrait-il faire pour que le karate soit accepté?"

- N.N.: "Lors d'une réunion, les responsables m'ont confié ne pas bien connaître le karate. C'est très décevant car c'est à eux pourtant d'en faire la promotion.
Ensuite, la WKF (fédération mondiale) a une façon très spéciale d'entreprendre cela: le Président a répété que les Japonais devaient faire plus d'efforts. Le plus difficile est confié aux Japonais et le droit de modifier les règles d'arbitrage et de compétitions, en d'autres termes la crème, est réservée aux pays européens. Pour eux, c'est normal, je suppose."


- "Certains responsables de karate semblent dire qu'ils veulent à tout prix que le karate participe aux J.O. même si c'est avec le tae kwon do. Qu'en pensez-vous?"

- N.N.: "Juste après que Funakoshi sensei ait fait sa première démonstration en 1922, le maître de jûdô Kano Jigoro a proposé que les techniques de karate soient englobées dans le jûdô. Funakoshi sensei a refusé et pour faire ce que nous appelons aujourd'hui le karate. C'est la même chose aujourd'hui, ce serait tuer le karate.
De plus, pour que le Comité Olympique International accepte le karate, il faudrait que la W.K.F.et la Fédération de karate Traditionnel Internationale de Nishiyama sensei deviennent une seule et unique fédération et nous en sommes loin."


- "Sur le modèle des J.O. antiques?"

- N.N.: "Il faut prendre les Jeux Olympiques antiques comme modèle. Ce sont des disciplines avec des règles simples. Un sport qui présente des règles avec plusieurs sortes de points ne peut pas devenir olympique. Regardez le foot, par exemple, c'est simple; 2 équipes, 2 buts, si le ballon entre il y a 1 point. C'est tout. Une des différences entre les compétitions "karate budô" et celles du "karate sport" est dans la simplicité des règles. En budô il n'y a pas de règles, mais dans un sport il en faut pour protéger les pratiquants et motiver la partie.
Comme vous le savez, la J.K.A. représente le "karate budô" dans le monde entier et conserve les premières règles qui ont été établies au Japon : le ippon shobu. Les règles y sont très simples, sans les catégories ou poules de poids. Il n'y a pas de points, juste "waza ari" ou "ippon". Il est interdit de faire des piques aux yeux et des coups aux parties génitales et de toucher. C'est très simple.
Les règles W.K.F. tolèrent les projections mais comme à l’aïkidô, au karate une fois que l'on est attrapé, c'est fini. Le karate, c'est justement l'art d'abattre l'autre avant qu'il ne nous attrape. C'est la notion du mai..."

- "Quelle mentalité?"

- N.N: "Pour la J.K.A., un champion est une personne qui pratique le kihon, le kata et le kumite et qui gagne dans les deux catégories, "kata" et "kumite". Nos grands champions en sont l'exemple. Il est difficile d'expliquer ce qu'est un "budô" mais on peut affirmer qu’au-delà de la force, de l'efficacité et de la technique, on doit trouver une mentalité, un esprit."shinji o kitaeru" signifie devenir fort de corps et d'esprit. Il y a des fois ou malgré tous les entraînements, on n'y arrive pas et on a alors besoin d'autre chose et ça ne peut venir que de la force mentale. Il faut appliquer ces mêmes principes à la vie entière.
Dans le dôjô kun, la première"jin kaku kansei ni tsutomuru koto" se résume par: Pourquoi je vis? Qui suis-je? Qui est l'autre? Pourquoi la perfection? Le but de la vie pour le bouddhisme est résumé dans les caractères "kara" ou"mu", le vide ou le néant.
On ne peut parler de bonne technique que si elle ne s'exécute sans penser, sans réfléchir. Il faut faire le vide dans l'esprit. Tout cela est très difficile et demande beaucoup de connaissances de l'histoire des anciens qu'il faut vénérer puis dépasser."


- "Donner un but aux jeunes?"

- N.N.: "Quand on est jeune, on peut se contenter du karate sport mais en vieillissant ça n'est plus possible. Le sport à ses limites pas le budô. C'est aussi une autre différence. Pour les jeunes, il faut insister sur les bonnes manières, le respect et la politesse. Il faut leur montrer ce qu'il faut faire, leur apprendre à être reconnaissant. Il ne faut pas enseigner des réflexes mais des sentiments. C’est le sens de "Le karate commence et finit par un salut."



- "Dans les règles de L'I.T.K.F. de Nishiyama sensei, il y a des points sur le salut car il semblerait que les étrangers ne savent pas "courber l’échine".

- N.N.: "Etant le Président de la J.K.A., j'ai, comme les autres membres, une certaine fierté d'être la seule école de karate "shadan hôjin" (personnalité civile, reconnaissance du ministère de l'Education Nationale) mais la fédération japonaise de karate, elle, est une "zaïdan hôjin" ce qui étymologiquement signifie " rassemblement de richesse". Le mot "shadan", lui, a le sens de "rassemblement d'un groupe de personnes". C'est à dire que ce sont des personnes rassemblées dans un même esprit. L'instructeur et les élèves sont donc sur un même niveau. Même si l'un enseigne et l'autre apprend, ils sont égaux dans le karate. Je rappelle souvent à nos instructeurs qu'ils vivent grâce à leurs élèves. Ils doivent les respecter et les faire progresser."



- "Pourtant autrefois les instructeurs du dôjô central de la J.K.A. n'avaient pas une très bonne réputation."

- N.N.: "Maintenant c'est différent, d'ailleurs lorsque vous téléphonez au dôjô central, ce sont des jeunes filles qui vous disent "bonjour" en souriant."


- "Qu'est ce que le kime dome? Les compétitions J.K.A. sont toujours très intenses, serait-ce vrai que vous acceptez un "léger" contact?"

- N.N.: "Non, nous touchons par erreur. Il ne faut pas toucher mais hélas cela arrive. Une bonne technique doit être arrêtée juste devant la cible. À la J.K.A. nous ne pratiquons pas le "sundome" mais le "kimedome" (explosion avec le maximum de force le plus proche possible de la cible).
Les gens qui pratiquent le karate"contact" parlent souvent du "sundome" pour parler du karate traditionnel mais ne connaissent pas bien le"kimedome".
Il n'est pas normal que l'on donne un point à une technique qui n'a pas de kime. Et c'est la même chose pour le kata. Un kata sans kime n'aura qu'une faible note. Que ce soit dans le kata ou dans le combat nous insistons sur le "kimedome"."


- "À la J.K.A. vous êtes réputés pour vos entraînements "jigeikô "
(entraînements de base, de combat)"


- N.N.: "Oui, les étudiants qui viennent s'entraîner chez nous ont beaucoup de mal à tenir les entraînements. Pourtant, étrangement, il y a des pratiquants qui n'ont pas de bons résultats en compétitions et qui sont très forts au dôjô.


- "Alors que la J.K.A. venait tout juste d'être créée, il y a eu un entraînement en commun avec un dôjô très connu de l'époque. Les élèves de la J.K.A. n'ont pas tenu longtemps.
Mais, comme me l'avait raconté Shoji sensei, c'est grâce à cela que les entraînements J.K.A. se sont intensifiés. Et quand, quelques années plus tard il eu de nouveau une rencontre avec le même dôjô, la situation était inversée. Ce fut la renaissance de la J.K.A.."

- N.N.: "Oui, il y a eu plusieurs histoires de ce genre. Un grand groupe de karate "contact" est venu un jour. C'est Okazaki sensei qui a alors été chargé de défendre les couleurs de la J.K.A..(rires)"


- "Je me souviens d'une autre fois où Hayakawa sensei avançant sans garde a mis à terre ses adversaires en quelques techniques."

- N.N.: "Tanaka sensei n'avait pas de garde non plus. Depuis l'année dernière, l'instructeur Kobayashi n'a plus de garde.
À ce propos, Hideo Takaoka qui est entré à l'Université de Tôkyô après moi et qui est chercheur en budô, dit que la garde indique d'où l'on attaque. Miyamoto Musashi avait des gardes qui laissaient penser qu'il n'en avait pas. Il y a une représentation très connue sur laquelle, il serait en garde alors que rien ne le laisse paraître."


"La différence entre le sport et le "jitsugi" (véritable sens)?"

- Kobayashi: "Au début, la Japan Karatedô Federation était constituée de plusieurs écoles. D'ailleurs maintenant, c'est plutôt un rassemblement de ligues régionales. La J.K.A. , quant à elle, est entrée à la J.K.F. comme groupe collaborateur, c'est bien cela?"


- N.N.: "La J.K.F. a été fondée pour être admise dans l'Association d'Education Physique et pour rassembler une équipe nationale, me semble-t-il.
La Japan Karatedô Federation se charge du karate "sportif" et la J.K.A. du karate "jitsugi". C'est tout à fait différent.
La J.K.A. coopère avec la J.K.F. mais ça ne signifie pas que la J.K.F. est au-dessus. Les deux groupes sont égaux avec des buts différents. En tant que groupe sportif la J.K.F. a raison d'agir en groupe sportif. Nous envoyons des stagiaires participer aux compétitions et nous pensons qu'une bonne entente avec le "karate sport" est une chose importante. Il y a même quelques bruits qui courent comme quoi les championnats J.K.A. pourraient laisser participer les karateka sportifs."



- Kobayashi: "Mais si les écoles coopérantes ont leurs dan de reconnus en équivalence jusqu'au 3ème dan, au-delà les passages de grades sont différents. Et les dan J.K.F. sont devenus les grades avec le plus de valeur."

- N.N.: "En tant que représentant du karate "jitsugi", je me demande s'il est vraiment normal qu'un groupe "sportif" ait autant de reconnaissance.
Par exemple, en "sadô"(cérémonie du thé), il y a 3 grandes écoles et d'autres plus petites, comme en karate. Il n'y a pas de compétition ou de volonté de participer aux Jeux Olympiques donc pas de nécessité à créer une fédération. Il n'y en a pas et s'il y en avait, on se demanderait qui sera officiellement reconnu et qui aura le droit de donner des dan.
Le shotokan, le shitô ryû, le wadô ryû et le gojû ryû pensent tous que leur style est le meilleur. On a beaucoup à apprendre des autres styles mais sur le principe nous croyons tous que notre école est la meilleure. Cela me semble tout à fait normal. Chaque groupe coopérant possède ses techniques et son éthique bien spécifique. Nous à la J.K.A., nous sommes celui qui représente le karaté professionnel.
Le dôjô central est une sorte d'académie du karate où les instructeurs perpétuent un karate très caractéristique."


- Kobayashi: "J'ai, récemment, fait une interview d'un Maître iaïdô qui m'a confié avoir eu l'occasion de passer des grades auprès de la fédération japonaise de kendô. Pour un pratiquant de iaïdô les kata de kendô qu'il a alors vus sont tout à fait inutilisables dans la réalité. Cependant, il est difficile d'être reçu sans se plier à la forme homologuée par ladite fédération."

- N.N.: " Oui, c'est un très bon exemple. Chaque pratiquant ne peut être évalué que parmi les siens. C'est pour cette raison que la J.K.F. se charge du karate sportif et nous du karaté "jitsugi".


Ne pas devenier une minorité.

- "Monsieur le Président, vous qui êtes un professionnel dans le domaine de l'économie, comment doit-on, à votre avis organiser un groupe comme le vôtre?"

- N.N.: "Quand une société comporte trop de postes différents, le système hiérarchique s'agrandit et les structures s'endurcissent. Par exemple, le karate "sport" prend de plus en plus d'importance au sein de la fédération de karate scolaire.
Les instructeurs Oishi et Iida, qui sont également responsables dans cette fédération, ont constaté que le karate "budô" était en train de devenir minoritaire. Il serait alors très facile pour quelqu'un de siéger pour dicter ses volontés au sein d'une association de minorité. Une bonne association doit être composée de membres avec des avis divergents."


- "La fédération de karate scolaire est de plus en plus karate "sport" avec des règles proches de celles de la W.K.F.. Dans leurs dôjô,les étudiants pratiquent un karate traditionnel mais pour gagner aux compétitions, ils doivent s'entraîner au karate "sport".C'est en contradiction."

- N.N.: "A présent, l'idéal serait de bien séparer le karate "sport" et le karate "budô". Donc, je crois que c'est une bonne chose qu'il y ait deux championnats du Japon. J'ai signalé au ministère l'importance de préserver le budô. Et bien faire concevoir et distinguer le karate "sport" et le karate "budô" est devenu à présent notre tâche."


- "Vous Monsieur le Président Nakahara, comment voyez-vous la J.K.A. en tant qu'organisation?"

- N.N.: "Je pense que c'est une association fraternelle et démocratique. Dans les autres écoles, il a un "iemoto"(maître successeur) mais pas chez nous. Funakoshi sensei est à l'origine et est chef instructeur mais pas un "iemoto".Nous avons à la J.K.A., un chef instructeur.
Au temps de Nakayama sensei c'était peut-être différent, mais maintenant à la J.K.A. nous avons un comité technique (shihankaï) et un chef instructeur nommé.
Une autre chose est que la J..F. représente le karate amateur alors que la J.K.A. représente le karate professionnel. N'oublions pas que les instructeurs du honbu dôjô sont payés et ont même eu une prime de fin d'année, l'année dernière."


- "On ne voit pas beaucoup les jeunes instructeurs Japonais à l'étranger?"

- N.N.: "C'est parce qu'il y a encore les anciens sur place. Il y a quelques années, nous avons créé un système spécial d'attribution de grades. Jusqu'à maintenant, il était nécessaire de passer par les anciens, par exemple aux États-Unis, Okazaki sensei, Mori sensei ou Mikami sensei, pour passer des dan à l'étranger. Nous avons donc créé ce nouveau système pour les instructeurs 6ème dan minimum. Ce diplôme est accessible pour les Japonais comme pour les étrangers.
Ces permis sont valables pour deux années et c'est en relation directe avec le honbu."



- K.: "Cependant, il pourrait y avoir des instructeurs qui s'arrogeraient ce droit."


- N.N.: "Ce serait contraire à notre éthique. Nous, nous ne sommes pas une association réservée. Et s'il y avait ce genre de problème, on retirerait les licences d'examinateur. De plus, une partie des gains de passage restera aux examinateurs, ce qui me paraît très équitable."


Les "fous" du karate qui l'ont développé à l'étranger.

- "Je voudrais poser une question au responsable des Etats-Unis du nord: où en est l'expansion du karate à l'étranger?"


- K.: "En près de 50 ans, des instructeurs japonais se sont efforcés de développer le karate à l'étranger. C'est une chose difficile. Seulement, on ne peut pas dire que ce soit le "vrai" karate japonais. Quand on voit certains professeurs de karate étrangers, on a du mal à croire que ce sont des karatéka, mais ce sont eux qui ont l'autorité et qui développent un karate complètement erroné.
Il y a aussi d'autres instructeurs, Japonais, qui se retrouvant dans une position de "maître", changent et ne pensent qu'à profiter de cette situation. Il faut que les instructeurs Japonais fassent plus d'effort pour développer le "vrai" <I>karate.
Pour chaque style, il doit y avoir 250 instructeurs d'un grade supérieur au 5ème dan, installés à l'étranger.
Ça n'est pas suffisant. Et il y a trop d'instructeurs étrangers qui ne pensent qu'à gagner de l'argent et c'est difficile de leur dire maintenant ce qu'est le vrai karate traditionnel japonais."


- "Que ce soit au Japon ou à l'étranger, on ne sait plus ce qu'est un budô."


- N.N.: "Justement, le karate sport est le karate sport, mais nous devons promouvoir le karate budô.
Attention, je n’ai jamais interdit de pratiquer le karate sport .Que les personnes qui désirent faire du karate "sport" en fassent. Nous recommandons le karate budo, mais c’est tout.
Ne nous méprenons pas. L'idéal serait que, si nous prenons le jûdô en exemple il y a la fédération japonaise et le Kôdôkan. En karate, il y a la W.K.F. et la J.K.A. (représentant du karate traditionnel).
Nous n'avons pas l'intention pour autant d'imposer quoi que ce soit aux autres écoles traditionnelles.
La grande réussite de Funakoshi sensei a été de venir d'Okinawa pour y enseigner le karate dans les universités continentales. Ses élèves ont par la suite participé au développement du karate au Japon, puis dans le monde entier. Seulement, il n'a jamais eu l'intention de faire du "shotokan" l'équivalent du Kôdôkan pour le jûdô. Simplement, il y a de plus en plus toutes sortes de styles dans la fédération sportive de karate. Un karate "sport" avec des règles de fabrication européenne est en train de faire son entrée au Japon. Et cela, en tant que japonais, personne du pays maternel du karate, ce n'est pas acceptable.
Le vrai budô étant la vie ou la mort, ce que nous faisons au dôjô n'est qu'une goutte d'eau. En ce sens, nous sommes encore des "rigolos". Que ce soit pour moi comme pour nos instructeurs, il faut faire feu de tout bois et continuer à nous consacrer au karate comme des fous."
karatejapon
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