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Pratiquer nuit gravement à votre santé

Description de la pratique réelle du karate au Japon.

Pratiquer nuit gravement à votre santé

Message par karatejapon » Sam Sep 09, 2006 1:51 am

[/i]Il y a de cela quelques mois, un de nos amis Japonais, universitaire francophile et accessoirement nidan (2ème dan) de kendô et nous même parlions des blessures occasionnées par la pratique du karate.
Selon lui, l'Art Martial d'Okinawa était à l'origine de blessures graves chaque année, lors de tournois ou au sein même des dôjô.
Toujours d'après ce francophone averti, un certain nombre des ces blessures serait cachées afin d'éviter d'effrayer les pratiquants potentiels et, surtout, les parents désireux d'inscrire leurs enfants dans un club.
karatejapon a donc cherché à en savoir plus.

Un contact avec la Japan Karate Federation n'a rien donné car le pendant nippon de la F.F.K. ne communique pas sur le sujet. C'est du moins ce qui nous a été répondu, en anglais.
Une seconde tentative - en japonais - s'est révélée légèrement plus fructueuse. Là notre interlocuteur nous a appris que le taux d'accidents ayant entraîné une hospitalisation n'est pas plus élevé qu'ailleurs. Soit. Mais cette réponse étant trop évasive et imprécise selon nous, nos recherches ont été réorientées vers les dôjô et pratiquants de notre connaissance.

Autant commencer par un des dôjô dont karatejapon est membre.
Notre enquête s'est donc poursuivie à Ôsaka où les deshi et deux enseignants ont bien voulu répondre à nos questions.

Dans ce dôjô, ouvert depuis un peu plus de deux ans, on a dénombré trois blessures sérieuses, toutes contractées lors de compétitions selon les règles du jissen karate.
Deux pieds cassés (dont celui d'un enseignant) avec plâtre à la clé pour quelques semaines et un genou déboîté suite à un coup de tibia, asséné pleine puissance sur la jambe en porte à faux. Dans ce dernier cas, la blessure s'est soldée par un mois d'arrêt et un strapping impératif.

Notre ami Nippon ayant parlé de décès survenant de temps en temps dans ces compétitions où le contact à la tête est autorisé, nous avons posé la question.
Un membre de l'organisation des tournois pour la région du Kansai (triangle Ôsaka, Kôbe, Kyôto) a accepté de nous répondre.
Selon cette personne, le dernier décès lors d'une compétition organisée par la Kyokushinkai remonterait à 1990, suite à une succession de coups à la tête.
Par contre, les fractures de la mâchoire et autres KO entraînant des commotions cérébrales plus ou moins importantes ne sont pas si rares.
Toujours d'après ce Japonais, c'est plutôt du côté des Ecoles récentes de jissen karate que l'on trouverait des blessés graves en nombre important. La faute en reviendrait à un suivi médical quasiment inexistant et au manque de contrôle de la direction de ces Ecoles. Pas très rassurant donc mais aucun chiffre précis n'a pu être obtenu.
En tout cas, le Seidokaikan, contacté à ce propos a refusé de répondre.
Quant à nos contacts auprès du Daidojuku karate, ils nous ont affirmé que peu de blessures graves étaient à déplorer. Le port du casque, obligatoire en compétition, y est certainement pour quelque chose.

Hormis les blessures survenues lors de tournois, nous avons cherché à savoir ce qui se passait dans les dôjô, une fois la porte refermée. Et c'est là que notre universitaire Nippon s'est montré un allié précieux.
Deux anecdotes lamentables nous ont été rapportées. Elles concernent deux universités de Tôkyô que nous ne nommerons pas pour diverses raisons.

En 1998, un jeune deshi en première année universitaire a été tué par ses camarades d'entraînement pour avoir refusé de participer à la vie du dôjô selon leurs souhaits. Les faits se sont produits dans le dôjô même.
Les coupables sont maintenant incarcérés (trois d'entre eux du moins) et la section karate de cette petite université a été définitivement fermée.

Une université autrement plus connue a également été le théâtre d'un évènement sordide en 2001. Nous en avions eu un bref aperçu dans la presse japonaise anglophone de l'époque.
Les faits sont d'autant plus graves qu'ils ont été sanctionnés par un enseignant. Celui ci, estimant qu'un débutant (première saison et première année) ne s'investissait pas assez lors des kumite, le plaça dos au mur et chaque deshi présent, sans considération de grade, attaqua alors à son tour. La séance dura près de trente minutes selon l'enquête et devint vite un calvaire.
A chaque fois que le jeune homme tombait d'épuisement ou de douleur, il était relevé et subissait de nouveaux assauts. Cette triste histoire se solda par la mort du jeune pratiquant suite à un arrêt cardiaque. Les pompiers - dont un de notre connaissance - ne purent jamais réanimer le malheureux.
Pour l'anecdote, il ne s'agissait pas de jissen mais de sundome karate.
En guise de défense, l'enseignant en charge du cours (un nidan) parla de la tradition à respecter, avant de finir en prison, sa pleine responsabilité ayant été retenue par le tribunal.

En parlant de cette fameuse tradition, il faut savoir que les Japonais ont souvent pratiqué un karate brutal et violent quelque soit la ryû. Aucune n'a l'apanage de ces méthodes dures mais souvent dictées par la situation d'une époque révolue.

Lors de nos trop rares conversations avec le regretté Kase Taiji Sensei (Shotokan ryû), il nous avait décrit les entraînements durant la guerre comme particulièrement durs sur le plan physique. Il fallait former des hommes rudes et efficaces en peu de temps et la méthode était simple: ça passe ou ça casse. Et ça cassait souvent.

De même, le Japon militariste et expansionniste des années 1930 avait un oeil complaisant pour les défis et autres règlements de compte entre dôjô. Les nez, mâchoires ou divers os fracturés étaient fréquents. Peu de monde trouvait alors à y redire.

Les années 1950 et mêmes les années 1660, pourtant période prospère pour le Japon, n'ont pas fait exception à la règle.
Suzuki Tatsuo Sensei, de la Wadô ryû avait coutume de dire que, dans sa jeunesse, à la fin de l'entraînement le plancher du dôjô était couvert de sang.
De même, Arakawa Toru Sensei - de la Wadôkai - nous disait il y a quelques années regretter le manque d'engagement physique de la génération actuelle des jeunes pratiquants.
Il semble en fait que pour de nombreux Japonais, les risques de blessure grave existent mais soient acceptés de façon tacite par tous les participants.

De notre tour de six dôjô, il ressort que la plupart des enseignants prônent un karate sérieux et physiquement exigeant. Malgré tout, comme nous avons pu le constater, il semble acquis que chacun puisse pratiquer selon ses possibilités physiques, sans chercher à aller trop loin. Cela est particulièrement vrai pour les dôjô privés mais moins à l'université où la recherche de performance reste très présente et influe donc sur les comportements des participants.

Si nous avons parlé de danger physique, évident de prime abord, il en est un autre à ne pas négliger.
Il s'agit d'un danger plus subtil et pernicieux car invisible pour le plus grand nombre. Le Japon, pas plus que les autres pays, n'est à l'abri des charlatans et autres sectes. Avoir de jeunes adultes sous sa responsabilité permet, pour qui le veut, d'influencer les esprits et pas toujours pour le bien général.

Un professeur Nippon enseignant en France s'est vu proposer, il y a plusieurs années de ça, un billet de retour définitif au Japon par les autorités françaises. Cela faisait suite à un excès de prosélytisme durant les cours pour adolescents.
Il faut savoir que le Japon est un pays où de nombreuses sectes ont pignon sur rue. Certaines d'entre elles se sont immiscées dans le milieu des Arts Martiaux. Toutefois cela ne concerne généralement que de petits dôjô privés.
Par ailleurs les gourous en tous genres peuvent sévir et renvoyer vers leurs élèves les problèmes psychologiques dont ils sont affligés, de la paranoïa au culte démesuré de la personnalité. Les exemples de ce type abondent aussi hors du Japon, les vieux pratiquants en France le savent bien.
Là aussi le danger existe donc même s'il n'est plus physique.

Alors, la pratique du karate nuit-elle gravement à votre santé? Nous osons croire que non après près d'un quart de siècle de pratique sans blessure plus grave que des dents cassées.
A vous de prendre et accepter des risques calculés sachant que le karate est un budô moderne, issu d'une longue tradition d'Arts Martiaux conçus dans un but guerrier et non sportif.
Ces notions semblent logiquement plus claires pour les Nippons ou les étrangers pratiquant au Japon.
Choisissez bien votre dôjô, au Japon comme ailleurs, et tout ira bien pour votre plus grande satisfaction.
Dernière édition par karatejapon le Ven Mai 25, 2007 8:44 pm, édité 3 fois.
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