La
WKF, pendant japonais à la FFK, tente actuellement une importante relance dans l'archipel, par le biais d'une réintroduction de cours de
karatedô dans les écoles primaires.
Nous avons pu évoquer récemment cet intéressant sujet avec un de ses responsables, à
Tôkyô,
Nishimura Seiji Sensei.
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kj: "
Sensei, pouvez vous, s'il vous plaît résumer votre parcours...?"
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N.S. : "Je suis actuellement
coach national pour le
kumite au sein de la
WKF. Ce poste m'a été accordé car j'ai un long passé de compétiteur derrière moi, de la fin des années 70 jusqu'au milieu des années 80."
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kj: "Je me souviens de vous avoir vu combattre. Vous n'avez pas beaucoup changé et semblez toujours en forme."
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N.S.: "Vous êtes trop gentil! J'ai perdu pas mal de cheveux et je pèse au moins dix kilos de plus qu'à l'époque où j'étais champion du monde."
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kj: "En 1982 si mes souvenirs sont exacts..."
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N.S.: "En effet. Cette année là j'ai remporté le titre
kumite à
Taipei."
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kj: "Votre style était explosif avec de bonnes techniques de jambes mais aussi des poings très efficaces."
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N.S.: "Disons que je n'étais pas très puissant mais mes professeurs m'avaient beaucoup fait travailler cet aspect du combat en vitesse/explosion avec une
tokui waza de poing afin d'être un combattant plus complet."
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kj: "Quelle est votre Ecole?"
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N.S.: "J'ai formé mon propre groupe dont le centre se trouve à
Fukuoka, dans l'île de
Kyûshû mais je reste, bien entendu, dans la
Wadô ryû."
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kj: "En quoi consistent vos fonctions actuelles?"
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N.S.: "En tant qu'entraîneur national, la fédération m'a chargé d'un plan de relance du
karatedô dans les écoles primaires. Selon l'évaluation des résultats nous étendrons notre action aux collèges mais pas avant 2015."
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kj: "Très concrètement, en quoi cela consiste-t-il?"
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N.S.: "Je développe actuellement un plan d'envergure afin de proposer dans au moins une école primaire par préfecture des cours de
karatedô. Ceux ci seront au choix des élèves, en concurrence avec les cours de sport plus classiques comme le
baseball et le
football ou les simples cours d'éducation physique. Les élèves intéressés se verront alors proposer des entraînements au
dôjô pour se lancer vraiment dans cette Voie.
Bien entendu cela prendra beaucoup de temps mais nous avons déjà les enseignants qualifiés et une liste d'écoles pilotes. A terme l'ensemble du pays sera concerné."
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kj: "Pourquoi cette opération?"
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N.S.: "Je crois qu'il était grand temps de relancer les
budô dès l'école primaire. Le Japon et ses enfants ont bien changé depuis les années 1960, tout comme les goûts du public. Nous devons peut être recentrer les choses afin de conserver notre patrimoine. D'autres
budô japonais auront peut être la même démarche. Pour l'instant les lycéens étudient surtout le
jûdô et le
kendô mais le
karate possède de nombreux
dôjô et
sensei. Donc autant en profiter.
A un degré moindre, le
Shorinji kenpô tente un peu la même chose dans l'île de
Shikoku."
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kj: "Les enseignants retenus appartiennent-ils tous à votre
ryû?"
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N.S.: "En fait moins de la moitié car la
WKF entend faire participer tous ceux qui le souhaitent. Par ailleurs, de par l'histoire de l'implantation du
karate au Japon, certaines régions sont plus riches en
dôjô de certaines Ecoles.
Disons que, principalement, on trouve des
Sensei Wadô,
Shitô,
Gôjû et
Shotokan. C'est d'ailleurs là aussi un point positif; nous travaillons ensemble sur un projet commun."
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kj: "Quel est le programme suivi? Son contenu pour les jeunes élèves?"
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N.S.: "Avec le groupe que je dirige nous avons opté pour des choses assez simples telles que les
Pinan ou
Heian kata car il sont assez faciles à mémoriser et permettent une progression logique aux enfants. En parallèle nous avons travaillé sur des
kumite sur une, deux ou trois attaques. Pour les élèves en dernière année d'école primaire, nous proposerons du
kumite avec casque, gants et protège tibia. La sécurité reste incontournable, bien entendu."
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kj: "Qu'attendez vous de tout cela?"
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N.S.: "Il est difficile de savoir ce qui sortira de ce projet ambitieux mais, personnellement, j'espère que cela amènera une nouvelle génération dans les
dôjô. Comprenez que pour cela il soit nécessaire de sensibiliser enfants et parents le plus tôt possible."
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kj: "Vous avez utilisé le terme de "
budô" mais ne craignez vous pas une dérive sportive comme pour le
jûdô, par exemple?"
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N.S.: "Tout est possible mais je crois sincèrement que ceux qui seront vraiment intéressés rejoindrons les
dôjô où des valeurs essentielles sont enseignées. Par ailleurs, les
sensei de ma génération ont le devoir de montrer aux jeunes la profondeur du
karatedô et leur faire comprendre que l'aspect sportif ne dure qu'un court laps de temps sur l'ensemble d'une vie de pratique. Notre but n'est pas de remplacer les sports à l'école mais de proposer une alternative riche et débouchant sur d'autres choses."
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kj: "Le fait de travailler avec des tenants d'autres Ecoles est relativement peu courant au Japon..."
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N.S.: "Pas vraiment car au sein de la
WKF nous nous rencontrons souvent. Même quand j'étais compétiteur je côtoyais des pratiquants d'autres Ecoles que la mienne. Cela étant dit, chaque
ryû conserve une certaine autonomie et reste libre d'organiser ses propres tournois en plus de compétitions internationales.
Nous oeuvrons tous dans le même sens afin d'aider au développement du
karatedô qui reste un bien commun. L'égalité et la liberté sont de mises dans cette opération et je travaille en harmonie avec tous. Je respecte clairement mes pairs dont certains ont été mes adversaires il y a un quart de siècle."
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kj: "Pensez vous que votre idée serait viable à l'étranger?"
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N.S.: "C'est assez difficile à dire car les situations sont très contrastées et les traditions parfois bien différentes. Néanmoins ce serait possible dans des pays de taille moyenne et centralisés. Je connais un peu le fonctionnement des institutions régissant les Arts Martiaux dans certains pays et je crois que ce type d'idée pourrait se révéler praticable en France ou au Pays bas. Beaucoup moins en Espagne ou aux Etats Unis."
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kj: "Avez vous des regrets par rapport à votre carrière de compétiteur?"
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N.S.: "Non, c'était une autre époque. J'ai connu beaucoup de joies et j'ai pris du plaisir. Je suis maintenant dans une autre étape de ma vie et je travaille sur une autre dimension du
budô dans mon entraînement personnel. Au delà de mon travail j'essaye de transmettre car c'est essentiel, peut être même autant pour soi que pour les autres.
Je continue à m'entraîner presque quotidiennement quand mon emploi du temps l'autorise et cela me fait beaucoup de bien. Mais, à nouveau, j'éprouve beaucoup de satisfaction à exercer la mission qui m'a été confiée."
Tous nos remerciements vont à
Nishimura Seiji Sensei pour ses explications et le temps qu'il a bien voulu nous accorder.
Vous pourrez trouver des informations complémentaires sur
http://www.karatedo.co.jp/seiji-nishimura/ Nous restons l'unique responsable des éventuelles erreurs de traduction et d'interprétation de cette conversation conduite en japonais ainsi qu'en anglais.