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Un an au Japon

Description de la pratique réelle du karate au Japon.

Un an au Japon

Message par karatejapon » Mer Sep 06, 2006 6:11 pm

Nous vous proposons une nouveauté cette fois ci.
Il s'agit certes d'une interview mais pas n'importe laquelle car GM, membre du site, a accepté de se prêter au jeu des questions/réponses.
Les souvenirs de son séjour d'un an Tôkyô en 1986/87 sont bien vivants pour lui. Nous vous proposons donc de les partager et vous ne manquerez pas d'être surpris par certains points de vue éloignés de l'idôlatrie du Japon dont certains font preuve.


- kj: "Peux tu tout d'abord présenter ton parcours en Arts Martiaux aux membres du site?"

- GM: "Avant d'arriver au Japon j'avais commencé le karate Shotokan avec François Petitdemange, un ami de Dominique Valéra. En plus du karate j'ai commencé le kendô en 84 chez Marc Hamot à Maisons Alfort, dans le Val de Marne. Kato Sensei a visité le dôjô pour un stage et ça m'a donné envie d'aller au Japon. Il enseignait au dôjô de la Police métropolitaine de Tôjô."


- kj: "Dans quelles conditions es-tu parti au Japon?"

- GM: "Je suis parti avec juste l'adresse d'un couple d'amis Japonais et un peu d'argent. J'étais débutant en japonais et je devais être ceinture verte.
J'ai trouvé une chambre dans le quartier de Takadanobaba. Le confort était spartiate; pas de meubles, douche et toilettes sur le palier.
J'ai commencé à travailler comme serveur dans un restaurant franco-américain au quarantième étage d'une tour de Shinjuku."


- kj: "Et les débuts en karatedô à Tôkyô?"

- GM: "Je partais travailler en métro et je feuilletais un exemplaire du magazine japonais Karate quand mon voisin m'a questionné sur ma pratique. Il m'a donné sa carte en guise d'introduction au dôjô de l'université de Keio.
J'y ai donc été et on m'a bien reçu. C'est un des plus vieux dôjô Shotokan au Japon. Pas de vestaires; on déposait les vêtements dans un coin. Ouvert à tous les vents; pas de porte. Une sorte de grand hall avec de vieilles photos au mur, au coeur de l'université.
Je me souviens d'un bac à l'entrée avec des petits gants rouges et des vieux makiwara sans la paille.


- kj: "Comment se déroulait l'entraînement? Et les deshi...?"

- GM: "L'entraînement était orienté compétition. Les élèves avaient entre 18 et 22 ans. Le professeur devait avoir la trentaine. A la japonaise. Classique: kihon/kata/kumite. Beaucoup de techniques de base. En jyû kumite c'était gyaku tsuki, maete tsuki jôdan, maegeri, le tout en puissance et avec rapidité. Il y avait beaucoup de contact entre les dan mais c'était plus cool avec les kyû.


- kj: "Tu t'entraînais souvent?"

- GM: "Deux fois par semaine pendant six mois. C'était plutôt en hiver et j'ai souffert du froid. Comme il n'y avait pas de douche, dès que je rentrais chez moi je repartais aux bains publics.
En tout cas j'appréciais la discipline au dôjô; c'est ce que je recherchais."


- kj: "Et ensuite?"

- GM: "J'ai intégré le dôjô de Kanazawa Hirokazu Sensei au bout de six mois. Le choc! Tout petit et en sous sol. Pas de vestaires, douches ou W.C. On faisait les kihon sur trois pas par manque de place."


- kj: "Kanazawa Hirokazu Sensei dirigeait-il lui même les cours?"

- GM: "Non, le professeur était un Canadien d'une cinquantaine d'années, très puissant et pas très sympa. Il y avait beaucoup d'étrangers dont 50% d'Américains. Les dan étaient assez pédants. Du coup j'y allais sans plaisir mais je cherchais l'esprit karate."


- kj: "Comment se déroulaient les cours?"

- GM: "kihon, kata. Des cours à la japonaise. Il yen avait tous les jours mais certains étaient réservés aux Japonais.
Il fallait acheter un carnet d'inscription et c'était cher pour l'époque.
Il n'y avait pas d'air, un vrai four pendant l'été. Tiens, je me souviens d'une fois, après le cours, au bain public un type avec un superbe tatouage d'un personnage de kabuki dans le dos m'avait abordé pour discuter de karate et autres."


- kj: "Qu'as tu retiré de cette année au Japon?"

- GM: "C'était une bonne expérience. En 84 j'avais passé une semaine à Tôkyô et une semaine à Ôsaka. J'ai été impressionné par Kyôto."


- kj: "Et au niveau du karate?"

- GM: "J'ai apprécié la discipline et le travail valorisé typique au Japon. Mais j'ai quand meme été un peu déçu. Keio avait l'aspect d'un dôjô ancien traditionnel mais trop axé compétition.
J'ai été vraiment déçu par le dôjô de Kanazawa Sensei. J'étais peut être trop débutant. L'aspect commercial prévalait. Et l'attitude des étrangers imbus d'eux mêmes...On était loin de l'esprit karatedô."


- kj: "Quid de Kanazawa Hirokazu Sensei lui même?"

- GM: "Je ne l'ai rencontré qu'une fois! C'est comme si Dieu entrait dans le dôjô. En tout cas il était très agréable."
Avec le recul, j'ai été plus interessé par mon voyage à Okinawa en 2003 avec Oshiro Zenei Sensei. Notamment le dôjô d'Ishiki Sensei dans la banlieue de Naha. L'entraînement est bon et c'est plus convivial. En un cours j'apprends beaucoup de choses.
Si j'avais été shôdan j'aurais appris plus et j'aurais vécu cette expérience différement."


- kj: "Comment s'est passé le retour en France?"

- GM: "J'ai continué en Shotokan avec Patrick Tamburini mais si je n'avais pas découvert la Gôjû ryû j'aurais arrêté le karate.
Le kendô et le iaidô m'attiraient plus."


- kj: "Quel est ton plus beau souvenir concernant les Arts Martiaux au Japon?

- GM: "Ma visite au dôjô de kenjutsu d'Otake Ritsuke Sensei de la Katori shinto ryû en 84.
C'était un petit dôjô à l'ancienne. Un retour de trois siècles en arrière. Sa femme était très sympathique. Le Sensei avait déjà plus de soixante ans mais il était vif comme un singe, ses attaques très vives.
Pour intégrer ce dôjô il faut signer avec son sang. Venir aux cours est une obligation pour tous. Les élèves ont entre trente et soixante ans. Une révélation pour moi! C'est ça le vrai Japon des Arts Martiaux."


- kj: "Autre chose à ajouter?"

- GM: "Oui, un dernier souvenir. Dans la banlieue de Tôkyô je longeais un mur percé d'une porte en bois et j'entendais des sifflements. J'ai attendu un bon moment et écouté et je me suis décidé à frapper à la porte.
Un homme âgé a ouvert et j'ai essayé d'expliquer avec des phrases toutes faites que je souhaitais regarder. Je me suis assis en seiza dans un coin et j'ai regardé pendant une heure un petit groupe d'archers sous la direction de leur Sensei. Son arc était magnifique. J'ai essayé le kyudô une fois en France mais j'ai compris intuitivement que ce n'était pas pour moi.
En repassant la porte du dôjô je suis revenu dans un autre monde et une autre époque. Mais celui du dôjô était un monde de rêves et de légendes."


GM va aujourd'hui souvent au Japon; il en est à son trentième séjour et parle couramment la langue. Il est l'élève de Oshiro Zenei Sensei et pratique le Gôjû ryû karatedô depuis une dizaine d'années; il en possède le shôdan.

Nous le remercions pour sa gentillesse et son objectivité quant à son entraînement au Japon. Merci également d'avoir été le premier membre de karatejapon.net à se prêter à cet exercice.
karatejapon
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